Citations sur L'été des pas perdus (23)
Il ne se souvient pas.
Il ne se souvient de rien.
Enfin... c'est pas tout à fait vrai.
Il se souvient de loin.
D'avant, il se souvient bien.
De lui petit enfant, poussant, chenapan, devenu grand, jeune homme fringant, l'amour naissant, le travail prenant, ses trois enfants... Il s'en rappelle souvent, il s'en rappelle tout le temps.
Après aussi, ça lui revient, même si c'est plus mêlé, et même tout mélangé : qui est né avant qui de ses petits-enfants, et son fils qu'habite où et sa fille qui vient quand et le petit qu'est-ce qu'il fait ?
(p. 7)
- Tu peux beaucoup l'aider, tu sais. Ne le laisse pas délirer, vivre dans le passé. Rappelle-lui le présent, ramène-le au présent.
- Tu crois que c'est facile ?
- C'est loin ?
- Pas très, non, vers la mer, à quatre ou cinq kilomètres d'ici.
- Mais c'est LOIN, ça ! Comment tu faisais pour venir tous les jours à l'école à Sainte-Marie ?
- On venait à pied, qu'il neige ou qu'il vente.
- Même malade ?
- Malade ? Ça n'existait pas, ce mot, chez nous. Mon père ne s'est jamais arrêté de travailler un seul jour, et je n'ai jamais vu ma mère se reposer.
- Mais les enfants, c'est pas pareil !
- Dans ce temps-là, si. D'ailleurs, après l'école, je devais aider à la ferme, m'occuper des...
- ... des vaches, je sais...
(p. 65-66)
Les gares défilent : Evreux (c'est vrai ?), Bernay (berne, alors !), Lisieux (attention aux yeux !), Cean (mais quand ???), Bayeux (je bâille), Lison (nous lisons), Saint-Lô (c'est long) ...
Le sourire de Gramps s'élargit au fur et à mesure que le paysage s'arrondit et devient de plus en plus vert. C'est bien jolie, la Normandie...
« - Tu veux qu'on sonne, Gramps, pour voir s'il est là ?
Non, non s'écrie-t-il, il doit être mort, ou parti. C'est fini...
Mais toi, pourtant, tu es toujours vivant. Tu ne veux pas revoir les gens ?
Non, ma petite-fille, je veux juste revoir les lieux...
Il me regarde gravement et ajoute :
… et t'offrir des souvenirs.
Mais ils sont à toi !
Bien sûr, mais ils sont aussi pour toi, pour que tu les gardes, que toi aussi, tu t'en souviennes.
Il me serre soudain le bras à m'en faire mal, et il reprend, d'une voix suppliante :
Tu comprends, Madeleine ? Je ne veux pas que mes souvenirs disparaissent avec moi. Je ne veux pas qu'ils meurent... »
« Parce qu'on reste toute sa vie le petit qu'on a été. Et on n'a qu'une maison où on a envie de rentrer : celle où on a grandi. Même si elle a disparu. Même si on n'en a pas eu. La mienne, c'est la sienne. Ma maison, c'est Gramps. C'est là que je reviendrai toujours, quand je serai perdue. »
Quatre-vingts ou dix ans, c'est pareil. On reste toujours l'enfant qu'on a été.
Le car repart et, en regardant les panneaux, je réalise que la route sur laquelle nous roulons s’appelle la « Route de la Liberté ». J’aimerais bien y habiter… Elle doit aller vite, cette route, elle va sûrement loin, elle ne s’arrête jamais, et elle sauve, peut-être !
L’adresse est celle d’un médecin gérontologue. C’est pas un spécialiste des champignons, ça ? Ah, non, je confonds avec les girolles. Pas d’omelette aux champignons, alors, juste une omelette aux croûtons… ~ p. 9
Mais, même noté, il oublie... Il a perdu le papier, ne trouve plus le bouton, et comment on allume, et où il faut cliquer, et effacer, comment on fait ? Et les photos ont disparu, et la musique je l'entends plus...
Qu'est-ce qu'il m'énerve !
Mais je recommence très patiemment, très gentiment, parce que quand ça marche, qu'il surfe comme un pro, il est content et fier comme Artaban.
Ça, c'est une expression typique de mon grand-père, je ne sais pas trop qui c'est, peut-être un des trois mousquetaires qu'il aime tant ?