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Critique de Tlivrestarts


C'est la 100ème chronique de la catégorie "Mes lectures" sur le blog, ça se fête non ? Et en beauté s'il vous plaît, avec un coup de coeur ! Encore un 1er roman qui fait partie de la sélection des 68 premières fois.

L'histoire se passe en Tchécoslovaquie. Magdalena est une jeune femme, elle est employée avec Jan dans une ferme. Sa mère, Marie, découvre très vite la grossesse de sa fille. Elle est gynécologue et sait très bien repérer les signes avant-coureurs chez une femme. Magdalena n'est pas mariée, nous sommes dans les 1940. Elle décide de garder l'enfant. Il est le fruit d'une nuit d'amour avec le fils du patron, Josef, étudiant à Vienne. Ça sera un bâtard, comme elle !

Je ne vous en dit pas plus sur ce roman particulièrement dense sinon que :

Ce roman est dédié aux femmes, à une lignée de femmes dont les vies sont chahutées par les hommes.

Depuis Marie, en passant par Magdalena, Libuse et Eva, ce sont 4 générations de femmes qui sont embrassées par ces « Giboulées de soleil », et pas n'importe quelles femmes… des femmes qui ont de la personnalité, des femmes qui revendiquent la liberté.


Je voudrais que ma fille puisse aussi faire son choix, qu'on ne lui impose pas celui des autres. P. 118

La liberté de mettre au monde un enfant de père inconnu aussi ! Elles le font au nom de l'amour. La relation, aussi fugace soit-elle, mérite le respect. Quand certains y voient une malédiction, elles l'affichent comme une certaine identité familiale et en sont fières. Chapeau !

Ce roman, c'est l'Histoire d'une nation, celle de la Tchécoslovaquie depuis sa création jusque dans les années 1980. Il y a l'annexion nazie et la répartition des territoires, il y a la montée du communisme avec le transfert des propriétés, la création des coopératives, et enfin l'hégémonie soviétique.

Ce roman parle de la mémoire, des souvenirs, du poids des secrets, des non-dits.


Je voudrais pouvoir raconter à ma fille une belle histoire d'amour, aussi courte qu'elle ait été. Parce que c'est ça que je vais faire, parler à ma fille, tout lui dire, lui conter ma nuit, décrire son père, le nommer. Il faut qu'elle sache. Ce sont les blancs dans nos vies qui nous font souffrir, je le sais. P. 91/92


Et pour que la mémoire se perpétue, il faut des passeurs, des personnes qui acceptent de jouer le rôle de relais :


Si la dame ne nous avait pas parlé de lui, il serait totalement mort, et il serait mort le jour de sa mort à elle, définitivement, irrémédiablement. Pour la première fois, j'ai ressenti physiquement le poids de la mémoire. P. 267/268


Ce roman parle du pouvoir des rêves. Ces femmes avaient une vie difficile mais elles avaient aussi cette capacité à s'en émanciper pour s'offrir d'autres horizons…


Rêver transforme une femme de presque soixante ans avec un derrière et un foulard sur la tête en une jeune femme belle, les yeux pleins d'étoiles qui s'illuminent plus fort que celles accrochées dans le ciel d'une nuit sans lune. P. 136/137


Ce roman fait enfin la part belle à l'art.

Il y a celui de la broderie qui y est abordé avec raffinement. Encore une affaire de femmes et tellement haute en couleurs !

Et il y la littérature. Il y a cette référence à l'oeuvre d'Alexandre DUMAS « La Dame aux camélias », et puis, la bibliothèque de Madame Gabriela, un petit coin de paradis dans lequel chacun voudrait pouvoir s'y faire une place !


Les deux pièces que la dame occupait débordaient de livres, si bien que pour nous asseoir il fallait libérer les deux chaises en construisant de nouvelles piles de livres sous la fenêtre, après avoir poussé de nombreuses autres pour faire de la place. P. 265


Je peux vous assurer également que ce roman est le fruit d'une plume remarquable. Il l'est d'autant plus qu'il est écrit en français par une écrivaine d'origine tchèque. Une magnifique prouesse quand on voit la qualité de la prose. Elle justifie ainsi sa démarche : « Je ne pouvais exprimer qu'en français ce qui reste indicible dans ma langue maternelle. » Et elle le fait avec talent, chaque mot est posé, ce qui donne au propos une très grande profondeur.

Si j'avais conservé ce livre, je crois qu'il aurait fait partie de ces livres hérissons, de ceux qui regorgent de marque-pages comme autant de citations que je voudrais garder en mémoire. Il est truffé de petites perles sur les femmes, le bonheur, la normalité…

A bien y regarder, la lecture de ce roman a été pour moi un moment de grâce comme Lenka HORNAKOVA-CIVADE les décrit si bien :


Les moments de grâce sont de cette nature, furtifs, insaisissables. Il faut avoir foi en eux, et en leur existence, si brève qu'elle laisse une trace amère dans tout le corps. Cette sensation, cette nostalgie est bien la preuve de leur existence. P. 15


Giboulées de soleil de Lenka HORNAKOVA-CIVADE
C'est un coup de coeur quoi ! Je suis déjà nostalgique de devoir le laisser repartir…
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