Certains biographes assurent que Boieldieu se rendait en Russie pour y exercer les fonctions de maître de chapelle de l'empereur Alexandre. M. Fétis dit seulement qu'il fut investi de ce titre après avoir franchi la frontière russe, et qu'un message du tzar le lui apporta. Les renseignements qui me viennent de sa famille m'autorisent à penser qu'il ne l'eut qu'après son arrivée à Saint-Pétersbourg. Au fond, cela importe peu, ce ne pouvait être qu'un litre honorifique, une sinécure, un prétexte à appointements.
Mais il n'est pas nécessaire d'aller chercher si loin l'explication des succès faciles et du bonheur à peu près constant de Boieldieu. Il avait une figure charmante, des manières naturellement distinguées, un caractère aimable, un esprit ingénieux et fin, un organe harmonieux et pénétrant; il n'avait donc qu'à se montrer pour plaire, et, partout où il se présentait, les femmes étaient immédiatement pour lui. On va vite, dans le monde, quand on est poussé par les femmes. Doux, poli, bienveillant, modeste, Boieldieu, probablement, n'a jamais blessé personne, malgré son mérite. On a retenu de lui quantité de mots spirituels et pas une épigramme. Je n'ai jamais ouï dire qu'il ait eu un ennemi. La plupart des hommes auxquels il eut affaire le servirent donc volontiers, et bien peu cherchèrent à lui nuire.