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Critique de Dandine


Halfon est de la lignee de Modiano. Non qu'il raconte toujours la meme histoire, mais que chacun de ses livres devoile une nouvelle facette d'une histoire qui s'etire et s'etire et devient oeuvre. Une oeuvre ou des biographies romancees de ses parents et ses ancetres cotoient son autobiographie romancee ou revee, s'attachent aux confidences que lui font nombre de personnes rencontrees par hasard, comme si ce juif a tete de rabbin defroque se coltinait partout un confessionnal portatif, a l'isoloir transparent, s'entremelent aux derives de l'histoire avec un petit h de differents pays, de differentes regions, pour aboutir a questionner sans cesse son identite. Ou ses identites. Comment commence ce livre? “J'arrivai au Japon deguise en arabe". Et plus loin: “J'etais au Japon pour participer a un congres d'ecrivains libanais. En recevant l'invitation quelques semaines plus tot, apres l'avoir lue et relue pour etre bien certain qu'il ne s'agissait pas d'une erreur ou d'une plaisanterie, j'avais ouvert l'armoire et y avais trouvé le deguisement libanais – parmi tant d'autres deguisements – herite de mon grand-pere paternel, natif de Beyrouth. Je n'etais encore jamais alle au Japon. Et on ne m'avait encore jamais demande d'etre un ecrivain libanais. Un ecrivain juif, oui. Un ecrivain guatemalteque, bien sur. Un ecrivain latino-americain, evidemment. Un ecrivain d'Amerique centrale, de moins en moins. Un ecrivain des Etats-Unis, de plus en plus. Un ecrivain espagnol, quand il etait preferable de voyager avec ce passeport-la. Un ecrivain polonais, une fois, dans une librairie de Barcelone qui tenait – tient – absolument a classer mes livres dans le rayon devolu a la litterature polonaise. Un ecrivain francais, depuis que j'ai vecu un temps a Paris et que certains supposent que j'y vis encore. Tous ces deguisements, je les garde a portee de main, bien repasses et pendus dans l'armoire. Mais personne ne m'avait jamais invite a participer a quoi que ce soit en tant qu'ecrivain libanais”.

Halfon part donc au Japon. Pour quoi faire? Pour y rencontrer des ecrivains qui l'injurient, en un arabe qu'il ne comprend pas, en tant que juif captieux essayant de miner un colloque d'intellectuels libanais. Pour y croiser une jeune femme qui lui transmettra Hiroshima. Pour y raconter le periple de vie de son grand-pere, installe au Guatemala apres avoir fui le Liban et passe quelques periodes en Corse, a Paris et a New York. Pour essayer de se representer le kidnappage de ce grand-pere par la guerilla guatemalteque et ainsi de decoder un tant soit peu l'histoire de ce pays. La violente, calamiteuse, histoire de ce pays, que le grand-pere (qui s'appelle aussi Eduardo Halfon) resume par: “le Guatemala est un pays surrealiste". le jeune Eduardo, ou l'auteur, est quant a lui plein de commiseration, pour tous ses habitants, de tous bords, tous etant, citant Baudelaire, “alternativement victime et bourreau". Et le recit de ce voyage au Japon est entrecoupe de souvenirs d'enfance, et de rencontres, a Paris avec un archiviste consciencieux, a Guatemala-City avec d'anciens guerilleros.

Tellement d'histoires en si peu de pages! Des histoires qui vont dans tous les sens, pour aboutir a plus de questions que de reponses, pour dessiner la carte, forcement imprecise, d'une identite; pour tracer le cheminement de l'auteur dans sa quete, les differentes directions ou il semble se perdre. Mais est-ce vraiment Halfon qui se cherche, ou tout n'est que fiction? Est-ce qu'il s'invente une ascendance, un passe, une histoire? Pour le lecteur que je suis si c'est fiable ou pas n'a aucune importance, ses parcours, ses affabulations, m'interpellent et la sauce a laquelle il accomode tout cela m'est gouteuse. Son ecriture est addictive et je suis devenu accro. Il donne l'impression de ne jamais arriver nulle part? Pas grave, je partirai toujours en voyage avec lui.
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