Pamela

Je sais pour papa et elle. Et elle sait que je sais et je sais qu'elle sait que je sais. Pourquoi en parle alors ?

page 86

Ce qui compte, c’est le français. Car c’est une vérité universelle, toute jeune fille bien née se doit de parler français, et Paris est la capitale suprême de l’élégance. On y vit, on y danse, on y chante et on y bâtit des légendes. Hemingway s’amourache de Gertrude Stein, à moins que cela ne soit le contraire. Un macho et une lesbienne, il n’y a qu’à Paris qu’on peut imaginer pareil assemblage. Il semblerait que la copulation n’ait jamais eu lieu, Alice Toklas veillait au grain. Fitzgerald défraie la chronique avec une danseuse. Mais non, c’est sa femme ! Ils ont les yeux qui puent l’alcool. C’est la confusion des sexes, la vodka s’avale cul sec, Kiki de Montparnasse est droguée au dernier degré, mais les artistes, Pamela s’en fiche, sa culture passe d’abord par l’argent.

On dit qu’en Floride les gens ont de l’argent, des voitures de toutes les couleurs, les femmes s’habillent de façon tapageuse et portent des bas en nylon, c’est vrai ! Chez les Kennedy, il y a trois règles essentielles. La première, on naît catholique, on épouse catholique, on meurt catholique. La deuxième, on naît dans la politique, on épouse la politique, on meurt à cause de la politique.

Le désir est palpable, le doute se mêle à l’érotisme, l’envie à la peur. Il la trouve éblouissante. Ses yeux noisette sont étirés comme ceux des biches, ses cheveux roux forment un contraste avec sa peau laiteuse, son nez est retroussé, pointu, couvert de taches de rousseur, elle est insolente et charnelle. Cette fille est un péché, il est muet d’admiration. Elle a dans le regard une douceur conquérante.

Les barrières tombent, on savoure l’instant présent, on est vivant. Comme c’est étrange, Londres est devenu un véritable jardin d’Éden, les femmes se pressent contre les hommes qui passent. L’amour est dévoreur et le désir vengeur.

Pamela sait y faire avec les hommes. L’exubérance de sa chevelure rousse, la langueur de sa voix et son sourire malicieux feraient dresser une assemblée de cardinaux.

Une femme est traitée comme une enfant jusqu’à temps qu’elle soit mariée.

Les gens ne sont jamais contents. Écrasé par la personnalité paternelle, Randolph sort énormément, boit comme un trou, il a l’alcool mauvais, il joue, perd des sommes astronomiques, son père comble ses dettes discrètement. Les femmes ne sont pas franchement attirées par cet homme à la dérive, ce garçon boursouflé qui a perdu son regard d’ange et tousse en postillonnant à trois cents mètres. Sexuellement boulimique, il saute sur tout ce qui bouge, c’est l’homme de la quantité. Mais il tient absolument à se marier avant de mourir à la guerre

Pamela sait parfaitement donner de l’importance à un homme. Qu’il se sente utile. Un vrai guerrier, une barricade entre elle et le monde. En a-t-elle besoin ? Elle le lui fait croire. Il la protège, il est heureux, il se sent essentiel, oh oui il existe ! Pamela fourmille d’idées pour occuper ses journées et celles de son amant.

Elle minaude, ses manières sont gracieuses. Elle est dorée comme une pêche mûre, son visage est couvert de taches de rousseur, le creux de ses seins aussi. Elle joue divinement de sa chevelure incendiaire, ses yeux noisette pétillent et ses éclats de rire mettent en valeur son ardente féminité. Ils sortent énormément, vont à l’opéra, visitent Notre- Dame et les galeries du Louvre.