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Critique de LoupAlunettes


La petite Betsy dormait enfin du sommeil des justes.
La fièvre l'avait abandonnée enfin à la quiétude et c'était sans doute un moindre réconfort pour Kitty.
Ses yeux tombèrent dans un élan de lassitude sur les ourlets séchés par la boue de sa robe fatiguée.
Kitty Grey se prie à repenser à ses petits tabliers impeccables, aux bouffées chaudes qui se dégageaient des mufles des braves bovines qui lui donnaient du bon lait, à sa vie simple, au baratte de beurre frais, à Miss Alice et Miss Sophia, les filles de ces employeurs, dans leur accoutrement ridicule de belles laitières pastorales pour un spectacle vivant.
Les yeux de Kitty se reposèrent de nouveau sur Betsy.
Miss Alice ne verrait pas venir l'ouvrage de cette auteure en vogue qu'elle lui envoya chercher, « Orgueil et Préjugés » avait-elle retenu. Elle sera furieuse.
Que penseront Ms Bonny et Mr. Griffin en ne la voyant point revenir ? C'était une bonne fille, une bonne employée. Point une voleuse ni encore même une criminelle.
Mr Holloway, celui qui lui offrit un emploi de laitière et de vendeuse, ici, à Londres, se porta caution de sa bonne moralité.
Will, le grand frère de Betsy lui manquait terriblement à la petite. Elle pleurait souvent. Il lui manquait, à elle, encore plus.
Rien de leurs projets de fiançailles et d'avenir ne s'était déroulé comme elle l'avait prévu depuis la disparition soudaine du jeune batelier
Certains s'étaient moqués de la pauvre fille trop naïve, d'autres compatissaient à cette mésaventure dénuée de sens et de la charge lourde qui lui échu indubitablement.
Kitty, nullement prête à un rôle de mère, prit malgré elle la charge de la petite fille de cinq ans. Et, pour lui avoir offert une chambre chaude afin de réchauffer les pauvres os d'une Betsy malade, jetant alors les pieds d'une vieille chaise toute de guingois dans la cheminée de leur logement investi par le froid, Kitty se retrouva dans une cellule pleines d'autres femmes, condamnées pour des crimes divers, certaines aussi accompagnées d'enfants.
« Will, Will, où est-tu? »

: Fort est de constater que les titres chez l'éditeur « Les Grandes Personnes » paraissent souvent orientés sur des thèmes graves et rudes, et pourtant, quel plaisir de lecture à chaque fois. le choix éditorial-et probablement une bonne traduction » enchante ce site, les lectures de cette édition déjà abordées sont autant captivantes, émouvantes qu'elles sont dramatiques dans le sujet de départ.
La couverture signée Pierre Mornet, apporte un ton mélancolique, romanesque et mystérieux, bien connu de l'illustrateur lui-même et qui colle parfaitement également à l'époque du récit, le XIX ème siècle de Jane Austen.
Entendez « l'infortune de Kitty Grey », jeunes ados lecteurs.
Dès les premières pages, nous entrons de plein pied dans un tableau de maître où chante l'insouciance et la légèreté d'un quotidien ordinaire et tranquille. Nous suivons une chronique de maison bourgeoise et faisons connaissance avec la jeune Kitty Grey. le décor est planté. Les descriptions du quotidien de laitière de Kitty contrastent de fraîcheur et d'insouciance avec ce qui suit dans la seconde partie du roman. Pour ne pas trop en dire, Kitty découvrira une réalité, à Londres toute différente, dure, dangereuse parfois, où il faut jongler de bonnes opportunités ou de mauvaises astuces pour survivre. Ce pouvait-il qu'il existe autant de décalage? Ceci, elle n'aurait pu le deviner. Mary Hooper dessine une héroïne crédible, d'une beauté et intelligence moyenne, qui a évidement peu d'expérience de vie avec l'extérieur de son entourage. Elle est très loin d'être sotte, sérieuse au travail et a bon coeur.
Déjà l'héroïne avait-elle déjà une perception de son monde vu par les jeunes lady Alice et Sophia dont la risée populaire de leur cercle bourgeois représentait la honte et le malheur en soit. La mise en place de la petite performance poétique et du tableau vivant des laitières était bien loin de la vie qu'elle connaissait, le manque de recherche d'authenticité prêtait régulièrement à sourire et Kitty jouait le jeu de conserver intacte la petite bulle onirique. Là où d'autres se seraient offusqués de cette représentation grossière du monde populaire, Kitty rend juste grâce aux bons traitements d'employeurs honnêtes et respectueux.
C'est un théâtre bien différent qui s'ouvre à elle en arrivant à Londres, pensant retrouver la trace de Will , l'amoureux disparu, sur l'excuse de l'achat de l'ouvrage très prisé.
Malgré toutes ses mésaventures et elles ne manquent pas, la jeune Kitty reste forte, travailleuse, intègre dans ses tâches et ces parties du récit permettent aux lecteurs de découvrir encore d'avantage les pratiques professionnelles de son métier de laitière, des goûts de certains citadins et des petites astuces d' « arrière-boutique » assez étonnantes. Nous supposons peut-être que l'auteure s'appuie de quelques recherches sérieuses sur la société de l'époque.
C'est un vrai récit initiatique, Kitty entre dans la vraie vie d'« adulte » par la force des événements. Elle découvre la difficulté inhérente d'être « maman » et l'émotion est forte, grandissante en tournant les pages. Que va t'-il lui arriver? Retrouvera t-elle son fiancé étrangement disparu ?
La jeune fille, les fers aux pieds, la petite dormant avec elle dans la cellule nous indigne évidement pendant la lecture et l'auteure sait nous ferrer pour maintenir notre attention et nous faire aller jusqu'au bout de l'histoire.
L'écriture est belle, jamais dans un pathos, les situations seules impliquent d'inviter les petites larmes au coin des yeux, une « Petite fille aux allumettes » d'Andersen en version roman à découvrir. Les fans de Mary Hooper qui auront dévoré la série de « La Maison du magicien » chez Gallimard Jeunesse, des titres chez « Les Grandes Personnes » comme « Velvet » se régaleront sans contestes.
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