"_Elle est cassée, chuchota Jean à côté de lui.
Il montra le poignet de son ami.
_Ah, ma montre. Je le sais. J'ignore si c'est une mauvaise chose. Le temps paraît parfois plus long quand on regarde l'heure.
_Ça, c'est bien vrai, acquiesça un soldat à côté de lui.
Personne n'aime attendre, déjà en temps de paix, mais à la guerre c'est pire."
"Elle perçut vaguement les cloches sonner dehors, et se rappela qu'on était le 11 novembre. Tout le monde s'arrêta pour faire une minute de silence. Elle l'observa aussi, mais surtout parce qu'elle n'avait plus rien à dire. Un an après, on pouvait encore mourir de la guerre."
"_Deux ans de service militaire, c'est bien suffisant Père. Je ne vois pas ce qu'une année de plus apporterait à la France.
_Elle lui offrirait des milliers de Français mieux formés.
_Et pourquoi ? Je me demande si ce n'est pas le fait de trop se préparer à la guerre qui la déclenchera."
"_Voilà, ton vrai problème, murmura Joseph. Tu as perdu la foi.
Il le considérait avec pitié.
_Ce n'est pas grave, on vit très bien sans ajouta Guillaume.
Joseph lui lança un regard froid , mais il n'était pas l'heure pour un tel débat.
_Tu n'as pas détruit ton humanité alors, le consola le cordonnier. Tant que notre cœur est repli d'amour, elle demeure. Peu importe qu'il soit tourné vers un dieu, une mère, un père ou une fiancée. Tes sentiments , ce sont eux qui te sauveront."
"_Parfois, je me demande comment nous en sommes arrivés là, comment des êtres intelligents et sensés deviennent pires que des bêtes, comment tout ça va finir. Est-ce que quelqu'un va gagner, et sur quels critères ?
_Sans doute quand il ne restera plus qu'un soldat vivant, répondit amèrement le lieutenant.
Il avait baissé la voix. C'était le genre de propos qui pouvait attirer des ennuis, même si on les pensait."