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Citations sur L'idée du socialisme (8)

7. « Au sein du capitalisme dans sa version démocratique et libérale, le socialisme représente la tendance historique à supprimer progressivement les dépendances et les exclusions sociales en faisant valoir toujours et partout qu'il n'est pas encore possible, dans les conditions données, d'associer comme promis la liberté, l'égalité et la solidarité. […] Un tel socialisme ne peut se contenter de la perspective d'éliminer toute hétéronomie et toute aliénation dans la sphère économique, ne serait-ce que parce qu'il sait que la société moderne ne sera pas devenue authentiquement sociale tant que la contrainte, la manipulation et la coercition ont encore cours dans les deux autres sphères des relations personnelles et de la formation démocratique de la volonté. Relativement au sens théorique que les Pères fondateurs donnaient à leur propre projet, ce socialisme radicalement transformé veut à la fois plus et moins : d'une part, il ne peut se limiter, dans ses visions d'un avenir meilleur, à la seule perspective de socialiser le domaine de l'agir économique par des mesures appropriées, parce qu'il a compris entre-temps qu'il faut d'abord créer des conditions de liberté sociale aussi dans les relations affectives et familiales, non moins que dans les procédures de formation publique de la volonté ; mais d'autre part, à la différence de ses prédécesseurs, il ne peut dans ce projet s'appuyer sur un savoir concernant de supposées lois de l'histoire, et doit donc constamment redécouvrir, par des explorations expérimentales et des connaissances réajustées à mesure, ce qu'il convient de mettre en place dans les différentes sphères.
[…]
[…] C'est seulement quand chaque membre de la société sera en mesure de satisfaire les besoins qu'il partage avec chacun des autres en termes d'intimité physique et émotionnelle, d'indépendance économique et d'autodétermination politique, de telle sorte qu'il pourra dans cette attente compter sur la sympathie et l'assistance de ses partenaires, c'est seulement alors que notre société sera devenue sociale au plein sens du terme. » (pp. 138-140)
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Les sociétés dans lesquelles nous vivons sont marquées par une contradiction étonnante et difficile à expliquer. D’une part, le malaise dû à la situation socio-économique, aux conditions de vie et de travail, s’est considérablement accru dans les dernières décennies. On peut sans doute dire que jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, autant de gens ne se sont accordés pour dénoncer les conséquences sociales et politiques générées par la mondialisation effrénée de l’économie capitaliste de marché. Mais d’autre part, cette indignation massive semble dépourvue de toute orientation normative, de toute sensibilité historique pour le but auquel tendrait la critique formulée, de sorte que celle-ci reste étrangement muette et repliée sur elle-même. C’est comme si ce malaise envahissant était incapable de dépasser l’état de choses existant, et d’imaginer un état social au-delà du capitalisme. Cette dissociation de l’indignation d’avec tout objectif d’avenir, de la protestation d’avec toute vision d’un monde meilleur, est en effet quelque chose de nouveau dans l’histoire des sociétés modernes. Depuis la Révolution française, les grands mouvements d’insurrection contre l’ordre capitaliste avaient toujours été inspirés par des utopies qui dépeignaient la société du futur et montraient comment celle-ci devrait être organisée – il n’est que de penser au luddisme, aux coopératives de Robert Owen, au mouvement des Conseils ou aux idéaux communistes d’une société sans classes. Le flux de ces courants de la pensée utopique, aurait dit Ernst Bloch, semble aujourd’hui tari : on sait assez précisément ce dont on ne veut pas et ce qui est inacceptable dans les conditions sociales présentes, mais on n’a plus la moindre idée de ce à quoi devrait aboutir une transformation ciblée de l’état de choses existant.
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6. « Mais le socialisme ne s'est justement pas engagé dans cette voie consistant à construire aussi les relations personnelles à l'aide du concept de liberté sociale, pour en tirer un principe spécifique susceptible d'inspirer des mesurer destinées à améliorer la condition des femmes. Tout comme il s'était montré aveugle au contenu rationnel des objectifs républicains, il resta insensible à l'objection déjà soulevée à l'époque par le mouvement des femmes, pour lequel instaurer l'égalité devait d'abord signifier créer les présupposés nécessaires d'une expression non contrainte d'expériences authentiquement féminines [...] » (p. 115)
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5. « Certes, le marché capitaliste offre aujourd'hui une image qui semble à nouveau confirmer très exactement toutes les prédictions de Marx. Non seulement l'ancien prolétariat industriel et le nouveau prolétariat des services ont perdu toute perspective d'emploi stable dans des conditions socialement protégées, non seulement les rentes du capital rapportent plus que jamais, de sorte que la différence de revenus entre les quelques nantis et la masse de la population s'est vertigineusement creusée : de plus en plus de secteurs publics ont aussi été entre-temps soumis au principe de rentabilité économique, de sorte que le pronostic d'une "subsomption réelle" de tous les domaines de l'existence au capital semble se réaliser petit à petit.
Cependant, il n'en a pas toujours été ainsi dans l'histoire de la société capitaliste de marché, et il n'existe aucune nécessité historique qu'il continue à en être ainsi à l'avenir. […]
[…] Trois modèles sont en principe disponibles pour construire une […] relation horizontale entre des acteurs soucieux d'agir les uns pour les autres et d'une manière complémentaire : il y a d'abord le marché, tel que le concevait Adam Smith quand il voyait dans la loi de l'offre et de la demande l'effet d'une "main invisible" […] Puis il y a la vénérable vision d'une "association de libres producteurs", qui signifie manifestement que les individus en état de travailler organisent et administrent d'une manière autonome la vie économique dans le cadre d'une société civile capable de s'imposer un autocontrôle démocratique. Enfin, nous pouvons nous représenter l'exercice de la liberté sociale sur le terrain de l'économie au sens où les citoyens, par une décision démocratique, chargent un organe étatique de diriger et de surveiller le processus de reproduction économique dans l'intérêt du bien-être collectif. » (pp. 82-83)
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4. « En situant toute liberté, bonne ou mauvaise, dans le seul champ de l'activité économique, les socialistes s'interdisent brusquement, sans bien s'en rendre compte, de penser aussi en termes de liberté le nouveau régime fondé sur une négociation démocratique des objectifs communs. Avec pour conséquence que non seulement ils ne disposent plus d'un concept suffisant de la politique, mais qu'ils perdent également de vue l'aspect émancipateur de l'institution des droits libéraux égaux pour tous. » (pp. 53-54)
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3. « C'est dans cette conception holiste, consistant à envisager non pas la personne individuelle mais la communauté solidaire comme porteuse de la liberté à réaliser, que le mouvement socialiste prit sa source. Toutes les mesures, bonnes ou mauvaises, que ses partisans inventèrent par la suite pour remédier aux maux existants, visaient finalement à créer une telle communauté, dont les membres se compléteraient mutuellement et se traiteraient en égaux. Du reste, cette fidélité au cahier de revendications de la Révolution française avait d'emblée été une source d'embarras pour la critique bourgeoise, qui pouvait difficilement récuser comme injustifiés les objectifs du mouvement. […]
C'est pourquoi les reproches de collectivisme ou d'idyllisme communautaire ont jusqu'aujourd'hui quelque chose de creux, parce qu'ils semblent oublier délibérément que les principes de légitimation des sociétés actuelles comportent toujours, outre l'idée de liberté, certaines représentations, certes très vagues, de la solidarité et de la fraternité. » (p. 44)
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2. « Avec un peu de bonne volonté herméneutique, on pourrait dire que les trois grandes mouvances protosocialistes ont découvert une contradiction interne dans le catalogue des principes de la Révolution, découlant du fait que la liberté réclamée n'est envisagée qu'en termes juridiques ou individualistes. C'est pourquoi elles s'évertuent toutes, sans en avoir encore clairement conscience, à élargir la conception libérale de la liberté de manière à la rendre compatible avec cet autre objectif que constitue la "fraternité". » (p. 29)
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1. « L'étendue de ce que les hommes considèrent à chaque époque comme "inévitable", et donc comme objectivement nécessaire, dans l'ordre social, dépend largement de facteurs culturels et, en l'occurrence, surtout de l'influence de schémas politiques d'interprétation capables de montrer que ce qui paraît nécessaire est en fait modifiable par une action collective. […]
Mais de telles réflexions nous incitent d'autant plus à nous demander pourquoi tous les idéaux classiques, jadis si influents, ont aujourd'hui perdu leur puissance de dévoilement et de déréification. Plus concrètement : pourquoi les visions du socialisme n'ont-elles plus, depuis longtemps déjà, le pouvoir de convaincre les personnes concernées qu'aux situations apparemment "inévitables" il est néanmoins possible de remédier par des efforts collectifs ? » (p. 21)
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