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EAN : 9782330019389
304 pages
Actes Sud (02/05/2013)
4.19/5   595 notes
Résumé :
Quelque part dans le Colorado, neuf ans après la Fin de Tout. L’art de survivre est devenu un sport extrême, un jeu de massacre. Soumis aux circonstances hostiles, Hig, doux rêveur tendance chasse, pêche et poésie chinoise, fait équipe avec Bangley, vieux cowboy chatouilleux de la gâchette.

À la fois captivant roman d’aventures, grand huit des émotions humaines, déclaration d’amour à la nature et pure révélation littéraire, La Constellation du Chien ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (124) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 595 notes
Un chef d'oeuvre qui rejoint les livres à emporter sur mon île déserte. Un 5 étoiles qui en vaut bien plus. Une nuée d'étoiles qui scintille encore en moi, illuminant mon coeur, réchauffant mon âme, constellant le panthéon de mes lectures. J'ai été, je suis émerveillée par ce livre. Un certain Bison ici présent parle de livre post-apocalyptique poétique. C'est exactement ça, avec l'ingrédient du Nature Writing en supplément. Et quel supplément !

Une pandémie a éteint quasiment toute l'espèce humaine et de nombreuses espèces animales. Presque la fin du monde. Depuis près de dix ans, Hig et son chien Jasper survivent dans le Colorado auprès d'un ancien aéroport, avec pour unique voisin Bangley, un taré de la gâchette. La règle de base, édictée tel un mantra, est simple et conditionne toute leur façon de vivre : tuer ou être tué. de son ancienne vie, il reste à Hig ses souvenirs, ceux surtout de sa femme Melissa, il lui reste son chien et son vieil avion avec lequel il survole le territoire afin de surveiller d'éventuels rôdeurs, survivants dangereux pour les deux hommes qui disposent en effet de réserves d'essence, d'électricité, disponibles et gratuits. Jusqu'à ce que... Qui disposent d'armes, d'un potager, de réserves de bois, de viandes et de poissons, autarcie d'un relatif confort, fruit d'une rigoureuse organisation, ainsi que de chasse et de pêche dans la nature environnante. Hig, au grand désespoir de Bangley, aide aussi des familles qui ont contracté la maladie du sang. Hig aussi rêveur, empathique, humain que Bangley est taciturne, sauvage, violent, tel un poisson dans l'eau en mode survival avec son rire plein de graviers. Hig le sensoriel, Bangley l'efficace pragmatique. L'esprit et le corps. Les deux conditions par la survie. Cette survie qui se résume par manger, dormir, protéger son périmètre et le défendre, prendre des nouvelles des arbres et des rivières, prendre le pouls du vent. Rien d'autre. Ou presque...

La voix du récit est celle de Hig, qui se sent le besoin de raconter, « Comme pour animer la plus profonde beauté qui serait figée dans une immobilité mortelle. Insuffler de la vie par le récit ».

Je vous vois déjà murmurer que ce scénario n'a rien, mais rien de bien original, que cette situation post-apo a été maintes et maintes fois explorée. C'est vrai. Mais le génie de Peter Heller se niche ailleurs. Dans les interstices. Dans le contenant. Il enrobe cette histoire d'une poésie sublime et colmate les silences de beautés inoubliables. Poésie et beauté. Jusqu'aux larmes. Larmes jaspérienne pour celles et ceux qui ont lu le livre.

Pour vous en convaincre, voyez le paysage qui se déroule sous nos yeux lors d'une expédition en avion de Hig : « ce que j'aime le plus et ce depuis mon premier vol de préparation, c'est l'ordre, le sentiment que tout est à sa place. Les fermes sur leurs parcelles carrées, les croisements à angles droits des routes de campagne indiquant les points cardinaux, les brise-vent projetant des ombres allongées vers l'ouest au matin, les balles de foin rondes et le bétail éparpillé et les chevaux aussi parfaits dans leur disposition qu'une pluie d'étoiles, leur robe qui accroche ce même soleil rougeoyant, les pick-up dans les cours, les rangées de mobile homes garés en épi, les lotissements dont les pavillons répètent les motifs anguleux des toitures éclairées de biais, le diamant des terrains de baseball et l'ovale des pistes de kart, et les casses, aussi, les lignes irrégulières de voitures rouillées et les tas de ferrailles aussi incontournables et charmants que les peupliers de Virginie suivant le tracé des rivières et lançant leurs propres ombres distendues. le panache blanc par la cheminée d'une centrale électrique poussé vers l'est par le vent matinal, aussi pur que du coton lavé. C'était au temps passé. de là-haut, il n'y avait plus misère ni souffrance ni conflits, simplement des motifs et la perfection. le calme éternel d'un paysage peint ».

Peter Heller dépeint à merveille la nostalgie ressentie pour la vie d'avant, cette vie où on ne se rendait pas compte, malgré les alarmes récurrentes, de l'impact de nos choix, de l'importance de nos vies, si fragiles, de cette course à la compétitivité remettant sans cesse au lendemain les actions à mener pour faire changer les choses. Il nous fait ressentir de façon poignante la solitude, l'incommensurable solitude de ces deux hommes dans une nature elle aussi impactée mais qui reste grandiose et magnifique sous sa plume. Il nous raconte les rapports entre Hig et son chien, Jasper. Je n'ai pas souvenir de lectures où le rapport entre l'homme et son animal soit aussi beau et poignant. Et la pêche, la pêche, plus qu'un passe-temps, une passion voire un refuge, est expliquée avec un tel amour que j'ai eu des envies de longues cuissardes en plastique, d'odeur légèrement saumâtre d'eau courante et cristalline dans lesquelles les pierres froides prennent des teintes bleu-vert, de résineux et d'épicéas, pour moi aussi lancer ma ligne et titiller truites et carpes.

« Une truite pouvait voir la plus petite mouche à la surface même dans la nuit la plus noire. le ciel était toujours lumineux, lumineux pour une truite qui voyait l'insecte ressortir dessus. J'adorais attraper des poissons dans le noir. Ce n'était souvent qu'un son sur un étang calme, un blip, suivi d'une légère éclaboussure et la ligne tendue. J'adorais ça ».

Ce livre est une ode fantastique à la nature, à la vie, à l'humanité, à la résilience où même dans cette situation extrême la possibilité du bonheur est là, présente, balbutiante sous forme de petits bonheurs quotidiens comme mettre les pieds dans l'eau glacée, voire d'un bonheur profond qui nous transcende malgré la situation, la possibilité d'un bonheur cosmique qui nous dépasse.

« J'écoutais la rivière, puis le vent et je l'observais qui faisait se mouvoir les grosses branches sombres. La surface noire d'un petit trou d'eau en contrebas, poudrée de pollen vert. Les racines d'un arbre à nu au-delà de la berge serpentaient sur l'eau et entre elles, de vieilles toiles d'araignée flottaient dans le vent et leurs fils scintillaient au rythme des souffles d'air ».

« Je me suis éloigné du potager tout neuf pour regarder le soleil toucher les montagnes, rougir la terre bêchée et les filets d'eau, et je peux affirmer qu'il y avait dans ce tableau quelque chose d'émouvant qui ressemblait à de la joie ».

Ce roman nous fait réfléchir sur notre façon d'appréhender le monde actuel, sur nos valeurs, sur le sens de nos vies. Il éveille notre conscience en nous proposant un avenir possible si jamais nous ne changeons pas nos habitudes aujourd'hui, le tout sans aucune leçon de morale. Il nous montre l'importance d'une vie harmonieuse en société, la place et le rôle de chacun d'entre nous au sein du collectif.

Quant à l'écriture, vous le pressentez dans les extraits choisis, elle est non seulement sublime mais également subtile. le rythme est rapide, percutant, parfois sans verbe, phrases tronquées pour coller à la situation lors de situations de danger, lors de sentiments de désespoir ; comme il se fait lent et profond, précis, lors de descriptions poétiques, belles à couper le souffle ou de sentiments profonds et méditatifs. Peter Heller a toujours le ton juste, ni grandiloquent, ni ennuyeux.

« Plus jeune que. Ou pas. Plus mince. Cheveux blancs. Tanné comme du cuir de chaussure. Des rides. Des lignes profondes qui lui strient les joues. Des rides d'expression. Des pattes-d'oie aux coins des yeux, aux coins extérieurs. Les yeux gris qui étincellent. Habitués à renvoyer ses étincelles au soleil. Ça déconne pas. le moindre mouvement preste et assuré ».

Ce livre m'a à la fois réchauffé tant les messages humanistes sont puissants, percutants et beaux et en même temps m'a bouleversée, m'a fendu l'âme tant la vision proposée est glaçante tout en étant hélas terriblement réaliste. Oui, peut-être nous poserons nous un jour nous aussi, quelques-uns de nous ou de nos enfants, ces questions :

« Qu'est-ce qui manque le plus ? La foule babillante et sans visage, la célébrité, les fêtes, l'explosion des flashs ? Les amants, la gaieté, le champagne ? La solitude taillée dans la célébrité, l'étude des cartes à la lumière d'une unique lampe sur un vaste bureau dans un hôtel vénérable ? le room service, le café avant l'aube ? La compagnie d'un ami, de deux ? le choix : Tout ou rien ? Un peu ou rien ? Maintenant, pas maintenant, peut-être plus tard ? ».


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Vous arrive t'il quelque fois de lever les yeux vers le ciel?
Après la chaleur écrasante d'une journée d'été. Couché dans l'herbe et attendre le crépuscule et son camaïeu de bleu, ce moment où fleurs et plantes libèrent leurs parfums, les nuées d'insectes, les hirondelles qui vous saluent de leurs petits cris. Ce genre d'instant où l'on se sent en osmose avec la nature.
Cette sensation je l'ai retrouvé dans le roman de Peter Heller " La constellation du chien".
Une pandémie a eu raison de l'espèce humaine. Dix ans que Hig et son chien Jasper survivent dans le Colorado avec Bangley un fou furieux de la gâchette. Tuer ou être tuer pourrait être leurs devise.
Ce qui reste à Hig de son ancienne vie c'est son chien et son avion un Cesna des années 50.
son job c'est chasser et survoler le territoire en quête de survivants ou de gens pas recommandable. Il aide parfois des familles qui ont contracté la maladie du sang.
Hig est un contemplatif, un rêveur qui se souvient de l'ancien temps, le temps où sa femme vivait, leurs escapades dans la montagne, leurs parties de pêche;
Quand Hig en a assez de la violence de son porte flingue il part dans la montagne avec Jasper se ressourcer, dormir à la belle étoile, inventer des constellations, serrer contre son chien. Il réinvente sa vie devant les flammes de son feu de camps, l'odeur des branches de pin ponderosa qui parfume la clairière. Ce roman m'a emporté hors des sentiers battus, un récit âpre et violent mais la poésie est toujours au rendez vous au détour d'une rivière ou de la forêt.
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Une nuée d'étoiles scintillent dans le ciel obscur. Je les regarde allongé sur mon hamac de fortune. A l'écoute du moindre bruit, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Souvenir. Une femme, ma femme. Morte, il y' a plus de neuf ans. C'était juste après. L'apocalypse. Un virus dévastateur à rendre les vaches folles encore plus folles et à terrasser les humains plus vite que le vol en piqué d'un faucon sur sa proie plus effrayant que le hurlement d'un coyote affamé. Ces étoiles, en forme de casserole ou de chien. Un ours. Un élan. Cela fait combien de temps que je n'ai pas mangé de l'élan. C'était juste avant. L'apocalypse. Les élans n'ont pas bien vécu cette affaire, comme tant d'autres, comme ma femme. Mon chien, Jasper qui se fait vieux. Chut. J'entends un bruit. Saute à terre. Respire. Prends la lunette de visée. Respire. Tire. Une fois, deux fois. Trois morts. Quatre. J'enterre le petit enfant. Je découpe les adultes que je trempe dans de la saumure. Jasper, tu auras un repas de roi. Plus de larmes, plus de pleurs. Asséché. Comme la rivière. Plus aucune truite. Neuf ans que l'apocalypse a tout basculé. Reste sur tes gardes. D'autres peuvent arriver, avec des arcs ou des glocks.

Les phrases sont courtes, directes. du rythme et de la sauvagerie. La survie. Survivre, j'enchaîne ces histoires. Peter Heller. Un premier roman percutant. J'enchaîne les romans percutant. Tripes remuées et tripes à l'air. Absence de pitié quand la peur est là. Absence de larme quand le désespoir est là. Absence de concession quand la survie est en jeu. On tire d'abord, on pose les questions après. Que me reste-t-il neuf ans après l'apocalypse. Un bout de terre, quelques patates, un bout de forêt, quelques baies, un vieux Cesna que j'aime surnommer « la Bête », un vieux chien. Et une douleur lancinante : celle d'un deuil non accepté.

De la poussière. du souvenir. Un homme. Un chien. Un vieux. La « Bête ». Un deuil. Reconstruction. Amour. Quand l'apocalypse survient, les survivants peuvent-ils encore survivre, peuvent-ils tout simplement vivre, peuvent-ils se projeter vers un avenir incertain, peuvent-ils [re]découvrir l'amour, l'amitié. AIMER. Et pleurer. Tout est possible. Après l'apocalypse, des tonnes d'émotions et de rage te submergent, t'envahissent, t'emprisonnent. Tu peux faire des choix. Celui qui consiste à mettre tout en oeuvre pour survivre. Celui qui te mènera à des conduites suicidaires ou autodestructives. Celui qui te rapprochera de ton voisin, ou de cet(te) inconnu(e) avec son passé, son histoire. Pour cela, tu as des grenades, et un coeur qui ne demande qu'à battre de nouveau. La chamade et l'humain. Ce roman est singulier. Je ne parle pas d' « happy end » mais juste de reprendre le sens de la vie. Ce n'est pas de l'optimisme, c'est juste de l'humain au sens noble du terme. Âme. Souffle et respire. Deux coeurs qui battent, un chien qui contemple les étoiles, sa propre constellation.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Il y a des histoires comme ça qui savent réveiller un je-ne-sais-quoi en nous. Qui résonne en nous bien plus que d'autres.
La fin du monde ou presque. Ce n'est pourtant pas mon style de roman. Je suis plutôt attirée par des romans plus ancrés dans le réel. Et pourtant… Ne nous parle-t-il pas justement du réel, annonçant ce qu'il pourrait advenir dans quelques décennies, ou même avant ? Il faudrait avoir une grande mèche américaine blondasse devant les yeux pour ne pas avoir conscience de la fonte des glaces, du réchauffement climatique, de la déforestation, des abeilles qui meurent, de certaines espèces animales qu'on abat et qui disparaissent peu à peu, et nous qui détruisons la planète, notre planète, un peu beaucoup plus chaque jour… La liste est longue… Alors, ce roman est finalement un roman d'anticipation hyperréaliste, bien plus réaliste que je ne l'avais supposé...
Cette histoire se passe dans le Colorado mais aurait pu se passer n'importe où.

Ce roman est comme un cri d'alerte. Ce roman réveille le petit bonhomme vert qui est en nous de la nécessité de sauvegarde, d'écologie, de consommation raisonnée, raisonnable, responsable avant qu'il ne soit trop tard. Il y a longtemps que l'écolo ne passe plus pour un doux illuminé bohême vivant dans le Larzac avec ses chèvres. Maintenant au-delà du petit pas pour l'homme pour un grand pas pour l'humanité, il faut penser au petit geste quotidien pour un avenir de l'humanité. Avant qu'il ne nous reste plus rien.
Ce roman est de ce fait plein de nostalgie, remémorant cette période qui a été (une période symbolique qui existe pour chacun de nous), et qu'on n'a pas su apprécier à sa juste valeur, pris dans la routine, pris dans cette façon de croire qu'on doit patienter encore un peu, bosser encore, prendre le métro, supporter de suivre tous les matins ces hordes d'autres gens, tels des fourmis, prendre les même pas cadencés, se dire qu'il faudra recommencer la même journée, la ritournelle habituelle, mais que, demain, dans un an, on l'espère, ce sera mieux, plus facile, parce qu'enfin, on commencera à vivre. Oui, demain, c'est sûr, on commencera vraiment à profiter de la vie.
Ce roman est un cri d'amour, tout en finesse, en subtilité, en poésie, plein de rage, de morts, de survivants qui continuent malgré tout, malgré tout ce qui les entourent et plus encore malgré tout ce qui leur manquent à présent, et surtout ces êtres chers disparus, et qui leur rappellent à chaque instant le monde dévasté, implosé.
Pourquoi vivre encore lorsqu'ils ne leur restent plus rien ? Lorsqu'il n'y a plus personne autour d'eux, alors qu'ils ne sont plus que deux, perpétuellement aux aguets, à penser les autres, ces ‘'autres'' survivants, comme des ennemis qu'il faut potentiellement –que dis-je ?- obligatoirement- abattre pour sauver sa peau ; à se battre contre des bandes qui cherchent leur mort juste pour essayer eux-mêmes de trouver de quoi vivre, ne serait-ce qu'une journée de plus ? A quoi cela rime tout cela ? Pourquoi continuer à vivre dans de telles conditions, avec un tel environnement, s'il faut tuer encore et regarder son voisin d'un oeil suspicieux ?
Bien entendu, je me suis demandée dans quel état d'esprit j'aurais été si j'avais été à la place de Hig, le narrateur ou encore Bangley, son voisin taciturne mais terriblement efficace en mode guerrier redoutable, sans état d'âme. Si je devais les caricaturer grossièrement, je dirais que ces deux personnages forment peut-être un tout : l'esprit et le corps ou encore le sensoriel et le pragmatique. Aurais-je tenu toutes ces années avec seulement en moi cet instinct de survie ? Avec juste dans le coeur ces images de ma vie d'avant, qui donnent forcément un petit pincement au coeur à chaque fois qu'elles défilent sous les paupières comme de vieux polaroids jaunis ? Me serais-je dit que cela valait encore le coup ? Aurais-je fait comme eux, par instinct, à continuer de me battre, respirer encore par habitude, parce qu'on ne sait pas faire autrement ? J'imagine que j'aurais été plutôt Hig à regarder au loin, à guetter un bruit, une lumière non hostile, à regarder les étoiles, à espérer qu'il y ait d'autres personnes à qui parler, avec qui éprouver des émotions, avec échanger un sourire. C'est sûrement cela qui nous fait tenir, finalement, cet espoir qu'on garde en nous, cet espoir chevillé au corps et à l'âme. Tel des Robinson Crusoé espérant croiser un Vendredi.

J'ai ressenti tout un tas d'émotions à la lecture de ce premier roman de Peter Heller. Sourire, frisson, nostalgie, réveil citoyen. Et c'est justement parce qu'il a réussi à la fois à me plonger dans une histoire, à me faire apprécier les personnages mais aussi à me faire réfléchir, à analyser le monde actuel, ou encore notre vie de tous les jours, qu'il en devient un roman fort qui mérite ses étoiles. Un roman qui ne se contente pas d'être catalogué dans la SF, d'anticipation écologiste et humaniste. Il est aussi terriblement d'actualité, collant malheureusement à la réalité d'aujourd'hui, rappelant les informations climatiques de plus en plus fréquentes et sombres, rappelant que nous sommes peu de choses.

Ce roman nous fait aussi méditer sur notre façon d'appréhender le quotidien, méditer sur les valeurs, l'importance des interactions et tout simplement, sur le sens de la vie. Comprendre que sans l'autre on ne peut vivre, on ne peut avoir le goût de vivre, à moins d'être immunisé, un Terminator sans âme. Comprendre que sans l'autre on n'aurait pas autant conscience de nous-mêmes, de ce que nous sommes. Saisir l'importance de ces petits bonheurs du quotidien, la rivière glacée dans laquelle on plonge ses pieds, les étoiles dont on admire les scintillements, les constellations dont on invente des noms, la tomate qu'on a fait pousser dans le potager, notre chien (Jasper ou un autre) qui aura su nous faire nous sentir moins seul, et peut-être surtout l'autre pour qui on aura eu une pensée, un geste.
Ce roman ressemble à un poème qui nous ressemble et nous fend l'âme et nous réchauffe en même temps.
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C'est suite à une conversation avec Isidoreinthedark sur sa critique de « Céline » de Peter Heller que j'ai eu envie de lire de découvrir cet auteur en commençant par « La constellation du chien ».
Un grand merci pour cet échange, j'ai vraiment aimé ce roman, même si ce n'est pas un coup de coeur en ce qui me concerne.
*
Nous sommes aux Etats-Unis, neuf ans après une pandémie de grippe et une maladie du sang qui ont anéanti une grande partie de la population mondiale et un grand nombre d'espèces animales.

Hig, le narrateur de cette histoire, vit dans le hangar d'un terrain d'aviation abandonné, avec son chien, Jasper et un fanatique des armes à feu nommé Bangley.
Autant Hig n'est pas le genre d'homme à survivre, trop doux, trop rêveur, passionné de poésie, d'aviation et de pêche, autant Bangley n'a aucun scrupule à tuer et élabore même des stratégies pour ne pas être surpris par quelques maraudeurs.
Ce duo improbable fonctionne pourtant très bien, leurs différences étant un atout pour survivre.

« Nous sommes quand même divisés, il y a des fissures dans cette union. de principe. le sien : on est coupable jusqu'à ce que – rien. Tire d'abord parle après. Coupable, et puis mort. Par opposition à quoi ? Mon principe : laisser vivre un visiteur une minute de plus jusqu'à ce qu'il ait prouvé son humanité ? Parce qu'ils le font toujours. Ce qu'a dit Bangley au début : Ne jamais, jamais négocier. Tu négocies ta propre mort. »

Les survivants sont une menace très sérieuse.
Ce monde post-apocalyptique est très crédible.
*
Le style du narrateur est très original, révélant la personnalité attachante du narrateur.
J'ai été déstabilisée au départ, par l'écriture fragmentée et l'absence de ponctuation. Mais après quelques pages, je me suis habituée aux particularités du livre, qui, au détour d'une page, révèle des passages de toute beauté.

« Me suis arrêté une fois, j'ai tourné le visage en plein soleil, les yeux fermés, laissé la lumière cautériser mes larmes. Penché la tête un peu en arrière, un coyote à gorge déployée. »

A travers ce style « entaillé » et sobre, alternant présent et souvenirs, se dévoile un homme ordinaire, traumatisé, qui lutte au jour le jour pour sa survie.

« J'étais une coquille. Vide. Portez-moi à votre oreille et vous entendrez le ressac lointain d'un océan fantôme. le néant, c'est tout. »

Une vie de défiance, de suspicion, de vigilance.
Une vie avec ses moments de joie, de tragédie et de chagrin.
Une vie où les souvenirs de jours heureux comblent la solitude.
Au fil de ses pensées et de sa conscience, le lecteur apprend à le connaître.

« Impossible de métaboliser la perte. Elle est dans les cellules de ton visage, de ta poitrine, derrière les yeux, dans les méandres de tes entrailles. Muscle tendon os. Elle est toi tout entier. »

J'ai aimé ces flashbacks, ces larges digressions, en particulier les souvenirs de sa femme, de sa vie avant que tout bascule.
Beaucoup de non-dits, de phrases inachevées que le lecteur complète.
Une vie d'attente, une vie qui prend tout son sens au moment où la mort peut survenir à chaque instant.
Revenir à l'essentiel.
*
De magnifiques pages d'émotions, mes préférés.
De belles scènes d'amitié entre Hig et son chien Jasper, lesquelles sont tendres, douces, émouvantes, parfois aussi douloureuses et bouleversantes.
Loyauté, attachement, confiance.
Un rappel de la vie d'avant.

« Impossible de métaboliser la perte. Elle est dans les cellules de ton visage, de ta poitrine, derrière les yeux, dans les méandres de tes entrailles. Muscle tendon os. Elle est toi tout entier.
En marchant tu la propulses vers l'avant. Quand tu lâches le traîneau et que tu t'assois sur une branche morte et. Tu l'imagines se pelotonner à côté de toi sur un carré de soleil peut-être couché sur tes pieds. Pas très en forme. Puis elle s'assoit avec toi, la Douleur, passe son bras autour de tes épaules. C'est ta meilleure amie. Indéfectible. Et la nuit tu ne supportes pas d'entendre ta respiration qui n'est plus accompagnée d'une autre et sous le grand silence comme une partition, le rugissement torrentiel de tout ce qui vit et de tout ce qui est anéanti. Et puis. La Douleur est allongée à côté de toi, très près. Elle ne t'embête pas, ne fait pas même entendre le son de sa respiration. »

Autant j'ai adoré les moments apaisants, souvent poétiques où Hig part à la pêche avec son fidèle compagnon, autant je suis plus réservée quant aux passages sur le pilotage du vieux Cessna où j'ai décroché à plusieurs reprises. C'est vraiment le seul reproche que j'aurais à formuler. N'y connaissant rien en aviation, je ne me suis pas senti impliquée. Heureusement, ces passages sont assez courts.

De même, j'ai adoré les moments où Peter Heller évoque la beauté de la nature, même si le réchauffement climatique bouleverse le cycle des saisons.
Moments de quiétude.
Moments essentiels, vitaux.

« Je regardais les étoiles nager contre les mailles du feuillage. Pareilles aux poissons qui viennent flairer un filet. »

*
J'ai trouvé que les thèmes abordés sur la notion de temps, les comportements des hommes face à la peur, le deuil d'une ancienne vie, la mémoire et le souvenir, étaient très pertinents et bien exploités.

« Je ne peux pas vivre comme ça. Ne peux pas vivre du tout en fait. Qu'est-ce que j'ai foutu ? Neuf années à faire semblant. »

*
Il n'est pas nécessaire d'aimer les récits post-apocalyptiques pour apprécier ce roman.
Cette histoire apparaît appropriée à l'heure d'aujourd'hui avec la pandémie que nous vivons. Et puis, ce roman mélange habilement les genres, allant de la dystopie au thriller, en passant pas le nature writing et la poésie.
J'ai aimé ce récit dramatique, mais non dénué d'espoir ni de beauté.
Un récit qui invite les lecteurs à découvrir les autres romans de l'auteur. Ce sera mon cas, avec "la rivière", je pense.

« Quand serai-je chez moi ?
Quand serai-je chez moi ? Je ne le sais pas.
Dans les montagnes, par cette nuit pluvieuse
Le lac d'automne est en crue.
Un jour nous nous retrouverons.
À la lumière de la bougie près de la fenêtre qui donne à l'ouest.
Et je te dirai quel souvenir j'ai eu de toi
Ce soir sur la montagne orageuse. »
Li Shang-yin
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critiques presse (1)
Lexpress
01 juillet 2013
Mélange de roman postapocalyptique (à la manière de Je suis une légende) et de fable écologiste, La Constellation du chien montre la naissance d'une nouvelle étoile de la littérature américaine : Peter Heller. Alliant dans une écriture sans effets le récit d'errance et les souvenirs, il livre une émouvante ode à la nature. Tant qu'il y aura des truites...
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (124) Voir plus Ajouter une citation
Est-il possible d'aimer si désespérément que la vie en devient insupportable ? Je ne parle pas d'amour à sens unique, mais de ce qui suit le moment où l'on tombe dans l'amour, quand on baigne dedans et que l'on est saisi de désespoir. Parce qu'on sait qu'il finira, parce que c'est ce qui arrive. La fin.
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Nous étions au bord d’un petit bassin au-dessus de la cime des arbres et au fond se trouvaient des plaques de vieille neige et un petit lac récemment délivré de sa glace. Nous. Je. Il est possible de continuer ensemble. Pense ce que tu veux moi j’ai cette impression. Restant derrière, explorant les abords du sentier, le même mais invisible. Pas en tant que. Un lac comme un joyau serti dans un chaton de toundra touffue et d’éboulis abrupts, l’eau verte, de ce vert lumineux d’une pierre semi-précieuse qui ne s’excuse pas de l’être mais qui gagne en texture avec le vent. Et puis plus rien. La surface calme, lisse, polie en un instant, l’eau reflétant les nuages noirs qui s’amassaient et se déversaient de l’autre côté des crêtes comme des résidus pourris et soudain il a fait très froid et les flocons ont commencé à toucher la surface. Sans un rond dans l’eau, en silence, disparus. J’ai lâché la bride du traîneau. J’étais à cinquante mètres de l’eau. La neige plus lourde. Un écran blanc qui assombrissait l’air, accélérait la tombée du jour à la façon dont le feu rend la nuit plus profonde. J’étais cloué sur place. Le froid trop intense pour des mains nues et mes mains étaient nues. Les flocons se collaient à mes cils. Ils tombaient sur mes manches. Énormes. Des fleurs et des étoiles. Ils s’amoncelaient, gardaient leur forme, des petits tas d’astérisques et de fleurs parfaites en vrac comme des cubes d’enfants, selon leur géométrie discrète.
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Je me tenais à l’ombre de l’arbre dans l’air frais de la rivière et je laissais le son, la brise légère me traverser de leur souffle. J’étais une coquille. Vide. Portez-moi à votre oreille et vous entendrez le ressac lointain d’un océan fantôme. Le néant, c’est tout. La plus infime pression du courant ou de la marée pourrait me renverser, me chavirer. Je m’échouerais. Ici sur le rivage, je m’assècherais et blanchirais et le vent me décaperait et me durcirait, arracherait les fines couches de l’épiderme jusqu’à ce que je sois cassant, de l’épaisseur du papier. Jusqu’à ce que je m’effrite dans le sable. Voilà comment je me sentais. Je dirais que c’était un soulagement enfin de n’avoir rien, rien, mais j’étais trop creux pour assimiler ce soulagement, trop vide pour le porter.
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Moi j’étais doué. Je veux dire que j’ai vite eu l’intuition du terrain et de l’habitat, quasiment comme si j’avais grandi avec le Peuple Cervidé, j’étais calme, concentré sur la direction du vent et le crissement des brindilles qui glissaient sur la rayonne de mon sac, et les bruits de l’eau qui noyaient le reste, j’étais un expert de la traque, j’étais un très bon aide de camp et dès cinq heures du matin, je bondissais presque littéralement de mon sac de couchage dans le froid glacial de ce qui était encore une nuit de mi-novembre en montagne. J’adorais ça, et apparemment, je n’ai pas eu de problème pour viser la femelle élan, mais la façon dont elle a trébuché sur un éboulis quand j’ai tiré, dont elle a basculé vers l’avant et fait une culbute, et la façon dont son œil a brillé en me voyant et la façon dont elle a remué en vain les jambes sur le côté vers les rochers avant que pris de panique je ne lui mette une autre balle dans la tête, et que la vie ne s’éteigne dans son regard et quitte ses jambes, et plus tard encore la façon dont je l’ai apprêtée, le sang qui giclait sur le sol gelé et se mélangeait au lait chaud de ses mamelles encore pleines jusqu’à devenir rose -
Ça ne m’a pas plu. Je l’ai fait tous les ans pendant des années et j’adorais le reste y compris avoir de la viande d’élan dans le congélo, mais ça non. Même les insectes, je n’aime pas les tuer.
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Ce que j’aime le plus et ce depuis mon premier vol, c’est l’ordre, le sentiment que tout est à sa place.
Les fermes sur leurs parcelles carrées, les croisements à angles droits des routes de campagne indiquant les points cardinaux, les brise-vent projetant des ombres allongées vers l’ouest au matin, les balles de foin rondes et le bétail éparpillé et les chevaux aussi parfaits dans leur disposition qu’une pluie d’étoiles, leur robe qui accroche ce même soleil rougeoyant, les pick-up dans les cours, les rangées de mobile homes garés en épi, les lotissements dont les pavillons répètent les motifs anguleux des toitures éclairées de biais, le diamant des terrains de baseball et l’ovale des pistes de kart, et les casses, aussi, les lignes irrégulières de voitures rouillées et les tas de ferrailles aussi incontournables et charmants que les peupliers de Virginie suivant le tracé des rivières et lançant leurs propres ombres distendues. Le panache blanc par la cheminée d’une centrale électrique poussé vers l’est par le vent matinal, aussi pur que du coton lavé.
C’était au temps passé. De là-haut, il n’y avait plus misère ni souffrance ni conflits, simplement des motifs et la perfection. Le calme éternel d’un paysage peint.
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Vidéo de Peter Heller
(POUR AFFICHER LES SOUS TITRES CLIQUEZ SUR L'ICONE SOUS TITRES") Dans cette vidéo captivante, plongez dans le monde fascinant de la narration et du point de vue en littérature. Vous découvrirez des conseils inestimables de trois auteurs renommés : Peter Heller, Anne Enright, et Jan Carson.
00:00:10 - Peter Heller partage son expérience personnelle sur la gestion du point de vue des personnages, révélant comment il a abordé son premier roman et les choix délibérés qu'il a faits.
00:03:17 - Anne Enright dévoile sa méthode narrative unique, qui mélange habilement les perspectives pour créer des récits riches et complexes.
00:04:05 - Plongez dans l'univers créatif de Jan Carson, qui explore comment utiliser la perspective d'un enfant pour traiter des sujets profonds et captivants.
00:06:14 - Retrouvez Peter Heller pour une discussion approfondie sur la création de personnages authentiques, basés sur des personnes réelles, et découvrez comment cela enrichit ses histoires.
Si vous êtes écrivain en herbe, amateur de littérature, ou simplement curieux de connaître les secrets des auteurs, cette vidéo est une mine d'or d'informations sur la narration et la gestion du point de vue. Ne manquez pas ces précieux conseils pour améliorer vos compétences en écriture !
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Réalisé à la Villa Gillet durant Littérature Live Festival 2023 et aux Artisans de la Fiction. Interviews : Lionel Tran - Julie Fuster - Caméra : Lionel Tran -Montage : Ryu Randoin
QUI SOMMES-NOUS ? Les Artisans de la Fiction sont des ateliers d'écriture situés à Lyon. Nous prônons un apprentissage artisanal des techniques d'écriture et avons pour objectif de rendre nos élèves autonomes dans l'aboutissement de leurs histoires. Pour cela nous nous concentrons sur l'apprentissage et la transmission des techniques de base de la narration en nous inspirant du creative writing anglophone. Nos élèves apprennent en priorité à maîtriser : la structure de l'intrigue, les principes de la fiction, la construction de ses personnages… Nous proposons également des journées d'initiation pour vous essayer au creative writing et découvrir si cet apprentissage de l'écriture de fiction est fait pour vous. Retrouvez tous nos stages d'écriture sur notre site : http://www.artisansdelafiction.com/
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