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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Vingt-cinq ans de solitude, Mémoires du Grand Nord de John Haines (1924-2011) est un livre habité. Habité par l'esprit des forêts, le souffle du vent.

Nous sommes à Richardson à l'est de Fairbanks où l'auteur est venu s'installer pour peindre loin du bruit du monde dans une lumière crépusculaire. Mais au final, il se tourne vers l'écriture et, en 1947, il s'installe dans une cabane sur les collines escarpées qui surplombent la rivière Tanana. un affluent du Yukon.

Vingt-cinq ans de solitude, pour écouter le monde du silence, celui qui par – 35° sous une couche de neige, bruisse, gémit, vingt-cinq ans de solitude pour être touché par la lamentation ancestrale de la glace et entendre retentir la mélopée de l'hiver qui annonce le printemps.

Des heures, des jours, des saisons à cartographier mentalement d'un oeil de plus en plus acéré, les dénivelés, les vals et les combes, à arpenter les sentiers, les pistes oubliées ou dessinées, afin de dénicher l'endroit propice où poser son collet, monter un campement saisonnier.
L'Alaska et ses promesses d'un territoire aux richesses à répertorier et non à exploiter!

Toujours en équilibre, en harmonie, prélever sans éradiquer, chasser pour vivre, se nourrir, se chausser...
Epier les animaux, élans, loups, castors, lièvres, martes, renards, ours, écureuils volants, chauve-souris...
Surveiller les eaux pour y surprendre l'éclat rubis des saumons sauvages.
Cueillir les baies, remercier le réveil des moustiques annonciateurs d'une saison plus clémente.

Décrypter un univers sauvage jusqu'à ce qu'il devienne un livre ouvert.
Déchiffrer ses traces pour s'approprier ce langage immémorial.
Respecter la vie, toutes formes de vie, voir la sève monter ou descendre, deviner dans les frondaisons et les troncs des bouleaux ou des épicéas des signes de bienvenue ou d'alerte.
Car dans ces terres vierges tant que cet univers est étranger, la peur est là, et elle peut revêtir cent visages.
Deviner les fantômes qui peuplent ces forêts, ces rivières, encoches de la présence d'hommes d'un autre temps.

Vous vous en doutez, j'ai beaucoup aimé ce livre, superposition de tranches de vies, d'instants, d'émotions, présentées au gré de réminiscences désordonnées de la mémoire de l'auteur.
Si John Haines note que « l'année d'un trappeur possède un calendrier qui lui est propre », il nous propose ici un livre de l'hiver.
Pour moi John Haines n'est pas un trappeur ordinaire bien qu'il les fréquente, et chasse lui aussi: il ne tue pas pour le plaisir, ni dans un but lucratif, la vente des trappes n'est pas son objectif premier même si elle lui est nécessaire.
Pour moi, John Haines, c'est bien cet esprit vagabond dont il parle, un esprit vagabond qui a trouvé sa place dans cette contrée jusqu'à la nuit des temps.

Vingt-cinq ans de solitude ou le chant des grands espaces.
Une ode à la nature, à l'univers pour ne pas oublier que chacun est une étoile, un miracle illuminé.

De la grâce dans l' écriture, un état d'éveil qui sublime l'infiniment petit pour embrasser tout l'univers. le témoignage d'une communion par un poète visionnaire, John Haines.
Une contrée où la mort toujours présente est familière, élément à part entière du cycle de la vie, où ôter la vie d'un animal se rapproche d'un rite sacrificiel.

Merci à ce pionnier inspiré qui, fort de deux traîneaux et accompagné de quatre huskies, d'un havresac contenant hâche et autres nécessaires, défricha au delà de sa concession sa part de territoire pour vivre dans le Grand Nord.
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Alaska, terre grandiose, nature pure, magnifiquement contée par John Haines qui y séjourne 25 années dans une cabane, vivant de cueillette, de chasse et de pêche. C'est le Grand Nord avec des températures hivernales des plus glaciales que dépeint Haines, trappeur avec ses huskies. On apprend beaucoup sur le règne animal et on prend même des cours de cuisine. Et puis, une belle méditation sur la solitude et la rencontre avec soi-même. Vraiment, un très beau livre.
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Les anniversaires ont parfois du bon. Ainsi les dix ans des éditions Gallmeister qui sont l'occasion de voir réédité le premier ouvrage de la maison qui pourrait pour un peu tenir lieu de manifeste. Ce récit éclaté, composé de fragments de souvenirs de vingt-cinq ans de trappe en Alaska, allie en effet avec bonheur aventure, grands espaces et exigence littéraire. C'est avec subjectivité et recul que John Haines, artiste peintre et poète, raconte son expérience d'isolement volontaire au milieu de la nature sauvage. Ce faisant, il offre au lecteur tout ce qu'il peut attendre de ce genre de récit : rencontre avec des ours, histoires de trappeurs morts de froid ou assassinés pour avoir voulu s'imposer sur le territoire d'autres hommes, franche et virile camaraderie entre taiseux – il y a là une formidable histoire sans paroles – et longs développements sur la traque des animaux ou la meilleure manière de cuisiner le porc-épic. Mais il y a aussi, derrière la rugosité des récits qui s'enchaînent au fil des souvenirs de Haines une profonde réflexion sur la façon dont l'homme, aussi tanné soit-il par la rigueur de la nature et du climat, aussi habitué soit-il à prendre la vie pour survivre, peut s'arroger ce droit et le prix qu'il doit payer pour cela :
« La pêche et la chasse, les baies sauvages, les pièges, le bois pour le feu et la nourriture, tout cela nous est offert par ce pays. Une fourrure de martre est ravissante quand on la regarde à la lumière en la tournant pour la mettre en valeur. Et la viande d'élan est un bienfait, elle nous repaît et nous réchauffe, je n'ai pas à l'acheter chez un boucher. Mais il m'est impossible de piéger et de tuer sans pensée ni émotion, et il se peut que chaque mise à mort m'inflige à moi aussi une blessure légère, peut-être fatale. »
Surtout, dans cette quête d'isolement qui permet d'oublier le bourdonnement du monde et de se trouver seul face à soi-même il y a aussi la nécessaire rencontre avec sa propre condition de mortel. Une rencontre qui peut surgir de n'importe où pour frapper de plein fouet. Ainsi en va-t-il de la découverte, a priori banale, d'un cadavre de lapin au bord d'un sentier :
« J'étais seul sous le soleil, seul dans un champ à ciel ouvert, seul avec la mort physique, celle qu'on ne peut méconnaître.
Ce n'était pas juste cette forme immobile au bord de la route, ni le sang séché sur sa fourrure : des choses comme ça, j'en avais déjà vu. C'était autre chose – une réalité nouvelle, qui tenait aux tons bleutés, luisants, inouïs de ces entrailles débraillées, arrachées du plus profond du corps, éparpillées dans une lumière qui ne leur était pas naturelle. le regard fixe, pétrifié devant ça au grand jour, j'éprouvai, pour la première fois peut-être, une absolue solitude. Et moi qui adorais la solitude à cet âge, je sus que ça, c'était la mort, la solitude la plus radicale. »
Aussi subjectifs que soient les souvenirs de Haines, aussi déformés soient-ils par la distance des années, ils expriment toujours une vérité. Celle de l'homme qui s'est confronté durant plus de deux décennies à lui-même. Il y a là-dedans autant d'aventure, autant de chocs esthétiques quand la plume du poète Haines s'imprègne des réminiscences des couleurs telles que les a vu Haines le peintre, que de leçons de vie – et de mort. Tout cela, et les sobres mais pertinentes illustrations de Ray Bonnell qui accompagnent cette réédition, fait que l'on trouve dans Vingt-cinq ans de solitude l'essence de la littérature qu'entend promouvoir Gallmeister.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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"Les jours et les années passent ensemble." (110)

La préface est à elle seule fort belle, puissante dans son propos, et fait surgir l'essence de ce que j'aurai aimé exprimé à propos de ce livre. La temporalité, la disparition des êtres et des environnements, l'intériorité, la quête d'une existence accomplie en sa plénitude. D'une apparente rudesse – John Haines démarre fort, en nous mettant face à face avec l'acte qui consiste à tuer un animal – s'extirpe un esprit profondément poétique, contemplatif. Ce qui fait toute la force et l'authenticité du récit. de journées remplies d'actes nécessaires à la survie – faire face au froid intense, gérer les sources de nourritures, construire de ses mains cabanes et embarcations – il trace une expérience qui plonge aux racines de l'être qui "a soif de fortune spirituelle". Il ne se donne pas la peine de faire des chutes pour clore ses chapitres, comme s'y appliquent nombre d'auteurs contemporains, mais glisse souvent vers le rien, le paysage, la lumière, le craquement de la glace. Je n'aurai ni la force physique, ni la force mentale pour mener une pareille existence, mais nous nous rejoignons dans cette même conscience cyclique des saisons, cette présence primitive qui s'inscrit "dans une sorte de temps du rêve au sens antique et tribal du terme".

"En revivant des fragments de ce récit, j'ai l'impression d'avoir erré à travers toutes sortes de périodes historiques, d'ères géologiques et d'état mentaux, pour retrouver toujours mon point de départ, un pays à la fois singulier et idéal. Peut-être ce livre parle-t-il également du Temps – de l'impression qu'il nous laisse, du moment où certains événements ont lieu. Il ne suffit pas d'additionner les années du calendrier pour rendre compte de ce parcours où l'on entre et sort du temps à loisir. Dans cette perspective, il n'y a ni progrès, ni destination finale, car l'essence des choses est connue de toujours, le lieu ultime atteint depuis longtemps." (11)

"Mais c'est dans la clarté et la force brève d'une rencontre avec la nature, dans ce témoignage d'amour, et – puisque c'est d'un livre dont il s'agit ici – dans les souvenirs qu'on rappelle à soi pour les conter, que l'on peut recouvrer certains moments vitaux de cette expérience. Ils recèlent cette vitalité première de l'existence sans laquelle il n'est aucun art possible, aucune approche spirituelle, aucun rapport authentique au monde." (12)


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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M'attendant à lire un récit autobiographique, j'ai été surprise par la poésie contenue dans ce livre.
Les dures réalités de la vie du trappeur en Alaska ne sont pas édulcorées: la chasse, les pièges, la préparation de la viande ou des peaux, le froid, la fatigue... tout y est.
La beauté cruelle de la forêt (et de ses habitants), magnifique dans ses couleurs, ses glaces, ses lumières mais qui engloutit impitoyablement les traces humaines (pistes, cabanes, concessions...) comme elle perd l'étourdi qui s'éloigne de la piste dans la nuit hivernale.
J'ai beaucoup aimé l'évocation des anciens, vieux solitaires vivant en quasi-autarcie depuis les années 20, qui apprendront à l'auteur John Haines les règles de la survie ; anciens trappeurs ou prospecteurs morts et devenus légendaires, à une époque (l'après-guerre) où ce genre de vie fait déjà un peu partie du passé et du folklore. Malgré tout, la nostalgie m'a semblé contenue par les anecdotes très terre à terre qui émaillent ces évocations: difficile de se laisser aller à une rêverie mélancolique quand il faut couper du bois pour alimenter le fourneau et découper un élan pour avoir de la viande pour passer l'hiver. Et pourtant John Haines livre un récit rempli de poésie.
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