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Critique de Tastevin


Un jeune garçon prénommé Charles, passager avec ses parents d'un avion traversant l'Afrique, survit seul à la chute de ce dernier dans une forêt isolée. Des autochtones en marge de la société pillent la carcasse et y découvre l'enfant indemne. Ils le recueillent et celui ci va vivre parmi eux, grandissant et ne s'éduquant que par la lecture d'ouvrages étonnamment présents sur place. Son mentor se nomme Cul-Nu. Devenu adolescent, Charles tombe amoureux d'une jeune fille nommée Septembre. Par un concours de circonstance impliquant les nouvelles techniques de l'informatique, des compatriotes belges retrouvent sa trace. Alain, son oncle, entreprend des démarches pour le rapatrier. Il charge Audrey, son assistante, de l'amener dans son pays d'origine. Charles découvre l'école occidentale, ses rites, ses exclusions. Grâce à ses connaissances encyclopédiques du Français, il intègre le clan des gagneurs tandis que son proche cousin Frédéric, reste en marge parmi les paumés.
Le livre se présente comme le récit de Charles lui-même. Nous avons affaire à un roman témoignage écrit à la première personne du singulier par un narrateur interne et véridique. L'essentiel du scénario se déroule à notre époque. le lecteur prend connaissance d'abord de la vie dans une jungle lointaine, refuge d'une bande armée à la fois victime et rebelle, puis de l'univers scolaire, enfin de la vie familiale et sociale. Une fois le héros en Belgique, l'auteur nous donne à découvrir, en premier lieu, toute une galerie d'adolescents plus ou moins sympathiques mais surtout prisonnier de la mode ; en second lieu, les adultes qui composent le personnel de l'école comme le professeur de Français Madame Carpentier et la psychologue Madame Sadiki. Pour finir, la famille d'accueil : Alain, l'oncle quinquagénaire à la situation enviable, sa femme Murielle à la plastique impeccable, son fils Frédéric qui partage sa chambre avec le narrateur, sa fille Aurore au tempérament contestataire.
L'ouvrage comporte 320 pages divisés en 47 brefs chapitres sans titre. L'auteur emploie le passé ce qui nous change de cette mode ridicule des livres actuels écrits au présent sans que l'histoire ne le justifie. Thomas Gunzig use d'un vocabulaire riche mais bien choisi et sans prétention. Ses phrases, grâce à une construction équilibrée, font entendre une mélodie harmonieuse parfois un peu surannée, interrompues par des dialogues crues et contemporains, astucieux procédé qui évite le risque de lassitude. Les métaphores originales abondent comme ce « sourire taillé dans la lumière » et des descriptions portant sur un aspect principal comme une couleur, une odeur, un son se révèlent plus évocatrices et donc parlantes que de fastidieuses peintures réalistes façon Zola. Des citations appropriées de poèmes classiques accompagnées de commentaires bien pensés enrichissent le texte. Voilà pour ce qui concerne une mise en forme séduisante qui pousse le lecteur à ne pas lâcher le livre. En revanche, le fond pêche par un excès de cynisme et de pessimisme à l'égard de notre société contemporaine. Les personnages sont tous dépeints de façon caricaturale à l'exception de Cul-Nu, de Septembre et d'Aurore. Leur comportement stéréotypé, vulgaire et soumis à la toute puissance du matérialisme occidental incite au dégoût. Pour autant, la fin de l'histoire qui dévoile un héros manipulateur et sans scrupule, insensible aux malheurs qu'il provoque autour de lui, n'éclaire pas ce récit bien noir. Gunzig n'épargne pas le milieu enseignant. Malgré les travers de certains de ses membres, cette profession contient, faut-il le préciser, biens de professeurs dévoués et désintéressés. L'admiration du narrateur pour Aurore qui se réjouit du terrible sort de son père lequel ne fut pourtant point un abuseur, révulse les esprits censés. Nous sommes loin d'un Bernanos égratignant le monde moderne dans « la France contre les robots » pour lui substituer une spiritualité de haute volée. Nous sommes plus proches du « théorème » de Pasolini qui voit un ange envoyé dans une famille y dévoiler ses tares sans pour autant proposer une quelconque rédemption.
Cette importante lacune m'empêche de mettre 4 étoiles à un livre malgré ses qualités stylistiques.
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