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Citations sur Chemins sans issue selon Van Gogh (46)

Le jeudi, l’envie de se jeter dans l’Oise l’étreignit tellement qu’il chercha sa pipe, la bourra, prit un morceau de pain et de fromage acheté pour cela et se mit à manger, avant de fumer longuement au bord de l’eau. C’était le remède que Dickens préconisait pour éloigner les idées de suicide. Il y manquait une chope de bière, mais cela réussit à le calmer une fois de plus.

Chapitre 3. Gauguin
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Comme tous les êtres extrêmement sensibles ou sensitifs, Vincent pouvait varier à l’instant, telle une feuille sur un arbre, aux moindres frémissements de l’air mental. Un rien le précipitait au fond du gouffre, un rien aussi le faisait jouir comme une cigale en plein été, (...).

Chapitre 2. La lettre
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Mais quelques mois plus tard, il fit le tableau qui déciderait de sa vie : la Nature morte à la Bible ouverte et à La Joie de vivre de Zola. Sur une table, l’énorme Bible du pasteur près d’une chandelle éteinte sur fond noir pour signifier qu’il était mort. Et tout près, froissé, modeste, posé sur la table, mais en jaune citron claquant, et têtu en face du monstre biblique, le petit roman lu et relu de Zola, La Joie de vivre. Le dialogue entre père et fils continuait après la mort, et la couleur faisait enfin son apparition, non pour établir un simple contraste entre ombre et lumière, mais pour elle-même, avec ce jaune qui ne cesserait de monter dans sa peinture, jusqu’à embraser ses tableaux.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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L’extinction de cette flamme fut aussi celle de cet amour. Non, il ne recommencerait pas comme avec Eugénie Loyer. L’art comme projet dans sa vie pouvait combattre cet amour brisé. Il s’en alla, erra par les rues, se dirigea vers le quartier des prostituées, et pour la première fois, une femme lui donna l’amour physique, un peu de tendresse, car son cœur, disait-il, menaçait de geler sans amour, quelle qu’en fût la forme. Au fond, ces prostituées, ces « pauvresses », n’étaient-elles pas des parias comme lui ? L’amour d’une femme de son milieu ne lui serait jamais accordé. Une dernière illusion venait de tomber, avec celle de la confiance accordée aux pasteurs de son temps. Et à l’inverse du drame de Londres, cette conclusion lui donna un élan irrésistible pour s’engager dans la voie de l’art.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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Mais il n’en avait pas fini avec les échecs et les drames. Deux femmes, si différentes l’une de l’autre, ont scellé mon destin, se dit-il. La bourgeoise et la putain.
Kate Vos-Stricker était sa cousine par sa mère. Fille du célèbre pasteur Stricker et jeune veuve avec un enfant, elle avait été invitée par les Van Gogh à venir passer l’été pour adoucir son deuil. Vincent s’occupa du petit, joua avec lui, et fit des promenades avec Kate. L’intelligence et la finesse de cette femme cultivée, les longues conversations menées avec elle sur la vie, l’art, les êtres, il n’en fallait pas plus. Vincent en devint amoureux fou et tout joyeux de cet amour. Non, assurait-il, ce n’était pas la répétition de l’affaire Loyer. Il voyait en Kate une amie autant qu’une femme qu’il aimerait épouser. Sans le sou, subventionné par son frère… De plus, elle fut celle qui l’incita à passer à la peinture, à la couleur, il en parlait dans ses lettres pour la première fois. Il se déclara, elle lui répondit non, jamais, et prit la fuite en retournant précipitamment à Amsterdam.
Kate fut sans doute le plus grand amour de sa vie. Il se souvenait des lettres qu’il lui écrivait chaque jour, elle les retournait sans les ouvrir. Il tenta de la revoir en arrivant un soir par surprise à l’heure du dîner chez le pasteur Stricker à Amsterdam. Mais quand on annonça Vincent, elle quitta précipitamment la table pour se réfugier dans sa chambre. Il entra. Elle n’était plus là. Les autres se levèrent et partirent tous, en silence, sauf le pasteur.
— Vous ne la reverrez jamais, lui dit Stricker.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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Vincent se leva et reprit le chemin qui montait vers le plateau et les champs. Il y serait bientôt. L’air était déjà moins lourd qu’en bas. Il avait hâte de s’installer pour attendre la jeune paysanne. Sans Théo que serait-il devenu ? Un vagabond ? Un mendiant ? Non. Je serais mort depuis longtemps. Mieux vaut crever de passion que mourir d’ennui. Plusieurs fois la pensée du suicide l’avait étreint et il fut parfois à deux doigts d’y recourir.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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Vincent erra en vagabond, sur des dizaines et des dizaines de kilomètres, la faim au ventre, ses dessins dans un carton sous le bras, dormant à la belle étoile ou dans des granges. Il fit de longs voyages à pied par tous les temps pour montrer ses œuvres à des hommes censés s’y connaître. Il alla jusqu’à la porte du peintre Jules Breton, puis fit demi-tour sur des dizaines de kilomètres sans avoir sonné. Un pasteur peintre le reçut, entrevit quelque lueur et l’encouragea.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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Durant ses années de travail comme vendeur dans les galeries, il s’était fait l’œil peu à peu. Rien n’est plus difficile à éduquer que le regard. L’oreille retient vite une mélodie, l’œil n’a pas cette mémoire salutaire, il doit fréquenter la même image pour en tirer tout le suc, percevoir les finesses qu’on n’avait su ou pu voir, tel détail délicieux resté invisible la première fois, tel artifice de composition, ou d’harmonie de couleurs. Et Vincent avait d’abord admiré les petits maîtres secondaires qu’il vendait aux clients, puis il lui en fallut plus, il commença à se rendre dans les musées pour se frotter aux grands maîtres, Rembrandt par-dessus tout.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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Sa famille puissante tenta alors de lui ouvrir des perspectives et, puisqu’il voulait devenir pasteur, on organisa son installation à Amsterdam chez l’oncle amiral pour faire les études requises. Hélas, il ne put s’y mettre. Le latin, le grec, l’histoire sainte et toutes les autres disciplines le rebutaient. Il était incapable désormais de se plier à quelque autorité. L’amour déçu pour Eugénie l’avait transformé. (...) Au bout de cette année scolaire de 1878, il fallut bien l’admettre, Vincent serait incapable de passer les examens.
En revanche, plutôt que d’étudier le grec ou le latin, il se précipitait au Musée d’Amsterdam pour y admirer les Rembrandt, Vermeer, Frans Hals, Ruysdael, Van Ostade et tant d’autres. Là, il était chez lui.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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Il se plongea dans la Bible, en apprit par cœur des pages et des pages, en anglais, français, néerlandais, et même en allemand, tant sa maîtrise des langues étonnait tout le monde. Ses capacités intellectuelles défiaient l’imagination, mais sans réelle utilité sociale. Tout, chez lui, prenait d’énormes proportions. Ses lettres à sa famille, interminables, incompréhensibles, malades et délirantes, emplies de sermons grotesques et de textes copiés, montraient dans quelle dérive il avait sombré. Ses patrons, qui l’avaient longtemps ménagé par égard pour son oncle marchand et associé de la maison, se débarrassèrent de lui.
Mais au fond, se dit Vincent, cet effondrement fut ma chance.

Chapitre 1. Le noir et le jaune
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