Préfacé par la professeure en psychopathologie et en psychanalyse
Sophie de Mijolla-Mellor, ce livre peut se lire tout d'abord comme une sensibilisation à l'autisme.
Le personnage-narrateur est autiste, on suit donc son courant de pensée particulier, ses obsessions, émotions et réactions surprenantes. Et comme c'est cette parole seule qui fait avancer le récit, le lecteur est amené à partager cette autre logique et ses enchaînements pour suivre, ce qui le sensibilise à ce comportement particulier. Les réactions souvent désemparées des parents et des autres personnages devant Christopher, inscrites dans une logique comportementale habituelle, deviennent des injustices pour Christopher et pour sa logique désormais partagée par le lecteur.
Mais c'est en tant que roman policier que le personnage autiste et sa voix personnelle prennent un relief intéressant, confèrent une certaine poétique (faite d'un assemblage surprenant d'énigmes mathématiques, de dessins ou schémas, et d'informations non nécessaires, inattendues mais instructives). Si la trame n'est finalement pas très développée dans le sens de l'enquête et laisse vite place à une intrigue familiale, le regard particulier de Christopher, sa quête de détails, son raisonnement froid, comment il investit l'enquête de ses propres obsessions, ses peurs inattendues, tout cela enrichit profondément l'enquête, rapprochant ainsi Christopher de son héros
Sherlock Holmes, tant par son excentricité que par sa tournure d'esprit particulière propre à l'enquête.
Il est intéressant de constater que le roman, initialement destiné à un public adulte, en raison sans doute du développement quasi documentaire de la personnalité d'un autiste, mais également des colères brutales du personnage (qui en vient à frapper son père et un policier), est un grand succès de la littérature jeunesse. Certes, l'intrigue familiale, accomplissement de soi à travers la quête des secrets de famille, est un thème de littérature de jeunesse. Mais on peut se demander si la réussite, si l'on écarte l'originalité de l'idée, ne vient pas justement du fait que l'auteur ne prend pas son lecteur pour un enfant incapable de comprendre, à qui l'on doit mâcher le travail, qu'on doit protéger et instruire moralement. Il ne se met pas à la hauteur d'enfant, mais donne une parole entière à l'autiste et laisse le lecteur à son interprétation.
Lien :
https://leluronum.art.blog/2..