Nous restâmes tous saisi par ce discours, et Devoir plus encore. Il me semblait l'entendre réfléchir furieusement tandis qu'il regardait fixement Burrich ; avait-il jamais songé avoir le pouvoir de faire un tel choix ? Ses yeux se posèrent sur chacun de nous tour à tour, puis il se leva. Son visage avait changé ; jamais je n'avais assisté à cela, jamais je n'avais imaginé qu'en un seul instant un adolescent pouvait devenir adulte. Je fus témoin de ce miracle ce jour-là. Il se pencha vers l'entrée de la tente. "Longuemèche !"
-S'il te plaît, Fitz...", protesta-t-il d'une voix défaillante, et il saisit mon poignet de sa main nue à l'instant où le bout de mes doigts effleurait sa joue.
Le choc de ce toucher mutuel m'aveugla une seconde, comme si, sortant d'une écurie obscure, j'étais passé brutalement de la pénombre au grand soleil. D'un sursaut, je m'écartai, lâchai le mouchoir plein de neige et clignai des yeux, mais ce que j'avais vu resta gravé sur l'intérieur de mes paupières. J'ignore comment j'étais parvenu à comprendre ce que j'avais aperçu ; peut-être l'explication résidait-elle dans le cercle clos que formait notre contact. Je repris mon souffle en tremblant puis, sans réfléchir, j'approchai la main de son visage , les doigts tendus.
"Je puis te guérir", lui dis-je, stupéfait, la respiration coupée par cette découverte.