"N'oubliez pas ce que dit Bach: ce qui procède de l'amour et du tourment ,Dieu ne peut l'effacer.Nous sommes condamnés à le supporter et ,parfois, à en mourir.
Tu as eu de la chance d'avoir eu une fille de ce calibre. Ne te désespère pas de ses cachotteries. Vis avec l'idée que ta fille était une femme extraordinaire. On peut, hélas, vous enlever vos enfants. Mais personne ne peut vous arracher vos idées et vos souvenirs. Ne gâche pas votre tendresse mutuelle par des regrets ou des pensées mesquines. Tu es au-dessus de cela et ta fille le savait.
Perdre un enfant appartient à l'innommable. Car ce qui est inacceptable ne saurait être désigné : ce serait commencer à l'admettre.
Tout finit trop vite ! Pourquoi ne veut-on pas le croire ?
Disparus les petits pas trottinant sur le plancher, les cauchemars angoissant, les rires cristallins, les câlins, les caprices et les malices. Terminés les bouderies, les chantages et les comédies. On se croyait à l'orée d'un univers illimité.
Son état de quasi-somnanbulisme, dont, attentive, elle surprenait également des traces chez ses familiers, s'expliquait sans doute par l'instinct de survie. Aurait-elle supporté les malheurs, les contrariétés de sa vie et la longue éducation de ses quatre enfants, étirée sur plus de trente ans, sans cet engourdissement des sens et de l'esprit ? Métamorphosée en rêve, fut-ce en cauchemar, la vie devenait plus légère. Les pertes de mémoire, les transformations et les révisions du passé procédaient peut-être du vieillissement.
Je n'avais ni tes dons, ni ton énergie. Tu t'es révoltée contre le sort, contre tes parents, contre la mort de ton mari. Rien ne t'abattait. Un coup t'envoyait au tapis? Tu revenais sur le ring sans t'avouer vaincue.
-p50-
《Ma petite fille》
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Ce n'est pas simple quand on a déjà une vie derrière soi de tout recommencer. Aussi dur que de déchiffrer une partition inconnue. Il y faut de la volonté, de la patience et de la curiosité. Il faut en saisir les intonations cachées et la musique intérieure qu'on n'entend jamais du premier coup, ne pas s'arrêter aux dissonances, penser au contraire qu'elles éclairent la mélodie principale. Oui, c'est un travail de longue haleine, rien à voir avec une aventure frivole. Il faut s’y appliquer jour après jour. Je crois à cette oeuvre, à cette musique, je saurais jouer ma partition parce que J’aime la vôtre, tout en rigueur pour masquer ses tendres beautés secrètes.
Insondable la mémoire. Elle enregistre les gestes mécaniques qu'on croirait aussitôt oubliés et les restitue avec exactitude.
Perdre un enfant appartient à l'innommable. Car ce qui est inacceptable ne saurait être désigné : ce serait commencer à l'admettre.
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