On garde si peu d'une mémoire d'homme. À peine un signe en terre. Quelques images et de rares paroles au meilleur des cas. Moins que son poids de cendre après la crémation.
A force d’immobilité muette, longtemps après la dernière goutte de pluie, le jardin nocturne reprit autour d’eux sa magique présence et les amants soupirèrent, chacun dans ses pensées, tandis que le feuillage naissant des saules et des ormes frissonnait doucement sous la clarté revenue de la pleine lune.
Le chemin grimpait maintenant entre les buissons de fusains, d'aralias et de houx, parmi des rochers d'inégales dimensions émergeant des mousses et des lichens ambrés, avec en arrière-plan des pins parasols et des cèdres nains. Il ne pouvait qu'admettre une fois de plus la souveraineté de la nature. Jardiniers et maîtres paysagers s'épuisaient en vain dans l'imitation de son aspect sauvage. Tant d'harmonies et d'heureux contrastes n'étaient pas dus au seul hasard : des millénaires d'ajustement avaient façonné ces abords jusque dans la sensibilité de générations contemplatives. Seules la foudre, les intempéries ou la dégénérescence liée à l'incurie humaine pouvaient s'attaquer au paysage. Mais une magie native remodelait vite ces espaces. La nature respirait de tous les souffles de la montagne. Son énergie calme était comme la pensée des éléments, un dialogue entre ciel et terre.
Les saisons ne vieillissent jamais. Un éternel été succède au beau suicide du printemps. Et l'automne empourpre les érables à l'heure dite.
Tous les hivers n'en font qu'un, dans la mémoire de la neige, et le printemps renaît jusqu'au plus chaud de l'été, mais l'automne est éternel.
Être malade, c'est être plus vivant que jamais, surtout aux points douloureux.
Chaque saison est la pensée de celle qui la précède. L’été vérifie les gestes du printemps.
Ce qui se passait dans le territoire d'Atôra excédait toute raison ; la terre et l'océan étaient venus à bout des espérances humaines.
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Le chemin grimpait maintenant entre les buissons de fusains, d'aralias et de houx, parmi des rochers d'inégales dimensions émergeant des mousses et des lichens ambrés, avec en arrière-plan des pins parasols et des cèdres nains. Il ne pouvait qu'admettre une fois de plus la souveraineté de la nature. Jardiniers et maîtres paysagers s'épuisaient en vain dans l'imitation de son aspect sauvage. Tant d'harmonies et d'heureux contrastes n'étaient pas dus au seul hasard : des millénaires d'ajustement avaient façonné ces abords jusque dans la sensibilité de générations contemplatives. Seules, la foudre, les intempéries ou la dégénérescence liée à l'incurie humaine pouvaient s'attaquer au paysage. Mais une magie native remodelait vite ces espaces. La nature respirait de tous les souffles de la montagne. Son énergie calme était comme la pensée des éléments, un dialogue entre ciel et terre. Matabei s'immobilisa, l'esprit aux aguets. Une bourrasque échevela un cèdre pleureur aux lianes d'or : portées par le vent, les cloches d'un sanctuaire shinto tintèrent en même temps que sifflait le milan. A quelle fin les signes du monde, coïncidaient-ils ?
(...)
Son caractère altéré par la chimie de l'âge l'inclinait aux caprices, bien qu'elle s'en désolât. Elle gardait toutefois assez de contrôle et de libéralité pour compenser ses sautes d'humeur par mille petites attentions et une forme d'humour placide habituel aux femmes de sa qualité.