Deux des plus grands penseurs politiques du XIXè siècle, de Tocqueville et lord Acton, nous avaient dit que le socialisme signifie l'esclavage. Mais nous n'avons cessé d'aller vers le socialisme. Aujourd'hui, nous avons vu une nouvelle forme d'esclavage surgir devant nos yeux. Et c'est à peine si nous nous rendons compte que les deux choses sont liées. (p.16).
Les doctrines qui ont guidé les classes dirigeantes de la dernière génération en Allemagne ne s'opposaient pas aux éléments socialistes du marxisme, mais à ses éléments libéraux, à l'internationalisme et à la démocratie. Et comme il devint de plus en plus clair que ces éléments s'opposaient à la réalisation du socialisme, les socialistes de gauche se rapprochèrent de plus en plus de ceux de droite. C'est l'union des forces anticapitalistes de gauche et de droite, la fusion des socialismes, radical et conservateur qui mit fin au libéralisme en Allemagne.
La collusion entre socialisme et nationalisme fut toujours étroite en Allemagne. Chose caractéristique, les précurseurs les plus importants du national-socialisme, Fichte, Rodbertus et Lassalle, furent en même temps des ancêtres du socialisme. Durant la période où le socialisme théorique sous la forme marxiste a dirigé le mouvement ouvrier allemand, les éléments nationalistes et autoritaires s'effacèrent. Mais cela ne dura pas. À partir de I914 surgirent des rangs du socialisme marxiste et des maîtres qui menèrent non plus les conservateurs et les réactionnaires, mais des ouvriers manuels et la jeunesse idéaliste au national-socialisme. C'est seulement par la suite que la marée nationale-socialiste s'enfla au point de devenir la doctrine hitlérienne. L'hystérie guerrière I914, qui justement en raison de la défaite allemande n'a jamais été complètement guérie, est à l'origine de l'évolution moderne qui a produit le national-socialisme, largement soutenu, pendant cette période, par d'anciens socialistes. (p. 122)