Chacun erra seul, électron libre dans un univers de matière solide. Le cœur lourd, la tête pleine, le regard tourné vers l’intérieur.
Eleni imagina une vie de confettis sous un ciel étoilé, une terrasse fleurie donnant sur la tour Eiffel et soupira.
Elle ne partageait pas du tout l’émerveillement de Kouros devant le progrès. Elle avait plutôt l’impression que celui-ci s’insinuant de manière sournoise par tous les petits interstices de sa vie et la poussait vers les marges.
Pour les hommes de sa vie, la régularité absolue de l’alimentation constituait un rempart contre les aléas de l’existence. Comme si la mort ne pouvait faire sa sale besogne si l’on mangeait tous les soirs à neuf heures précises.
Rien de ce qui se passait dans les rues de la capitale naxienne n’échappait à l’attention de Katherina qui avait fait de la diffusion d’informations plus ou moins exactes une profession de foi.
Elle avait atteint ce moment de la vie qu’on se plaît parfois à appeler la force de l’âge, faute de mieux ou alors en guise d’encouragement. L’âge compressé entre des parents vieillissants et des enfants adolescents, l’âge flottant où les hommes ne se retournaient plus sur son passage et où les femmes ne lui enviaient plus rien. Mais Eleni n’était pas femme à déplorer des faits sur lesquels elle n’avait aucun contrôle.
L’imperfection du temple n’était donc pas à déplorer, mais conférait au contraire un étrange mystère à cette terre sévère posée sur la mer Égée.
-C'est un très beau jeu. Un des plus anciens du monde, dit-il évasivement. Le roi des jeux si l'on peut dire. Difficile, mais beau.