Citations sur Rivages (12)
— Nous avons la chance de pouvoir voyager en étant sûrs de toujours trouver du nouveau, de l’inattendu (…). Nous ne serons jamais d’éternels voyageurs toujours en quête d’ailleurs. Ailleurs est à notre porte, partout autour de nous. Nous remplirons rapidement nos mémoires de moments fabuleux et nous reviendrons vers nous-mêmes parce que le légendaire, le mythologique, est au sein même de notre peuple.
Je veux revenir aux rivages qui ont vu naître mes ancêtres. (p. 156)
Le Voyageur expliqua qu'après avoir soumis toute la création, les humains l'oublièrent peu à peu et se retirèrent dans des cités de fer et d'acier. L'humanité s'illusionna et crut faire de l'or avec de la boue, alors que seuls les poètes en ont le pouvoir. De ses forteresses de verre et de béton, elle dirigeait le monde et craignait ses semblables.
Mais la coopération se transforme quelquefois en compétition âpre et sans pitié. Lutte pour l'accès à l'eau, corps à corps pour de l'espace, course vers la lumière. Le figuier étrangleur excelle dans cet affrontement : ses graines se posent dans les branchent de ses congénères innocents, germent en se nourrissant d'eau de pluie et des déchets qu'elle véhicule, poussent doucement, les racines vers le bas, les tiges vers le soleil. Petit à petit, le figuier étrangleur recouvre son hôte, ses racines s'enfoncent dans le sol, ses branchent percent la canopée, puis il devient autonome, solidement planté sur ses échasses. Quant à l'arbre sur lequel il a poussé, il continue à survivre tant bien que mal, embarrassé, prisonnier.
- En même temps, il y a de la poésie à se savoir entre mythe et réalité, souffla le Voyageur, les yeux embués par l'alcool. Entre mythe et réalité, répéta-t-il, entre terre et mer. Le rivage, n'est-ce pas le lieu où les vagues mouvantes se brisent et se meurent sur la terre ferme ? Et cette eau battante ne transforme-t-elle pas la côte qu'elle érode ? Quoi qu'on en dise, vous êtes le peuple des rivages : peut-être issus d'un mythe, je ne sais pas. Mais il est certain que vous transformez notre réel.
- C'est pour cela que je l'ai épousé ! s'exclama Sylve. Je me suis trouvé un poète et un philosophe ! Tu as raison, et peut-être qu'un jour nous emmènerons ce réel qui nous entoure jusqu'aux rivages bénis qui nous ont vus arriver.
- Cet alcool a des vertus que je ne lui connaissais pas ! s'exclama Dùmcrèt en riant. Allons nous amuser !
La forêt n'abrite pas que de simples arbres, tous dressés côte à côte en un agencement dont la cohérence ne peut qu'échapper à l'esprit humain. Elle se compose d'une multitude d'individus, tous différents, certains s'entraident, échangent des informations, protègent les baliveaux, utilisent leurs armées - fourmis, oiseaux - pour se protéger, parfois même s'échangent des nutriments. Mais la coopération se transforme quelque fois en compétition âpre et sans pitié. Lutte pour l'accès à l'eau, corps à corps pour de l'espace, course vers la lumière.
Rapide et violente, la crue sylvestre avait avalé les bitumes comme la pyrale dévore les buis.
L’humanité avait résolument tourné le dos à la magie, aux analogies et aux correspondances entre le cosmos et le vivant. Les hommes s’entêtèrent et érigèrent en vérité ultime une technique qui avalait goulûment la création, et, dans un fracas mécanique, les foreuses puisèrent toujours plus profond, extrayant des diamants et de l’or noir d’une terre à l’agonie, fractionnant la roche même pour inonder les sols de boue étouffantes, arrosant ensuite les forêts de pluies acides.
Le Voyageur expliqua qu’après avoir soumis toute la création, les humains l’oublièrent peu à peu et se retirèrent dans des cités de fer et d’acier. L’humanité s’illusionna et crut faire de l’or avec de la boue, alors que seuls les poètes en ont le pouvoir.
Nous ne serons jamais d’éternels voyageurs toujours en quête d’ailleurs. Ailleurs est à notre porte, partout autour de nous.