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Critique de ASAI


ASAI
11 novembre 2021
Emouvant, sensible, léger tout en étant profond (oui je sais cela peut paraître paradoxal, l'abord est léger, la réflexion est profonde).
On pourrait dire "encore un roman sur la guerre, la première", "encore un récit sur les soldats, les gueules cassées", "encore une histoire sur les veuves et les orphelines". Certes, on pourrait le dire. Sauf qu'on passerait à côté d'un roman remarquable à plusieurs titres.
D'abord, il s'agit d'une jeune écrivaine anglaise qui aborde ce sujet. Et évoque ces milliers de "tommies" embarqués pour la Somme (surtout), tombés dans la boue de cette région de la France.
Ensuite, ma sensibilité et mon émotivité ont été singulièrement éveillées car j'ai commencé cette lecture, par un complet hasard, un 10 novembre, je l'ai achevée un jeudi 11 novembre 2021, et que le roman se déroule sur cinq jours, du dimanche 7 novembre au jeudi 11 novembre 1920.
La construction de ce roman est intelligente et subtile.
Sans tout raconter, nous suivons au départ trois femmes, Evelyn, trente ans, fiancé mort au combat, frère revenu mais traumatisé, Ada, cinquante ans, fils mort au combat, et Hettie. Nous sommes donc en novembre 1920, et le Royaume-Uni va accueillir le "soldat inconnu", ramassé en France, dans la Somme, et en grandes pompes, ramené jusqu'à Londres. Cet aspect de la mémoire, de sa mise en scène, de sa célébration, est particulièrement intéressant, délicatement abordé, car sans jamais appuyer, donc avec la légèreté d'un tulle, la romancière touche un point important de comment on garde un souvenir, comment on rend hommage, comment on respecte ces combattants qui au cours de leur "mission" sont restés des humains avec leur faiblesse. Elle croise le devoir, la morale et l'amour, la fraternité, grâce à ses personnages, dans un style pur, direct, sans sensiblerie, avec réalisme, ce qui rend la lecture semblable à celle d'un roman policier. Mais ici, nous ne courons pas après un criminel, nous poursuivons un apaisement, qui aurait dû suivre la signature de la paix. Nous nous attachons donc à ces trois personnages principaux puis viennent des figures très attachantes, toutes cherchent cet apaisement, qui passe par l'éclatement de l'indicible de cette guerre, de ses crimes (les exécutions pour les "faibles"), l'horrible culpabilité des survivants mutilés mais ils ont survécu et pourquoi eux, de l'atroce misère physique et morale dans laquelle ces revenants sont plongés alors que tout le monde veut oublier. Anna Hope a su organiser tout cela dans ce roman, concisément, sobrement, avec un petit ton narquois (très léger) afin de montrer la contradiction (la dystopie) entre les discours officiels et la réalité des "gens".
Extrait : ""Quand viendra l'heure du crépuscule, nous nous souviendrons d'eux".
"Non.
"Je me souviendrai de vous quand je bourrerai ma pipe.
"Je me souviendrai de vous quand je lèverai ma chope.
"Je me souviendrai de vous dans les bons jours comme dans les mauvais. Dans la lumière de l'été, je me souviendrai de vous."
Je venais de terminer cette lecture, je me suis rendue à la cérémonie du 11 novembre, quelques enfants ont lu des lettres de soldats vivant les combats, puis notre maire a lu le discours officiel. Sans commentaire. C'est ce que Anna Hope a aussi voulu nous dire : le discours des gouvernants qui mettent en spectacle la souffrance des gens qu'ils ont eux, envoyé, à la boucherie, et "le chagrin des vivants".
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