Quand j'étais en Sixième, ma mère m' a acheté tout un tas de bouquins sur la puberté et l' adolescence pour que je puisse me faire une idée de la transformation " merveilleuse" , " naturelle" et "miraculeuse "que j'étais en train de subir. Un tas de conneries, oui.
J' ai déjà été un arbre dans une pièce de théâtre en CE1, parce que je ne valais rien comme mouton. Je devais rester debout, les bras écartés en guise de branches, et ma tête qui dodelinait dans la brise. J'ai eu des crampes au bras. Je doute qu'on ordonne un jour à un arbre : " Sois une ado complétement paumée".
[ au collège ]
Pour dire à quelqu'un qu'on l'aimait bien, il fallait passer par des dizaines et des dizaines d'amis, genre : " Lisa m'a dit de te dire que Steve m'avait dit que Kevin a dit que Karen avait parlé à Kelly et elle a laissé entendre que Mark, le frère de Sara, avait un copain qui s'appelle Tony et qui te trouve jolie, à ce qui paraît. Qu'est ce que tu comptes faire ? "
Si vous ne vous initiez pas maintenant à l'art, un jour vous ne saurez plus comment respirer.
Il y a une tripotée de loosers comme moi, disséminés parmi les ados heureux de vivre, misérables raisins secs dans les flocons d'avoine du lycée.
Je n'ai pas été élevée dans la religion. Chez nous, la Sainte-Trinité c'est Visa, Mastercard et American Express.
Je sais que j'ai l'esprit en vrac. Je veux partir, déménager, me téléporter dans une autre galaxie. Je veux tout raconter, rejeter la culpabilité, la faute et la colère sur quelqu'un d'autre. Il y a une bête dans mon ventre, je l'entends gratter sous mes côtes. En admettant que je réussisse à me débarrasser du souvenir, cette bête restera avec moi et continuera à me souiller.
Je [ Melinda ] me fais vanner en cours d'espagnol. " Linda" signifie " joli" en espagnol. la bonne blague. La prof m'appelle par mon prénom et un petit comique lance tout fort : " Melinda no es linda".
Tout le monde m'appelle Me-no-linda jusqu'à la fin du cours.
Il m'arrive parfois de considérer le lycée comme une longue période de bizutage : si vous êtes assez solide pour survivre à ça, on vous donne la permission de devenir adulte. J'espère que le jeu en vaut la chandelle.
De quel droit me punissent-ils sous prétexte que je ne parle pas ? Ce n'est pas juste. Que savent-ils de moi ? Que savent-ils de ce qui se passe dans ma tête ? Le tonnerre, des gosses en pleurs, voilà ce qu'il y a. Pris dans une avalanche, tenaillées par l'inquiétude, se tortillant sous le poids du doute,de la culpabilité. De la peur.