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Critique de gabb


✱ D'un côté l'homme, l'illustre figure des Lumières : Rousseau.
✱ de l'autre un concept plus contemporain, celui de la "décroissance" (courant à la fois politique, économique et social qui fustige, comme chacun sait, la surconsommation de biens manufacturés et de ressources naturelles) dont wikipédia situe l'émergence autour des années 1970.
✱ Entre les deux, plus de 200 ans d'Histoire, des révolutions (industrielle, puis numérique), un monde en mutation accélérée et des virages idéologiques à n'en plus finir...

Pour relier l'un à l'autre, pour voir en Rousseau un "décroissant" de la première heure, il fallait donc de solides connaissances (sur le plan de la philosophie politique comme sur l'oeuvre du grand penseur) ainsi qu'une bonne dose d'imagination !
Heureusement, ce sont là deux des qualités de Cécile Hellian, qui dans ce petit livre évite en douceur l'écueil de l'anachronisme. Avec clarté, érudition et concision, elle donne à voir tout le génie visionnaire de Jean-Jacques Rousseau, lui qui sut percevoir déjà à son époque les conséquences sociales de l'accumulation causée par l'économie marchande, le goût du luxe, la soif excessive de progrès et la course au profit.
Il plaide à l'inverse pour un modèle centré sur l'agriculture, et propose de limiter drastiquement les échanges d'argent, l'exploitation des ressources naturelles, l'intensité des flux commerciaux et l'accumulation de biens inutiles dans laquelle il ne voit qu'une source d'injustices, de fatuité ou d'oisiveté malsaine pour les uns, de frustration ou de convoitise pour les autres, bref de malheur pour tous.

Loin pourtant d'apparaître comme un doux rêveur déconnecté des réalités économiques, l'auteur du "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" et "Du contrat social" démontre au contraire une parfaite maîtrise de son sujet !
Sur la base d'un argumentaire soigné et intelligemment commenté par Cécile Hellian, il met en garde contre les conséquences sociales du capitalisme préindustriel de son temps.
Le fruit de ses réflexions - qui portent aussi bien sur les notions de démocratie directe, d'écologie, de démographie ou de répartition équitable de l'impôt - est assez savoureux : il dessine un projet de société solide et très complet.

En s'appuyant sur différents extraits de ses oeuvres majeures, Cécile Hellian dresse donc ici le portrait d'un homme éloquent, convaincu et convaincant, comme put l'être un peu plus tard le grand philosophe naturaliste américain Henry David Thoreau avec qui il partage le même idéal de vie : simplicité, indépendance, liberté, attachement à la terre...

Lui qui se plaisait à rappeler que "les hommes ne peuvent asservir la nature aux besoins de l'économie", ou que "l'ordre du monde ne doit pas changer selon nos caprices", qu'aurait-il pensé de nos sociétés mondialisées, basées sur le culte de la compétitivité, sur des rapports de concurrence et d'hyper-productivité, et qui ont vu se réaliser nombre de ses funestes prédictions ?
N'avait-il pas raison de pointer du doigt, dès le XVIIIème siècle (!!!) les dangers de la surconsommation et d'une économie débridée, qui en plus d'épuiser les ressources fragilise le lien social ?
Est-il encore temps d'agir ?

Jean-Jacques Rousseau & la vie simple, c'est donc un petit bouquin qui pose de grandes questions !
C'est enfin un essai très accessible et très actuel, non moralisateur, qui nous invite à reconsidérer notre définition du progrès et nous livre un exemple édifiant : celui d'un philosophe de grand talent, l'un des premiers penseurs de l'écologie moderne.
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