Un furtif rayon de soleil filtrant à travers une étroite fenêtre d'aération, faisait vibrer tout le tableau, et ce tableau était simplement un chef-d'œuvre ! En voit-on, comme cela, en voyage, de ces chefs-d'œuvre qui s'offrent à vous tout faits, qu'il n'y a, ce semble, qu'à cueillir, mais qui ne durent que ce que dure une sensation ! Le coup de lumière qui leur donnait l'accent et la vie s'en va soudain, comme en se riant de notre impuissance, ne nous laissant qu'une impression plus ou moins fugitive ; mais ces impressions ne sont pas moins une des plus délicates jouissances du voyage parce qu'elles restent tout idéales et ne connaissent pas les mécomptes de la réalisation.
Vous avez, entre les paysagistes, recherché les plus simples, les plus humblement épris des choses de la terre, c'est-à-dire en réalité les plus naïvement poètes. Le bon père Corot vous a traité comme l'un de ses enfants ; le brave Daubigny vous a, sans cachoterie, instruit de ses pratiques sincères et animé de ses vaillances. Vous avez suivi le délicat et maladif Chintreuil dans les sentiers humides et dans les aventures longtemps contestées de son pinceau aigrelet, et sur la valeur de cet obstiné, comme de ses seides, les Desbrosses, le temps et le goût des amateurs vous ont donné raison. Vous avez hanté cette école de Vaugirard, les Bonvin et les Villain, cette école qui, h la distance de 80 ans, reprenait avec bonhomie, mais sans nullement chercher le pastiche, les traditions de Chardin, et sa peinture large et franche, et sa tranquille et solide imitation du réel dans ses figures ou ses ustensiles familiers.