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Critique de jeff2u12


A l'époque où le livre est écrit (1943), le lynchage, sans être monnaie courante comme au début du siècle dans certains états, est encore pratiqué régulièrement et ne finira par devenir exceptionnel qu'après les lois votées dans les années 60 et notamment en 1968 après le meurtre de Martin Luther King. Comme le souligne Chester Himes ici, la Californie – ce roman se déroule à Los Angeles – a toujours été une exception sur ce point (2 noirs lynchés entre 1882 et 1968) mais la ségrégation, le manque d'égalité réelle dans les droits civiques pour les noirs restent la règle.

La façon dont l'engrenage est inévitable pour Bob, jeune contremaitre noir sur un chantier naval, qui oscille entre compromis - que lui conseille sa fiancée Alice, métisse de famille aisée - et révolte contre les humiliations quotidiennes, est très intelligemment mise en rapport avec les terreurs, complexes et haine du descendant d'esclaves. Cet équilibre peut rendre fou et les cauchemars de Bob, sa vie réelle et ses réveils angoissés finissent par s'entremêler inexorablement vers la chute finale – un peu maladroite à mon sens - raccrochant au récit l'exploitation des noirs comme chair à canon pour la guerre en Europe.

Chester Himes a mis beaucoup de lui-même ici, comme dans tous ses écrits : il a travaillé dans des chantiers de construction navale pendant la guerre et le personnage d'Alice est inspirée par Jean, sa femme à cette époque. de plus, même si Bob est objectivement libre de ses agissements, la menace omniprésente (« vous avez de la chance d'être en Californie, au Texas, on vous aurait lynché »), l'arbitraire de l'autorité blanche et la violence gratuite donnent au roman une atmosphère lourde, oppressante qui tend à l'univers carcéral – que Chester Himes a connu de 19 à 25 ans.

La lecture de l'excellente biographie de James Sallis parue en 2000 permet de mieux comprendre la thématique obsessionnelle des romans de Himes. Elle donne aussi des indications précieuses pour aborder l'oeuvre littéraire dans son ensemble qui promet d'être passionnante – sachant que c'est le premier roman que je lis de lui, en parallèle avec la biographie de Sallis.
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