- Presque tous les tueurs en série ont connu dans leur enfance un environnement dysfonctonnel. Ils ont souvent été victimes d'abus sexuels, ont eu des parents qui avaient une cobsommation abusive de drogues ou d'alcool ou ont subi des punitions exagérément sévères pour des fautes minimes. Un des modes de réaction de l'enfant consiste à se réfugier dans les réves et ça peut ensuite l'amener à inventer un univers imaginaire permanent dans lequel il vivra une vie parallèle à son existence normale et qu'il cachera à son entourage.
Cette fois, ce fut au tour de Konrad Simonsen de regarder sa montre. Une audition concernant un double meurtre l'attendait, et il avait de toute façon du mal à trouver ça formidable.
Ils s'accordèrent quelques secondes de silence. Puis elle sentit qu'il appuyait un objet dur et anguleux dans sa main. Elle lâcha son étreinte et regarda d'un air étonné. C'était une petite figure en os sculpté.
- Oh, un tupilak, il est joli.
- Il protège des mauvais esprits.
- Oui, c'est connu.
- Il vient du Groenland, c'est Trond Egede qui me l'a donné. Bon, c'est peut-être stupide, mais tu peux peut-être le prendre avec toi et le mettre dans ta poche.
Elle lui donna un baiser sur le front, heureuse du cadeau qu'il lui faisait, mais aussi un peu irritée. Il disait tout le temps qu'il n'était pas superstitieux , mais en réalité...
Il y avait quelque chose de blessant dans le fait de devoir ainsi mourir au milieu de nulle part, dans l'immensité de l'univers, en ces lieux où les êtres vivants n'avaient pas leur place. D'une certaine manière, son assassin l'avait tuée deux fois.
- (...) Carl Henning Thomsen réussit à affirmer son innocence. J'ignore la durée exacte de son audition, mais le nombre d'heures pendant lesquelles il a été interrogé est impressionnant, et pas un seul instant il ne montra le moindre signe permettant d'indiquer qu'il avait tué sa fille, et ce en dépit de toutes les preuves solides qui étaient en notre possession. Mon chef de l'époque, Kasper Planck, pensa longtemps que nous avions mis la main sur le faux coupable, ce dont je réussis finalement à le détromper. Il pensait juste mais j'avais les bons arguments, et ce fut ma ligne qui l'emporta. Voilà la vérité. Ces derniers jours, j'ai peu à peu réalisé que j'allais devoir vivre avec ce poids pour le restant de mes jours.
Dans le train du retour, les pensées de Pauline Berg prirent une orientation plus dramatique. Elle se représenta la jeune fille, trempée, courbée dans le vent, qui avait couru à petit pas pour rejoindre la Saab (...). Son chemin vers la morgue avait été pavé d'amabilités (...).
Le jugement des hommes s'assouplit avec l'âge.
Il y a toujours un prix à payer.
- Mais, ce n'est pas normal de tuer trois femmes, c'est même totalement anormal!
- Je sais bien.
- Les actes que vous avez commis sont d'une extrême gravité.
- Oui, c'est vrai...maintenant que vous me le dites.
Clignant des yeux, le commissaire divisionnaire Konrad Simonsen leva son regard vers le soleil bas, tout proche de la ligne d'horizon qui traversait l'immensité polaire. Là-bas, tout là-bas, là où le ciel et les glaces semblaient ne plus faire qu'un, l'univers prenait des nuances de vert et de bleu pastel, comme si la nature voulait suggérer que loin, très loin d'ici, existaient des lieux plus cléments.