Les Frères Diamant, Tome 2 : L'ennemi public n° 2

Personne ne contestait avec M. Palis. Sauf si vous vouliez passer le restant de la journée à copier l’infinitif, le participe passé et autres conditionnels du verbe contester.

Noël Harvey St. John Palis me déplut dès la première seconde. Les professeurs de français ont quelque chose de bizarre. Si j’en crois mon expérience, ils ont tous des pellicules, une mauvaise haleine, ou bien des noms idiots. M. Palis, lui, était affligé des trois, et si vous ajoutez à cela le fait qu’il mesurait seulement un mètre soixante-dix, qu’il avait une bedaine de buveur de bière, un Sonotone et des poils dans le cou, vous comprendrez qu’il n’ait jamais remporté un concours de beauté, et encore moins le titre de Monsieur Univers.

Il n’enseignait dans mon collège que depuis trois mois, si toutefois l’on peut appeler enseigner son usage très personnel des brimades et des sarcasmes. Quitte à être mené à la baguette, j’en apprends davantage d’une baguette de pain français. Je me souviens du premier jour où il entra dans la salle de classe, l’air important. Il ne marchait pas. Il balançait ses jambes en avant comme s’il avait oublié qu’elles étaient attachées à ses hanches. Ses pieds arrivaient les premiers, et le restant de son corps s’efforçait de les rattraper. Ce premier jour, donc, il inscrivit son nom sur le tableau noir. Du moins le dernier tronçon de son nom.

« Mon nom est Palis, dit-il. Prononcez “Pali”. P-A-L-I-S. »

Chacun comprit aussitôt que nous avions tiré le mauvais numéro. Il n’était pas là depuis trente secondes qu’il avait déjà écrit, prononcé et épelé son nom. Un peu plus et il nous le ferait broder sur nos uniformes ! Dès cet instant, les choses ne firent qu’empirer. Il considérait la moindre erreur comme une insulte personnelle. Si vous épeliez mal un mot, il vous le faisait écrire cinquante fois. Si vous prononciez mal une phrase, il vous accusait de torturer la langue. Et c’est lui qui ensuite vous torturait. Tordre les oreilles était sa spécialité. Avec lui, les genres grammaticaux français devenaient un cauchemar. Les temps n’avaient jamais été plus tempsdus.

Après quelques mois de M. Palis, je ne pouvais plus regarder une carte de France sans fondre en larmes.