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Citations sur Le chamanisme : Fondements et pratiques d'une forme r.. (41)

Dans son principe, ce qui est expérientiel permet au sujet de se sentir à la fois unique et représentant de tous les êtres, et par là fait en quelque sorte se rejoindre l'individuel et un certain universel. Or, ce qui valide une expérience chamanique comme telle est la reconnaissance du récit que le sujet en fait par le milieu néochamaniste dont il fait partie. Ce récit doit donc réussir à transformer l'expérientiel émotionnel en spirituel, et cela de façon conforme au modèle d'expérience chamanique en vigueur dans le groupe.
Il en résulte que les récits présentent un caractère stéréotypé, qui est révélateur du groupe d'appartenance. Il en résulte aussi que rien ne permet de décider si le sujet qui fait le récit de son expérience a atteint ou non un « état de conscience chamanique » ; il en est seul juge. De ce fait, personne ne se dit chamane ni ne qualifie l'autre de chamane, ce qui permet d'éviter toute forme d'institutionnalisation.
p. 53
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« L'expérientiel »
Une autre notion se veut également gage de scientificité, celle d'expérience, dont Eliade avait fait le moyen et la preuve de la démarche chamanique. L'emploi « d'expérientiel » pour la désigner modifie l'évaluation de cette expérience ; en tant qu'adjectif associé, « expérientiel » se distingue « d'empirique » et « d'expérimental » en ce qu'il s'applique à « ce que le sujet ressent ». Son emploi fait glisser la démarche chamanique de la thérapie vers la spiritualité, et donne ainsi à la pratique une valeur positive.
Il a aussi l'avantage d'impliquer l'être entier : du point de vue de celui qui vit cette expérience, il spiritualise le corps tout autant qu'il corporalise l'âme. Il s'ensuit une spiritualisation généralisée : les objets de la vie quotidienne sont aptes eux aussi à procurer un ressenti « expérientiel » au terme duquel ils peuvent être dotés d'une valeur spirituelle.
p. 52
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Face à cette dévalorisation du chamanisme, Mircea Eliade entreprend de le réhabiliter dans son célèbre ouvrage Le Chamanisme et les techniques archaïques de l'extase, paru à Paris en 1951. Pour le réintégrer dans la sphère de la religion, il le redéfinit, en maintient la dimension individuelle tout en la faisant basculer du psychique au spirituel. Il se sert de la notion de “maladie initiatique” comme pivot de sa démarche et peut ainsi réinterpréter positivement des éléments jusqu'alors perçus négativement : c'est en surmontant sa propre “folie” que le chamane devient capable de guérir autrui.
« L'expérience religieuse » en soi
Mais il y a plus : dans cette démarche, Eliade décèle « l'expérience religieuse » à l'état brut. Sa plume qualifie cette expérience “d'extase” et la pare de touches mystiques ; en faisant d'elle le fruit d'une “technique”», il offre à tout individu une voie personnelle et autonome d'accès à l'extase mystique.
p. 43
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Son point de vue est partagé par Jean Filliozat à propos des chamanes sibériens : « La possession dont ils se croient atteints est bien un rôle qu'ils jouent, mais rien n'empêche que ce soit un rôle tenu de bonne foi et qui consiste non seulement à agir d'une certaine façon, mais à croire qu'on le fait par une force étrangère. »
p. 42
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Malgré cette avancée des réflexions, le dictionnaire de Littré s'en tient à une interprétation non confirmée : « chaman » serait le « nom de prêtres bouddhistes chez les tribus qui occupent le nord de l'Asie », résultant d'une « corruption du mot sanskrit sramanas, ascète ».
Une pure technique ?
Parmi les historiens des religions, certains en viennent à penser que l'action chamanique n'est qu'une technique et que cette technique est compatible avec les croyances les plus diverses. Autrement dit, faute de doctrines et de cultes identifiables, il ne saurait y avoir que des individus et des pratiques.
Ce constat d'une multiplicité des pratiques et de leur grande vulnérabilité aux influences extérieures décourage les spécialistes d'y chercher un fondement conceptuel et renforce leur tendance à attribuer le comportement chamanique à la seule psychologie des individus chamanes. C'est alors qu'apparaît le concept de chamanisme, aussitôt controversé.
p. 35
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Comment classer le chamane ?
Toutefois, leur usage se heurte aussitôt à la difficulté de catégoriser comme « religion » les pratiques des chamanes : celles-ci échappent à tous les critères de définition et de classification dont les théoriciens se sont dotés ; les chamanes ne se réfèrent à aucune doctrine, n'observent aucune liturgie ; ils ne s'organisent pas en clergé ni en confrérie ; ils sont en rivalité perpétuelle les uns avec les autres.
Il apparaît en outre que, partout où se sont implantés le christianisme, le bouddhisme ou l'islam, les chamanes entremêlent à leur pratique des éléments de ces religions universalistes. En effet, les peuples chamanistes semblent adopter sans difficulté apparente la “grande” religion de la société qui les englobe, mêlant leurs esprits à ses saints.
p. 34
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Mais surtout, le terme « chamane » paraît d'autant plus approprié pour les penser toutes ensemble qu'il n'existe pas de définition consensuelle lui conférant valablement du sens et délimitant l'extension de ses usages.
Un phénomène inclassable
La pratique chamanique, extrêmement variable, défie elle aussi les tentatives de définition et de synthèse. Elle varie en effet non seulement d'une société à l'autre, mais aussi d'un chamane à l'autre au sein d'une société, et surtout d'un rituel à l'autre d'un même chamane. Qui plus est, chacun revendique son droit à l'improvisation et la singularité absolue de sa pratique, tout entière inspirée par son entrée en « contact direct » avec ses “esprits”, conçus comme rivaux de ceux des autres chamanes.
p. 33
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Pour Serguei Mikhailovitch Shirokogoroff, médecin qui vécut de longues années parmi les Toungouses et auteur du fameux Psychomental Complex of the Tungus (1935), les chamanes ne sont nullement malades aux yeux de leur communauté, bien au contraire ; ils en sont les membres les plus solides même s'ils sont parfois nerveux.
p. 32
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L'invention de « chamanisme », une question de psychologie
La personnalité du chamane en question
Nombreux sont les chamanes qui disent souffrir s'ils n'exercent pas assez souvent, se sentant alors tourmentés par leurs esprits. Certains observateurs en viennent à s'interroger sur la santé mentale ou nerveuse du “chamane” lui-même, qui serait le premier bénéficiaire de ses rituels de guérison.
L'opinion que sa conduite rituelle est extravagante a sa part dans cette hypothèse : sa gestuelle, précédemment attribuée à l'imitation animale imposée par sa « religion diabolique et sauvage », est désormais mise sur le compte d'une forme de pathologie. Chamaniser est dès lors un signe d'arriération non plus culturelle mais mentale, qui souligne la primitivité et l'infériorité des peuples chamanistes. Les interrogations sur le psychisme du chamane se poursuivront pendant la première moitié du XXe siècle.
p. 31
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… ils (peuples autochtones) ne remercient ou ne rétribuent leur chamane qu'en cas de succès et sont choqués que les popes fassent la quête avant que la messe ne soit terminée, et donc avant que l'on ne ne puisse juger si les prières des popes ont été exaucées.
p. 20
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