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Critique de HundredDreams


C'est suite à une conversation avec Isidoreinthedark sur sa critique de « Céline » de Peter Heller que j'ai eu envie de lire de découvrir cet auteur en commençant par « La constellation du chien ».
Un grand merci pour cet échange, j'ai vraiment aimé ce roman, même si ce n'est pas un coup de coeur en ce qui me concerne.
*
Nous sommes aux Etats-Unis, neuf ans après une pandémie de grippe et une maladie du sang qui ont anéanti une grande partie de la population mondiale et un grand nombre d'espèces animales.

Hig, le narrateur de cette histoire, vit dans le hangar d'un terrain d'aviation abandonné, avec son chien, Jasper et un fanatique des armes à feu nommé Bangley.
Autant Hig n'est pas le genre d'homme à survivre, trop doux, trop rêveur, passionné de poésie, d'aviation et de pêche, autant Bangley n'a aucun scrupule à tuer et élabore même des stratégies pour ne pas être surpris par quelques maraudeurs.
Ce duo improbable fonctionne pourtant très bien, leurs différences étant un atout pour survivre.

« Nous sommes quand même divisés, il y a des fissures dans cette union. de principe. le sien : on est coupable jusqu'à ce que – rien. Tire d'abord parle après. Coupable, et puis mort. Par opposition à quoi ? Mon principe : laisser vivre un visiteur une minute de plus jusqu'à ce qu'il ait prouvé son humanité ? Parce qu'ils le font toujours. Ce qu'a dit Bangley au début : Ne jamais, jamais négocier. Tu négocies ta propre mort. »

Les survivants sont une menace très sérieuse.
Ce monde post-apocalyptique est très crédible.
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Le style du narrateur est très original, révélant la personnalité attachante du narrateur.
J'ai été déstabilisée au départ, par l'écriture fragmentée et l'absence de ponctuation. Mais après quelques pages, je me suis habituée aux particularités du livre, qui, au détour d'une page, révèle des passages de toute beauté.

« Me suis arrêté une fois, j'ai tourné le visage en plein soleil, les yeux fermés, laissé la lumière cautériser mes larmes. Penché la tête un peu en arrière, un coyote à gorge déployée. »

A travers ce style « entaillé » et sobre, alternant présent et souvenirs, se dévoile un homme ordinaire, traumatisé, qui lutte au jour le jour pour sa survie.

« J'étais une coquille. Vide. Portez-moi à votre oreille et vous entendrez le ressac lointain d'un océan fantôme. le néant, c'est tout. »

Une vie de défiance, de suspicion, de vigilance.
Une vie avec ses moments de joie, de tragédie et de chagrin.
Une vie où les souvenirs de jours heureux comblent la solitude.
Au fil de ses pensées et de sa conscience, le lecteur apprend à le connaître.

« Impossible de métaboliser la perte. Elle est dans les cellules de ton visage, de ta poitrine, derrière les yeux, dans les méandres de tes entrailles. Muscle tendon os. Elle est toi tout entier. »

J'ai aimé ces flashbacks, ces larges digressions, en particulier les souvenirs de sa femme, de sa vie avant que tout bascule.
Beaucoup de non-dits, de phrases inachevées que le lecteur complète.
Une vie d'attente, une vie qui prend tout son sens au moment où la mort peut survenir à chaque instant.
Revenir à l'essentiel.
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De magnifiques pages d'émotions, mes préférés.
De belles scènes d'amitié entre Hig et son chien Jasper, lesquelles sont tendres, douces, émouvantes, parfois aussi douloureuses et bouleversantes.
Loyauté, attachement, confiance.
Un rappel de la vie d'avant.

« Impossible de métaboliser la perte. Elle est dans les cellules de ton visage, de ta poitrine, derrière les yeux, dans les méandres de tes entrailles. Muscle tendon os. Elle est toi tout entier.
En marchant tu la propulses vers l'avant. Quand tu lâches le traîneau et que tu t'assois sur une branche morte et. Tu l'imagines se pelotonner à côté de toi sur un carré de soleil peut-être couché sur tes pieds. Pas très en forme. Puis elle s'assoit avec toi, la Douleur, passe son bras autour de tes épaules. C'est ta meilleure amie. Indéfectible. Et la nuit tu ne supportes pas d'entendre ta respiration qui n'est plus accompagnée d'une autre et sous le grand silence comme une partition, le rugissement torrentiel de tout ce qui vit et de tout ce qui est anéanti. Et puis. La Douleur est allongée à côté de toi, très près. Elle ne t'embête pas, ne fait pas même entendre le son de sa respiration. »

Autant j'ai adoré les moments apaisants, souvent poétiques où Hig part à la pêche avec son fidèle compagnon, autant je suis plus réservée quant aux passages sur le pilotage du vieux Cessna où j'ai décroché à plusieurs reprises. C'est vraiment le seul reproche que j'aurais à formuler. N'y connaissant rien en aviation, je ne me suis pas senti impliquée. Heureusement, ces passages sont assez courts.

De même, j'ai adoré les moments où Peter Heller évoque la beauté de la nature, même si le réchauffement climatique bouleverse le cycle des saisons.
Moments de quiétude.
Moments essentiels, vitaux.

« Je regardais les étoiles nager contre les mailles du feuillage. Pareilles aux poissons qui viennent flairer un filet. »

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J'ai trouvé que les thèmes abordés sur la notion de temps, les comportements des hommes face à la peur, le deuil d'une ancienne vie, la mémoire et le souvenir, étaient très pertinents et bien exploités.

« Je ne peux pas vivre comme ça. Ne peux pas vivre du tout en fait. Qu'est-ce que j'ai foutu ? Neuf années à faire semblant. »

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Il n'est pas nécessaire d'aimer les récits post-apocalyptiques pour apprécier ce roman.
Cette histoire apparaît appropriée à l'heure d'aujourd'hui avec la pandémie que nous vivons. Et puis, ce roman mélange habilement les genres, allant de la dystopie au thriller, en passant pas le nature writing et la poésie.
J'ai aimé ce récit dramatique, mais non dénué d'espoir ni de beauté.
Un récit qui invite les lecteurs à découvrir les autres romans de l'auteur. Ce sera mon cas, avec "la rivière", je pense.

« Quand serai-je chez moi ?
Quand serai-je chez moi ? Je ne le sais pas.
Dans les montagnes, par cette nuit pluvieuse
Le lac d'automne est en crue.
Un jour nous nous retrouverons.
À la lumière de la bougie près de la fenêtre qui donne à l'ouest.
Et je te dirai quel souvenir j'ai eu de toi
Ce soir sur la montagne orageuse. »
Li Shang-yin
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