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Critique de Franz


Raqqa, carrefour piégé.
Naguère opulente et fastueuse, Raqqa a été détruite à 80 % par les bombardements aériens qui débutent en septembre 2014, un sinistre pourcentage qui rappelle l'arasement des cités normandes en 1944 sous la pluie de bombes des Alliés. Devenue capitale de l'Etat islamique, Raqqa est la cité à abattre. Avec la destruction massive des habitations et des infrastructures vient le combat de rue où s'engagent les troupes kurdes de la région autonome du Rojava (YPG) auxquels se sont agrégés des combattants occidentaux aux motivations diverses. Confronté à la peur, à la crasse, à la mort, André Hébert, révolutionnaire français dans l'esprit et dans les faits, est tireur d'élite dans les décombres de Raqqa. Les Islamistes ont tout piégé, les lieux comme les esprits. Difficile de prévoir d'où va surgir la mort : d'une voiture explosive, d'un vieil homme placide, d'un sniper embusqué ? Avant d'en arriver là, André Hébert raconte et contextualise son engagement dans la lutte émancipatrice des Kurdes en Syrie. Sa prise de conscience politique où il est « vital de construire une autre façon de vivre ensemble » débute avec la découverte quand il a quatorze ans d'un tee-shirt de Che Guevara sur un marché parisien. de l'image iconique aux lectures approfondies, Hébert se découvre communiste. La vie occidentale, confortable et aseptisée, n'est pas propice à la mise en oeuvre d'idées d'entraide et de partage. Au-delà des tracts et des manifestations, rien n'aboutit. le projet sociétal kurde du Rojava qui prône l'égalité homme-femme, la laïcité, l'écologie, la démocratie directe, le féminisme, la socialisation de l'économie représente aux yeux d'un jeune marxiste une alternative possible au système capitaliste. L'implication, la détermination et la considération des femmes kurdes dans un combat de survie confortent une image iconique qui sidère quand on lui adjoint la réalité du terrain de Kobané ou d'ailleurs. Encercler l'ennemi et lui laisser une porte de sortie, esquiver la mort et garder sa part d'humanité ne sont pas de simples parades et des propos d'esbroufe mais relèvent d'une éthique qui impose le respect. Dans le chaos, la souffrance, la peur et la mort, les Kurdes ont su résister et repousser encore une fois l'inéluctable d'une dictature terrifiante. André Hébert comme George Orwell en 1936 lors de la guerre d'Espagne, s'engage pour des idées opposées à toute forme de totalitarisme. La bande dessinée autobiographique est un témoignage essentiel qui rend compte, du côté démocratique, d'une guerre de religion contemporaine aux insaisissables ramifications et aux multiples têtes dont les éclats mortifères sont venus frapper nos paisibles contrées comme au Bataclan en 2015. Nicolas Otero a d'ailleurs mis en images avec une rare puissance documentaire « La cellule » à propos des attentats terroristes. Il récidive d'une main de maître et délivre une bande dessinée nécessaire qui décortique et expose avec force et talent les rouages d'une machinerie confuse et protéiforme.
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