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Critique de afriqueah


Nous connaissons le mont Fuji, peint par Hokusai ou Hiroshige, nous ne connaissons pas le mont Jimura. C'est pourtant le sujet d'un des trois éventails gardés, ou refaits par Matabei : l'un reproduit des oies cendrées volant dans la brume, le deuxième un pont suspendu au-dessus d'une rivière tumultueuse. Et le troisième la nature autour de la montagne.
Nous avons là, en résumé, trois thèmes centraux du roman :
- la cendre, celle des oies, « bientôt en cendres », celle des milliers d'esclaves coréens partis en fumée, celles du vieux peintre mort d'épuisement, les morts qui attendront de devenir cendres après le cataclysme, alors que l'incinérateur est en panne. Plus que tout, les cendres qui seront notre lot commun.
- les eaux dévastatrices, suite à un tremblement de terre qui touche l'ile de Honshu, l'ile principale du Japon.
- la peinture d'éventails, sur des papiers fragiles, symboles même de la permanence des couleurs et des formes, jointe à l'impermanence, « un éventail assombri s'agitait de temps à autre comme l'aile d'un papillon ».
Matabei fuit, après avoir été témoin de l'accident mortel d'une jeune fille percutée par une voiture. Il cherche sa voie et reprends des forces en jardinant avec le peintre d'éventails.
Jardin et peinture sont liés, car le jardin donne un spectacle à la fois immuable et toujours changeant selon les saisons, et il s'agit de s'adapter au changement de la nature. La peinture par lavis de ce jardin peut être recommencée indéfiniment et constitue une trace tangible figée.
Changement perpétuel et reproduction inchangée, voilà un premier paradoxe.
Poésie et cataclysme, deuxième paradoxe.
Les pierres, les massifs, les arbustes, doivent être regardés pendant des heures pour livrer leur secret, « l'ultime nudité du fond ». Et cependant, paradoxe, un aveugle voit encore mieux, s'extasie sur la beauté des éventails, comme si voir n'était pas si nécessaire.

Hubert Haddad, par un seul mot, reprend lui aussi son ouvrage : Matabei fuit, parce que c'est lui l'assassin involontaire.
Les rivières suite au séisme, sont sans doute soulevées par un tsunami, ou comme conséquence de l'accident nucléaire de Fukushima, de 2011, or le peintre d'éventail a été écrit en 2013. L'auteur glisse plusieurs fois le mot « irradiation ».

Serait-ce le secret de ce livre ? apparemment une réflexion sur les jardins et la peinture de ces jardins, il introduit par petites touches des amours décrites dans le détail, des catastrophes, de la jalousie, de la culpabilité, des morts, jusqu'à la destruction du jardin et du lieu de vie.
Les peintures, cependant, reproduisent ce jardin détruit « en une somme magique d'inachèvements. ».

Il attendait, ce livre, et la chronique il y a peu de Sandrine @hundredDreams me l'a fait ressusciter, comme le jardin sur les éventails.
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