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Critique de Sando


Sando
13 septembre 2016
Contraints de fuir quelques temps la Palestine pour échapper au courroux d'un mari cocu(fié), Zeev Feinberg, le séducteur à la moustache majestueuse et Yaacov Markovitch, son acolyte effacé, sont envoyés par le chef de leur organisation clandestine en Allemagne avec pour mission d'épouser de jeunes juives et de les ramener dans leur pays afin de leur éviter le funeste sort que leur réservent les nazis.

L'opération devait être simple, sans risques et se solder par une vingtaine de divorces, mais c'était sans compter sur le coup de foudre de Yaacov pour Bella Zeigermann, « la plus belle femme qu'il ait vu de sa vie ». Comment cet homme au physique insipide, invisible aux yeux de tous et habitué à aller chercher l'amour dans les bordels pourrait-il laisser passer la chance d'être lié pour la vie à cette créature à la beauté quasi surnaturelle ? Aucunes supplications, aucunes menaces, aucunes larmes ne parviennent à lui faire entendre raison et c'est ainsi que Bella se retrouve prisonnière d'un homme envers lequel elle entretient désormais une haine viscérale. Et si le temps adoucit les peines, il ne vient pas toujours à bout des rancoeurs les plus tenaces…

Comment parler du premier roman d'Ayelet Gundar-Goshen sans évoquer cette atmosphère bouillonnante de vie, cette énergie communicative ainsi que toutes les émotions fortes qu'il transmet au fur et à mesure que la lecture progresse. Joies, peines, passions, rancoeurs et désillusions nous entraînent dans une ronde étourdissante, aux côtés de personnages attachants et hauts en couleurs, animés chacun par une espèce de folie douce et luttant sans cesse contre ses obsessions et ses failles.

L'auteur, grâce à des caractéristiques spécifiques, parvient à incarner merveilleusement ses protagonistes, rendant extraordinaire même le plus commun. Ainsi, Zeev Feinberg, à la moustache célèbre dans tout le pays, Sonia, sa sulfureuse maîtresse au parfum d'orange, en passant par le boucher, sensible sous des dehors de rustre et par Rachel et Bella, deux férues de mots et de poésie, rendues infidèles par désespoir, sans oublier Yaacov, le discret au coeur tendre, prêt à sacrifier sa vie pour un fantasme, sont autant de personnages charismatiques et touchants, animés par une foi et une énergie qui, en dépit des moments de faiblesse, les rendent uniques et inoubliables.

Malgré un contexte historique pour le moins perturbé, puisque l'intrigue se déroule en 1939, peu avant la création de l'Etat d'Israël, l'auteur fait de la Palestine un univers coloré, chaleureux et parfumé à l'orange et à la pêche, qui foisonne et tourbillonne au rythme des aventures (et mésaventures !) des différents protagonistes. La grande Histoire, si elle permet de planter le décor, n'est en rien le sujet du roman d'Ayelet Gundar-Goshen, bien au contraire. Elle privilégie largement les histoires individuelles de ses personnages, centrées sur l'amour (heureux mais bien plus souvent malheureux), plutôt que leurs faits d'armes, même s'il en est parfois question.

Cette apparente légèreté du roman se retrouve amplifiée par la poésie et la magie qui règnent dans son atmosphère ainsi que par le style d'écriture, simple mais plaisant, dans lequel l'humour est omniprésent, apportant une bonne dose de fraîcheur au texte, même lors des passages plus sombres et émouvants. Cela permet à l'auteur d'aborder plus aisément des thèmes extrêmement durs, tels que l'exil, les violences à l'encontre du peuple juif, le déracinement, la guerre et ses injustices, la folie liée aux traumatismes… Un roman aux multiples facettes donc, qui se révèle être un bon moment de lecture !

Un grand merci à Babelio et aux éditions Presses de la Cité pour cette découverte !
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