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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Plus il se retirait du monde, plus ses rêves devenaient merveilleux; et c'est en vain que l'on aurait essayé de les retranscrire."
(H.P. Lovecraft, "Les contrées de rêve")

Etrange livre... déstabilisant, mais sympathique.
On sent que c'est écrit par pur plaisir de nous raconter une "histoire qui fait peur" : Hamill s'inspire des auteurs de la littérature fantastique qu'il aime depuis toujours, et il leur rend hommage tout en créant quelque chose d'assez original. J'ai été agréablement surprise, voire soulagée, car la masse critique est parfois une loterie imprévisible. Je craignais un peu de tomber sur un autre "défi osé" que l'auteur voudrait "magistralement relever" en pastichant (magistralement mal) Lovecraft, mais ce n'était heureusement pas le cas.

Hamill a bien compris l'essence d'une bonne histoire fantastique; la terreur qu'il nous sert n'a pas besoin de litres d'hémoglobine qui inondent les pages, ni de cages thoraciques qui explosent dans les onomatopées adéquates en libérant un tas d'odorantes giclures de toutes les couleurs. Mais gardez quand-même l'indispensable mouchoir parfumé à la violette pour vous éponger le front, car en lisant "Une cosmologie de monstres", vous sentirez en permanence un doigt glacé vous gratouiller l'échine ! Je suis assez d'accord avec le mot de S. King sur la couverture; cette "Cosmologie" ressemble un peu au "monde selon J. Irving", envahi peu à peu par le "chaos rampant" lovecraftien. Avec une touche psychotique d'Ira Levin ou de Shirley Jackson en prime.

En apparence, c'est une histoire ordinaire d'une famille ordinaire, mais peu à peu on commence à sentir la présence de quelque chose de dérangeant et malsain qui s'immisce dans la "normalité".
Vandergriff pourrait être une petite ville provinciale sans histoire... sauf que de temps en temps, les gens y disparaissent.
Les Turner pourraient être une chouette famille américaine... sauf qu'aucun de ses membres ne va très bien dans sa tête, et pour cause ! Il y a quelque chose dont ils sentent tous la présence; les signes d'un monde en dehors de ce monde. Cela fait des années que ces grattements nocturnes sur leurs fenêtres se produisent, et chacun fait avec à sa façon.
Le père, Harry, exorcise ses peurs un construisant une grande attraction sur le thème de la "maison hantée", et sa femme, la pratique Margaret, y participe avec entrain, pour "oublier" à son tour. Mais la "Promenade au coeur des ténèbres" n'est pas suffisante pour conjurer le sort, et la douée et insolente Sydney va bientôt s'en rendre compte ! Sa soeur Eunice se réfugiera dans l'écriture et la dépression, et le petit Noah, à six ans, sera le premier de la famille à ouvrir sa fenêtre dans la nuit noire, pour savoir... et pour changer sa vie à tout jamais !

C'est donc Noah l'initié, qui raconte cette sombre saga familiale : sa grand-mère "folle", la rencontre de ses parents sur le campus universitaire grâce au livre de Lovecraft, son père qu'il n'a pas connu, sa mère qui perpétue la mémoire de papa en faisant vivre cette "maison hantée", ses soeurs déséquilibrées.
Toute la famille "sait", car cette "chose" les hante tous, mais on n'aborde jamais ouvertement le sujet. Qui oserait ?

J'ai moins aimé les excursion de Noah dans le monde fantastique; parfois, quand on glisse dans l'explicite, on perd cette insupportable et agréable tension, et en même temps une partie du mystère.
Mais l'histoire est bien ficelée; Hamill s'inspire des mondes terrifiants sans les recopier, même si le titre de chaque chapitre est un clin d'oeil évident aux écrits de Lovecraft. C'est fait avec subtilité, et ça rampe et chuchote dans les ténèbres juste ce qu'il faut, pour mériter amplement les trois étoiles et demi, peut-être même plus !
Bravo à Shaun Hamill pour ce premier roman, et merci à la masse critique et aux éditions Albin Michel.
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