Les premières guêpes s'effondrent, évanouies, sur l'appui de la fenêtre. Ce sixième été est passé si vite. Tandis que Garmann referme son sac, il sent un souffle frais traverser l'air. Du coin de l'oeil, il aperçoit la première feuille qui tombe du pommier. Avant de se coucher, il touche ses dents une dernière fois histoire de s'assurer que l'une d'elles ne bouge pas. Treize heures le séparent à présent de la rentrée des classes. Et Garmann sent des papillons noirs lui chatouiller le ventre.
Comment pourrait-on voir les papillons dans le ventre, sinon?
Tante Iseline a de nombreuses rides et de longs poils blancs sur le menton. Garmann se dit que les rides ressemblent aux cernes des troncs d’arbres. Du bout de l’index, il suit sur la peau blanche et fine de tante Iseline une veine qui lui court le long du dos de la main. Les aveugles lisent avec les doigts, songe Garmann. Il ferme les yeux. La peau lui fait l’effet d’une feuille de papier très fin. Tante Iseline se réveille en sursaut et remet son dentier en place. « Tu as été enfant, un jour ? » lui demande Garmann. Elle réfléchit longuement. Une libellule suspend son vol. Tante Iseline sourit. Elle dit : « Oui, il y a cent cinquante ans … » Puis elle pouffe et son rire secoue sa poitrine. »