Encore

Nous venions de voir un homme qui avait réussi à se replier sur lui-même jusqu’à disparaître. Ou jusqu’à exister…

Quelqu'un pouvait-il s'accrocher à la vie simplement pour pouvoir raconter comment il avait survécu?

Si la vie est si pénible, c'est parce qu'elle n'est qu'une simple réaction.

Il ne m'a fallu que cinq ans pour devenir un être terrifiant. Pourtant j'étais encore un enfant. J'avais 14 ans et pour moi la souffrance des autres n'était qu'un jeu, ce que je vivais me semblait irréel.

Pour haïr la victime, il n'était pas nécessaire de perdre du temps à faire personnellement sa connaissance. Il suffisait de sniffer quelques doses de la haine collective qui est en suspension dans l'air. Cela ressemblait à toutes les guerres qui ont été, sont et seront engagées au nom de symboles. (p. 46)

Nous transportions de la chair. Uniquement de la chair. Le rêve, la pensée ou les sentiments n'étaient pas inclus dans le prix. Peut-être que s'ils avaient payé assez cher, nous nous serions débrouillés pour les faire passer sans dommage. J'en aurais même fait une affaire personnelle, j'aurais veillé à ce que les rêves qu'ils avaient formés dans la maison- ou dans le trou, quel qu'il soit, où ils étaient nés- ne se brisent pas durant le trajet. (p. 20)

Je hais l'espoir, cette calamité qui fait rêver les enfants les plus désemparés. (p. 40)

Il est impossible de savoir exactement à quelle époque a commencé le commerce des êtres humains (...)

Le premier outil utilisé par l'homme , c'est un autre homme . J'imagine qu'il n'a pas fallu beaucoup de temps pour fixer le prix de cet outil et en faire commerce . On peut estimer que le commerce de l'être humain a commencé à la première occasion. (p. 22)

Les héros sont braves et stupides. Le peuple, lui, est craintif et rusé. Ils ne sont pas faits pour s’entendre. 

Finalement, l'homme a le lynchage dans le sang. Le lynchage, en tant que nécessité naturelle, a sa place partout : dans la famille, à l'école, dans les quartiers, dans la société, dans les relations internationales, partout ! Tous les jours divers États se mettent d'accord pour désigner un ennemi commun. Cela leur permet de s'entendre sur un point et faciliter leurs marchandages quotidiens.