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Citations sur La Route de la servitude (32)

En matière d'évolution sociale il n'y a d'inévitables que les choses qu'on pense être inévitables. (p.54).
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C'est Mœller van den Bruck qui proclama la guerre mondiale entre libéralisme et socialisme: «Nous avons perdu la guerre contre l'Occident, le socialisme l'a perdue contre le libéralisme .» Comme pour Spengler, le libéralisme devient pour lui aussi l'ennemi par excellence. Mœller van den Bruck se réjouit du fait

« qu'il n'y a pas de libéraux dans l'Allemagne d'aujourd’hui ; il y a de jeunes révolutionnaires, il y a de jeunes conservateurs. Mais qui veut être libéral?...Le libéralisme représente une philosophie dont la jeunesse allemande se détourne maintenant avec nausée, avec colère, avec mépris, parce que rien n'est Plus éloigné de sa philosophie à elle, rien ne lui répugne avantage que cette conception de la vie. La jeunesse allemande d’aujourd’hui reconnaît dans le libéral-son ennemi par excellence. »

Le Troisième Empire de Mœller van den Bruck était destiné à donner aux Allemands un socialisme adapté à leur nature et non corrompu par les idées libérales de l'Occident. Ce qui ne manqua pas de se produire.

Ces auteurs ne représentent nullement des phénomènes isolés. Pas plus tard qu'en 1922 un observateur impartial a pu parler « d'un phénomène curieux, surprenant au premier abord », qu'il avait constaté en Allemagne :

« En vertu de ces idées, la lutte contre le système capitaliste n'est rien d'autre que la continuation de la guerre contre l'entente avec les armes de l'esprit et de l'organisation économique. C'est un processus qui mène au socialisme pratique, au retour de l'Allemagne à ses traditions les meilleures et les plus nobles. »(1)

La lutte contre le libéralisme sous toutes ses formes, le libéralisme qui avait conduit l'Allemagne à sa défaite, fut l'idée commune qui réunit les socialistes et les conservateurs. Ce fut d'abord le Mouvement de la Jeunesse Allemande, d'inspiration et de tendance presque entièrement socialiste, qui s'empara avec avidité de ces idées et accepta la fusion du socialisme et du nationalisme. A partir de 1920 jusqu’à l'avènement d'Hitler, un groupe de jeunes gens réunis autour du journal Die Tat dirigé par Ferdinand Fried, représenta cette tendance de la façon la plus menaçante. Le livre de Fried, Ende des Kapitalism'us, est peut-être l'expression la plus caractéristique de ce groupe des Edelnazis, nazis d'élite comme on les appelait en Allemagne. Cet ouvrage est assez inquiétant à cause de sa ressemblance avec une quantité de livres qui paraissent actuellement en Angleterre, et où nous pouvons observer le même rassemblement des socialistes de gauche et de droite, le même mépris pour tout ce qui est libéral dans l'acception ancienne du terme. Le titre de « socialisme conservateur » (ou, dans d'autres milieux, celui de « socialisme religieux») servit à de nombreux auteurs pour faire le lit du « national-socialisme ».

(1) K. Pribram, « Deutscher Nationalismus und Deutscher Sozialismus. Dans l'A1'chill 1141' Sozialwissenschaft und Sozialpolitique, vol. 49, 1922, p. 298-299. L'auteur évoque encore d'autres témoignages, ainsi le philosophe Max Scheler prêchant « la mission socialiste de l'Allemagne dans le monde » et le marxiste K. Korsch qui parle de l'esprit de la nouvelle Volksgemeinschalt. (pp. 130-131)
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Le trait commun de tous les systèmes collectivistes peut être défini, en une phrase chère aux socialistes de toutes nuances, comme l'organisation des travaux de la société en vue d'un but social déterminé. Le fait que notre société actuelle ne possède pas cette direction « consciente » en vue d'un but unique, que ses activités sont guidées par les caprices et les fantaisies d'individus irresponsables, ce fait a toujours été un des principaux objets de la critique socialiste.

A bien des égards c'est là poser très clairement la question essentielle. Nous arrivons tout droit au point où le conflit surgit entre liberté individuelle et collectivisme. Les divers genres de collectivisme, communisme, fascisme, etc., diffèrent entre eux par la nature du but vers lequel ils veulent orienter les efforts de la société. Mais ils diffèrent tous du libéralisme et de l'individualisme en ceci qu'ils veulent organiser l'ensemble de la société et toutes ses ressources en vue de cette fin unique, et qu'ils refusent de reconnaitre les sphères autonomes où les fins individuelles sont toutes-puissantes. En bref, ils sont totalitaires au véritable sens de ce mot nouveau que nous avons adopté pour définir les manifestations inattendues mais inséparables de ce qu'en théorie nous appelons collectivisme. (p. 47)
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Depuis quelques années, les gens les plus inattendus se sont mis à exprimer de nouveau les vieilles appréhensions sur les conséquences imprévues du socialisme. Les uns après les autres, des observateurs qui s'attendaient à tout le contraire, ont été frappés de l'extraordinaire ressemblance qui existe à beaucoup d'égards entre la vie en régime « fasciste » et « communiste ». Cependant que les « progressistes », en Angleterre et ailleurs, continuaient à s'abuser en considérant communisme « fascisme comme des pôles opposés », de plus en plus de gens se demandaient si ces nouvelles tyrannies n'étaient pas l'aboutissement des mêmes tendances. Les communistes eux-mêmes ont dû être ébranlés par des témoignages comme celui de M. Max Eastman, le vieil ami de Lénine, qui a été obligé de reconnaître que « au lieu d'être meilleur, le stalinisme est pire que le fascisme, plus cruel, barbare, injuste, immoral, anti-démocratique ; aucun espoir ni scrupule ne le rachète »…« il est proprement un superfascisme » ; et lorsque nous voyons le même auteur reconnaître que « le stalinisme est le socialisme, en ce sens qu'il constitue un accompagnement inévitable encore qu'inattendu de la nationalisation et de la collectivisation sur lesquels on comptait pour édifier une société sans classes », cette conclusion est très significative.

Le cas de M. Eastman est peut-être le plus remarquable, mais il n'est aucunement le premier ni le seul observateur sympathisant de l'expérience russe à formuler de telles conclusions. Plusieurs années auparavant M. W. H. Chamberlin qui, au cours de douze années passées en Russie comme correspondant de presse américain, vit son idéal mis en pièces, avait résumé les conclusions de ses observations en Russie, en Allemagne et en Italie en déclarant que « le socialisme est certainement, tout au moins à son début, la route qui mène non à la liberté, mais à la dictature et aux contre-dictatures, à la guerre civile la plus féroce. Un socialisme accompli et maintenu par des moyens démocratiques paraît définitivement appartenir au monde des utopies ». De même, un journaliste britannique, M. F. A. Voigt, après plusieurs années d'observations en Europe, conclut que « le marxisme a mené au fascisme et au national-socialisme, parce que, dans l'essentiel, il est le fascisme et le national-socialisme ». (pp. 26-27)
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On se souvient rarement aujourd'hui que le socialisme à ses débuts était franchement autoritaire. Les écrivains français qui posèrent les fondations du socialisme moderne étaient convaincus que leurs idées ne pouvaient être mises en pratique que par un gouvernement dictatorial. A leurs yeux, le socialisme signifiait une tentative pour Il achever la révolution Il par une réorganisation délibérée de la société sur un plan hiérarchique et l'exercice d'un Il pouvoir spirituel» de coercition. Les fondateurs du socialisme ne faisaient pas mystère de leurs intentions à l'égard de la liberté. Ils considéraient la liberté de pensée comme la source de tous les maux du XIXe siècle et le premier des planistes modernes, Saint-Simon, prédisait même que ceux qui n’obéiraient pas à ses plans seraient « traités comme du bétail ».

C'est seulement sous l'influence des forts courants démocratiques qui précédèrent la révolution de 1848 que le socialisme commença à s'allier avec les forces de liberté. Mais il fallut longtemps au nouveau « socialisme démocratique » pour justifier les soupçons provoqués par ses antécédents. Personne n'a vu plus clairement que de Tocqueville que la démocratie, institution essentiellement individualiste, était inconciliable avec le socialisme. (p. 24)
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La tendance moderne vers le socialisme signifie une rupture brutale, non seulement avec le passé récent, mais encore avec toute l'évolution de la civilisation occidentale. On s'en rend compte en considérant cette tendance, non plus seulement dans le cadre du XIXe siècle, mais dans une perspective historique plus vaste. Nous abandonnons rapidement, non seulement les idées de Cobden et de Bright, d'Adam Smith et de Hume, ou même de Locke et de Milton, mais encore une des caractéristiques les plus saillantes de la civilisation occidentale telle qu'elle s'est édifiée sur les fondations posées par le christianisme, par la Grèce et par Rome. Ce qu'on abandonne peu à peu, ce n'est pas simplement le libéralisme du XIXe et du XVIIIe siècle, mais encore l'individualisme fondamental que nous avons hérité d’Érasme et de Montaigne, de Cicéron et de Tacite, de Périclès et de Thucydide.

Le chef nazi qui a défini la révolution nationale-socialiste comme une Contre-Renaissance ne savait peut-être pas à quel point il disait vrai. Cette révolution a été l'acte essentiel de destruction d'une civilisation que l'homme édifiait depuis l'époque de la Renaissance et qui était avant tout individualiste. (pp. 17-18)
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Il existe une explication superficielle et erronée du national-socialisme qui le représente comme une simple réaction fomentée par tous ceux dont le progrès du socialisme menaçait les prérogatives et les privilèges. Cette opinion a naturellement été adoptée par tous ceux qui, tout en ayant contribué au mouvement d'idées qui a mené au national-socialisme, se sont arrêtés en chemin, ce qui les a mis en conflit avec les nazis et les a obligés à quitter leur pays. Ils représentent, par leur nombre, la seule opposition notable qu'aient rencontrée les .nazis. Mais cela signifie simplement que, au sens le plus large du terme, tous les Allemands sont devenus socialistes et que le vieux libéralisme a été chassé par le socialisme. Nous espérons montrer que le conflit qui met aux prises en Allemagne la « droite » nationale-socialiste et la « gauche » est ce genre de conflit qui s'élèvera toujours entre factions socialistes rivales. Si cette explication est exacte, elle signifie toutefois que bon nombre de ces réfugiés, en s'accrochant à leurs croyances, contribuent de la meilleure foi du mondé à faire suivre à leur pays d'adoption le chemin de l'Allemagne.

Je sais que bon nombre de mes amis anglais ont parfois été choqués par les opinions semi-fascistes qu'ils ont eu l'occasion d'entendre exprimer par des réfugiés allemands dont les convictions authentiquement socialistes ne sauraient être mises en doute. Les Anglais attribuent les idées des réfugiés en question au fait qu'ils sont Allemands. Mais la véritable explication est qu'il s'agit de socialistes qui sont allés sensiblement plus loin que ceux d'Angleterre. Certes, il est vrai que les socialistes allemands ont trouvé dans leur pays un grand appui dans certains éléments de la tradition prussienne; et cette parenté entre prussianisme et socialisme dont on se glorifiait en Allemagne des deux côtés de la barricade vient à l'appui de notre thèse essentielle(1). Mais ce serait une erreur de croire que c’est l'élément spécifiquement allemand, plutôt que l'élément socialiste, qui a produit le totalitarisme. Ce que l'Allemagne avait en commun avec l'Italie et la Russie, c'était la prédominance des idées socialistes et non pas le prussianisme. C'est dans les masses, et non dans les classes élevées dans la tradition prussienne, que le national-socialisme a surgi.

(1) Il est indéniable qu'il existe une certaine parenté entre le socialisme et la structure de l'État prussien qui, plus que tout autre, a été délibérément organisé en partant du sommet. Bien avant que surgisse l'idée de faire fonctionner l'État comme une vaste usine qui devait inspirer le socialisme du XIX· siècle, le poète prussien Novalis avait déploré « qu'aucun autre État n'ait davantage été administré comme une usine que la Prusse depuis la mort de Frédéric·Guillaume ». (pp. 13-14)
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« À mon avis, c’est un grand livre. Tous, nous avons la plus grande des raisons d’être reconnaissant envers vous de dire ainsi ce qui doit être dit. Vous ne devez pas vous attendre à ce que j’accepte totalement toute la doctrine économique de ce livre. Mais moralement et philosophiquement, je suis d’accord avec la quasi-totalité de cet écrit ; et il ne s’agit pas d’un simple accord, mais aussi d’un accord empli d’une profonde émotion. » — Extrait d’une lettre de Keynes à Hayek, 1944, in 'Hayek : the clash that defined Modern Economics'
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Il n'y a pas de système rationnellement soutenable dans lequel l’État ne ferait rien. Un système compétitif efficace nécessite tout autant qu'un autre une armature juridique intelligemment conçue et constamment adaptée. (p.45).
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Il n'y a rien dans les principes du libéralisme qui permette d'en faire un dogme immuable; il n'y a pas de règles stables, fixées une fois pour toutes. Il y a un principe fondamental : à savoir que dans la conduite de nos affaires nous devons faire le plus grand usage possible des forces sociales spontanées, et recourir le moins possible à la coercition. (p.21).
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