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Critique de mlangeard


Ce manuel de méditation avec Dieu.e de Jeanne-Marie Guyon est un chef-d'oeuvre confidentiel pourtant essentiel aux yeux de personnalités aussi diverses que Fabrice Midal, Christiane Singer et à l'époque, François de Fénelon. L'auteure fait une synthèse personnelle d'un grand mouvement de son siècle, informel et heureux, le Quiétisme, de quiétude : tranquillité et repos intérieurs. Ce mouvement est lui-même l'héritier d'une tradition ancienne, méconnue, le Christianisme intérieur : méditatif.

La mystique, cette spiritualité buissonnière, dépasse et relie par leurs centres les belles traditions religieuses du monde. Elle est interreligieuse et unifiante. Est-il temps d'arrêter de déifier Dieu.e ? La méditation croyante, théiste, est la relation de coeur à coeur à l'ami.e invisible. Pour l'auteure, libérer et entretenir à chaque moment de la journée une certaine disponibilité intérieure permet trouver un chemin de vérité, de vie et de croissance continue. La co-présence intérieure donne une paix immédiatement et partout accessible. Elle agrémente chaque activité du jour et réconcilie avec l'immense variété des situations et des émotions du quotidien, agréables ou non. Surtout, cette paix rend libre.

La relation personnelle, affective à Dieu.e - la mystique - s'offre à tous aujourd'hui. Dans le passé, les conditions pour y avoir droit étaient multiples : connaissances, appartenances, accréditations, préparations, accompagnement, maturité, équilibre psychologique, etc. Jeanne-Marie Guyon insiste pourtant longuement : le trésor secret est caché aux puissants, aux savants et révélé aux simples, aux petits et aux vulnérables.

L'amour simple et brut est plus vrai que l'amour sophistiqué, domestiqué et codifié. Donne-t-elle des avertissements, exprime-t-elle des précautions ? Aucun, si ce n'est indirectement en proposant une pratique méditative qui se vit lors d'un temps de lecture (toujours terminé par un « petit silence ») puis de façon infuse dans le métier, dans le travail et les responsabilités quotidiennes.

La méditation du coeur n'isole pas du monde, elle ne juge pas la vie et le monde comme ils vont. Elle engage et ancre dans la vie véritable, dans l'efficacité véritable : vraies forces de transformation du monde, bien au-delà du jugement. Épouse et mère de cinq enfants, Jeanne-Marie partage un sens des réalités poussé. La méditation du coeur est indissociable des engagements du quotidien. Fondée sur un solide bon sens, elle n'en détourne pas, bien au contraire, elle les irrigue de sa joie, elle est l'eau vive dans le jardin fertile des responsabilités ordinaires.

Notre époque, le niveau élevé et assez généralisé d'autonomie, d'éducation et de culture qui la caractérise permet d'avoir enfin une relation d'adultes avec Dieu.e. le niveau scientifique monte, les questions de santé sont bien mieux traitées et travaillées qu'avant, notamment la santé psychologique et relationnelle. Les équilibres de vie sont mieux compris et suivis par la plus grand nombre. Les connaissances se démocratisent. le respect des besoins fondamentaux se fait plus exigeant.
Le sentiment de filiation à Dieu.e, cette familiarité vécue dans les détails de nos intentions et de nos relations, génèrent très sûrement l'ensemble des vertus, autrement dit l'équilibre émotionnel et relationnel, l'équilibre de Vie, pas toujours respectueux des normes et conventions.

Le Dieu vivant ne nous sort pas de la vie, il nous ancre dans la vie humaine, corporelle et relationnelle, telle qu'elle se donne à toutes et tous. La rigueur de cette simplicité et sa discrétion sont les meilleures des gardes-fous, des antidotes à tous les excès de sentimentalité ou d'exaltation, à toutes les radicalités et les rigidités.

Il n'y a pas de science mystique, pas d'experts, pas de maîtres, juste quelques rencontres et la joie immense et libératrice de l'esprit d'enfance, tissé de fragilité, de spontanéité, d'insouciance et d'émerveillement. Assumer le manque de repères, le manque de plan, sont les conditions de la confiance véritable : le silence et l'abandon.

La vie avec l'ami.e invisible est étonnamment et rapidement bénéfique, transformatrice. Dieu.e est le meilleur ami de l'être humain : présent au coeur de nos coeurs, il nous éveille à la conscience depuis la nuit des temps. C'est lui le grand secret de nos civilisations. Ce compagnon discret n'est pas tout-puissant, « créateur du ciel et de la terre. » Il est juste inspirateur du meilleur en l'humain, de sa pleine puissance. Il est dans l'interdépendance avec nous, comme nous avec lui. L'ami.e invisible n'a pas créé la maladie, la souffrance et l'inconscience. La vie est ainsi, en grande partie absurde.

En revanche notre relation à Dieu.e peut nous aider à traverser les épreuves et en tirer des enseignements : transformer le poison en élixir, rester debout pour être libres malgré tout. Cette relation fondamentale génère des moment de paix infiniment ressourçants et des synchronicités passionnantes. La condition d'être humain reste d'une exigence radicale et tragique, et devient aussi enthousiasmante. Que demander de plus ?

Le Dieu vivant est un dieu complice et compagnon, un dieu d'amour dont l'amitié profonde est impatiente de se donner, de soulager et guider vers une vie abondante et fertile. Faut-il encore lui en laisser l'occasion.

Il est temps de simplifier, dédramatiser et faciliter la relation personnelle à Dieu.e. La méditation croyante, théiste dans les livres de Jeanne-Marie Guyon fait le retour à l'essentiel, le retour au meilleur : la tendresse et l'affection, l'expérience de la présence de Dieu.e (Thomas Keating). Elle représente aussi un progrès, une évolution naturelle et une maturation vers une relation plus adulte.

Mystérieusement, ma vie et Ta vie sont intimement liées. Nos libertés se répondent dans le désir mutuel de vivre ensemble chaque heure du jour.
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