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EAN : 9782246831563
140 pages
Grasset (14/09/2022)
  Existe en édition audio
3.78/5   359 notes
Résumé :
L'étau des obsessions identitaires, des tribalismes d'exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l'idée d'un " purement soi " , et d'une affiliation " authentique " à la nation, l'ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d'après l'auteure, une clé d'émancipation : Emile Ajar.
Cet homme n'existe pas... Il est une entourloupe littéraire... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (88) Voir plus Ajouter une critique
3,78

sur 359 notes
Commenter une pièce de théâtre en ayant seulement lu son script incite nécessairement à la prudence car le lecteur, privé du jeu des acteurs, des décors et surtout de l'ambiance de la salle et des réactions des spectateurs, ne voit que la partie visible de l'iceberg …

Il n'y a pas de Ajar commence par une méditation sur le binôme Romain Gary / Emile Ajar et s'interroge sur le Compagnon de la Libération, prix Goncourt 1956, qui se réincarne vingt ans plus tard en Romain Gary en trompant la critique avec la complicité de son petit cousin Paul Pavlowitch. La vie de l'aviateur de la France Libre est une épopée qui fascine à juste titre Delphine Horvilleur et son suicide interpelle le Rabin.

Commence alors la seconde partie, le « monologue contre l'identité », où Abraham Ajar disserte sur ce mot d'identité et livre un festival de questions, de formules à l'emporte pièce, de jeux de mots qui doivent combler les spectateurs de la pièce.

Mais, à aucun moment la tragédienne, la philosophe, ne définit ce qu'est l'identité et le monologue part dans tous les sens en se complaisant dans la tonalité « en même temps » à la mode chez les communicants et certains politiques.

D'où une certaine déception, car ne pas définir, ne pas rappeler, ce qu'est l'identité, laisse le champ libre aux apôtres de la « théorie du genre » qui après avoir tué le sport féminin relativisent l'âge d'une personne en ouvrant ainsi la voie à la pédophilie, et en confondant nature humaine et nature animale plaident pour la légalisation de la zoophilie.

Si l'identité n'existe pas, si chaque personne peut se définir comme elle l'entend, si chacun peut ainsi se prendre pour un dieu, la vie en société devient impossible ce qui nous condamne inexorablement au suicide.

« Il n'y a pas de Ajar » est peut être l'ultime cri de Romain Gary se tirant une balle sur son identité ?
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En russe, Gary signifie « brûle » et Ajar « braise », en plus d'être le nom d'actrice de la mère de l'écrivain. Mais, par un étrange hasard (décidément) des mots, ils évoquent aussi « l'étranger en moi » et « l'autre » (Ah'ar) en Hébreu, sonnant ainsi étonnamment propitiatoires pour un auteur qui a su si bien refuser les limites de l'identité unique et se réinventer si génialement multiple.


Sa passion littéraire pour ce surdoué de la métamorphose de l'identité a inspiré à Delphine Horvilleur une fantaisie originale, dont chaque trait d'humour est un coup de griffe aux clivages communautaristes, notamment entretenus par le sectarisme et le fondamentalisme religieux. Jouée sur les planches dès sa sortie, cette « farce théâtrale » donne la parole à un personnage fictif, Abraham Ajar, qui, fils d'Emile Ajar, revient dans un monologue sur le janusisme de son père et nous interpelle sur les menaces identitaires qui fleurissent aujourd'hui.


« Nous sommes », dit-il, « esclaves des définitions figées et finies de nous-mêmes, de nos origines, de nos ancrages, de nos assignations ethniques ou religieuses ». Avec une verve pleine d'esprit et de savoureux jeux de mots, il évoque la « folie littéraire » qu'est l'histoire d'Abraham dans la Bible, la circoncision qui fait des juifs des « presque », le sang impur de la Marseillaise qui « coule dans nos veines, même dans celles du pauvre type qui se raconte que son monde est bien propre, aseptisé et hygiénique à souhait », la transmission épigénétique qui prouve que « l'origine, ça ne compte jamais autant que ce qui t'arrive en route »… Il raille les juifs qui ne peuvent prononcer le nom de « vous-savez-qui », ceux qui, « hyper-connectés à la volonté de Dieu », « savent parfaitement te l'interpréter comme s'ils faisaient partie de Sa garde rapprochée » et, parce qu'« ils croient dur comme fer qu'ils sont qui ils sont, et que leur croyance est la bonne » crient très fort à leur seule vérité tout en adoptant le comportement de l'idolâtre « qui croit que Dieu s'intéresse vraiment à ses problèmes, qu'il peut lui demander de l'argent, du succès ou un vélo électrique, du moment qu'il ne le vexe pas et le caresse avec ferveur dans le sens du poil ». Et de s'interroger : « de qui se moque-t-on ? »


Ironique, volontiers provocateur, mais jamais moralisateur, le texte pointe les mille étroitesses et incohérences hypocrites de nos sociétés, anciennes ou modernes, qu'il s'agisse par exemple de racisme mais aussi d'objection à l'appropriation culturelle. Il s'élève contre ceux qui rejettent l'altérité au nom d'une prétendue pureté, ou d'une soi-disant vérité divine, dont ils auraient l'apanage et qui leur donneraient jusqu'au droit de tuer. Et sur le modèle de Gary/Ajar, il nous pousse à sortir de nos carcans identitaires pour toujours nous réinventer, à nous ouvrir à l'autre plutôt que de rester figés dans de rigides et subjectives certitudes, soulignant le rôle essentiel de la littérature dans la construction de ces échanges et de cet enrichissement.


Brillant, drôle, irrésistible tant il fait mouche sans jamais se prendre tout à fait au sérieux : voici un petit bijou de plaidoyer pour l'ouverture d'esprit et la tolérance, à l'opposé de la bêtise, de l'obscurantisme et du fanatisme, qui conforte le classement de Delphine Horvilleur en tête de mes personnalités préférées. Coup de coeur.

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A partir de la fascination pour le seul écrivain qui a pu obtenir deux fois le prix Goncourt , par un subterfuge qui suscite à la fois l'indignation et l'admiration, Delphine Horvilleur nous parle de l'identité, de ce qu'elle signifie et de ce qu'elle implique. À partir de nombreux parallèles et des coïncidences (construites, tout de même), elle revient sur la relation intellectuelle privilégiée qu'elle entretient avec celui qui a osé se réinventer, et qui aurait pu le faire incognito si son talent n'avait pas été suffisant pour mériter une deuxième récompense !

Suit une réflexion courte mais vivante sur la notion d'identité , sur la judéité, l'intégrisme, le racisme et même l'épigénétique.

C'est brillant, éclectique mais guidé par une idée centrale de tolérance.

Ce court texte a été l'occasion de découvrir l'écriture cette autrice très médiatique , dont je ne peux qu'admirer le talent à l'écrit après avoir été fascinée par ses propos sur les ondes

140 pages Grasset 14 septembre 2022
#IlnyapasdeAjar #NetGalleyFrance

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Le dernier livre de Delphine Horvilleur, auteure récemment découverte lors de la lecture de son très bel essai, « Vivre avec nos morts », semblait me narguer : quelle que soit la librairie de mon quartier du nord parisien, je le croisais en devanture, agrémenté d'un bandeau où figure une photographie de l'auteure.

Contemplant d'un oeil songeur ce petit livre, je m'étais interrogé sur son titre en forme d'énigme, « Il n'y a pas de Ajar ». Au-delà du jeu de mots, bien senti mais un peu facile entre « Ajar » et « hasard », j'ai évidemment songé à Romain Gary, lauréat du prix Goncourt 1956 avec les « Racines du Ciel » qui avait pris le pseudonyme d'Emile Ajar afin de poursuivre une double carrière d'écrivain. Et ce dédoublement littéraire lui avait permis d'obtenir par deux fois, un prix qui n'est attribué qu'une seule fois, lorsqu'Emile Ajar s'était vu décerner le prix Goncourt en 1975 pour la « La vie devant soi ». M'étant rappelé le destin singulier de Romain Gary, j'ai lu le titre autrement, au pied de la lettre pour ainsi dire : « Il n'y pas de Ajar », signifie qu'Emile Ajar n'existe pas, n'a jamais existé et n'est que le pâle avatar de Romain Gary, né Roman Kacew. Je me suis enfin attardé sur le sous-titre qui épouse à la perfection l'air du temps, « Monologue contre l'identité », et j'y ai vu le signe d'une faille dans mon raisonnement : s'il n'y a pas de Ajar, alors Romain Gary est réduit à son identité initiale et singulière, et que contient donc ce petit livre qui s'annonce paradoxalement comme un pamphlet contre l'identité ?

Voilà, je n'avais toujours pas acheté le dernier essai de Delphine Horvilleur, et mon inclination pour une forme de pensée spéculative m'avait déjà conduit à m'interroger sur la signification d'un titre qui m'avait paru successivement amusant, lumineux et paradoxal. Et tandis que je continuais inlassablement à arpenter les rues qui serpentent autour de la butte Montmartre, je songeais que le temps était venu de lire « Il n'y pas de Ajar ».

Ce court essai comporte un prologue très érudit, où l'auteure rabbin revient sur la dichotomie Gary/Ajar et enrichit sa réflexion en empruntant à sa riche culture talmudique. On y apprend que Romain Gary s'est suicidé en 1980 au moment même où elle apprenait à lire et que depuis plus de quarante ans il est ainsi devenu son « dibbouk », « un revenant qui vous colle à la peau ou à l'esprit, un être dont l'âme s'est attachée à la vôtre pour une raison mystérieuse, et qui ne vous lâche plus ». Delphine Horvilleur nous enseigne également qu'en hébreu un autre se dit « Ah'ar », et qu'en choisissant le pseudonyme d'Emile Ajar, Romain Gary s'est inconsciemment dédoublé littérairement en un « autre » que lui. Elle nous confie enfin sa visite fantasmée à Romain Gary le jour de son suicide, et les récits issus du Talmud qu'elle lui aurait narrés, dans une tentative aussi poétique que désespérée de faire échouer ce qui est déjà advenu.

La seconde partie est le monologue imaginaire en forme d'« hommage à toutes les filiations littéraires » d'un homme qui se dit le fils d'Emile Ajar. Ce texte, volontairement écrit dans un langage relâché, est un plaidoyer désarticulé contre l'identité, en même temps qu'un retour sur les fêlures qui traversaient le grand écrivain d'origine russe qui fut successivement aviateur, résistant, romancier, diplomate, scénariste et réalisateur. L'auteure y dénonce tout à la fois la tentation « identitaire » d'un retour à une identité figée et fantasmée, et la concurrence victimaire qui assigne chacun à son identité ethnique, religieuse, sexuelle ou raciale.

En nous rappelant qu'en hébreu, le verbe être n'existe pas au présent, que l'on « n'est pas » même si l'on peut « avoir été », ou être « en train de devenir », Delphine Horvilleur nous suggère que l'identité n'est pas un concept figé et que nous sommes toujours en pleine mutation. « Who's not busy being born is busy dying » chantait déjà Bob Dylan en 1965...

Voilà, j'ai fini par lire ce petit livre sur le bandeau de couverture duquel figurait le regard perçant de l'auteur qui semblait me poursuivre dans le crépuscule de mes ballades montmartroises. Et si son titre garde une part de mystère, je saisis enfin qu'il n'y a pas de Ajar, mais qu'il y a eu un auteur immense dénommé Emile Ajar et qu'il y aura d'autres auteurs au talent incomparable, qui continueront d'interroger les fluctuations de notre identité, qui ne saurait être figée ou réduite aux tentations victimaires de l'époque.
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C'est un tout petit livre de moins de 90 pages avec une préface qui en fait déjà presque trente. Datée du 19 avril 2022, elle n'est pas signée. On partira du principe qu'elle est de l'autrice du livre tout entier, soit Delphine Horvilleur. Une longue préface découpée en sept parties et un « monologue contre l'identité » surtitré Il n'y a pas de Ajar où le je qui écrit se dit Abraham Ajar, soit le fils fictionnel d'un pseudonyme littéraire. On n'a pas débuté que ça commence déjà.

Emile Ajar donc. Souvenez-vous, l'entourloupe la plus célèbre de l'histoire, l'auteur de Gros câlin, La vie devant soi (Ah Momo !) pour le quel il a reçu le prix Goncourt en 1975. Lequel prix avait déjà été décerné à Romain Gary quelques années plus tôt pour Les racines du ciel en 1956. Ce qui ne serait pas un problème si ces deux auteurs n'étaient pas en fait un seul et même homme.

Enfin… ça, c'est encore un peu trop s'avancer que de le prétendre. Car ne sommes-nous jamais qu'un ? Ne sommes-nous jamais entièrement circoncis à une seule et unique identité ? Mais il n'a pas été nécessaire au jury littéraire d'entrer dans de telles réflexions métaphysiques pour être bien enquiquiné de se trouver avec deux prix et un seul homme. La réalité est parfois trop chiche.

A partir de la biographie de Gary et des événements de sa vie à elle, à commencer par sa naissance, la même année que celle d'Emile Ajar, celui qui n'existe pas et dont le nom, en hébreu, signifie l'Autre, ainsi que sa première rencontre à six ans avec la lecture au moment où Gary se suicide, Delphine Hortvilleur tricote ces deux - trois ? - existences et fonde entre elles un nécessaire lien. « Depuis des années je lis l'oeuvre de Gary/Ajar, convaincue qu'elle détient un message subliminal qui ne s'adresse qu'à moi. Je ne cesse d'y chercher une clé d'accès à ma vie, un passe-partout qu'un jour, un homme aux multiples identités a déposé. »

Le fond de cette conviction ? L'idée que Gary/Ajar est le guide de ceux qui pensent que ni le langage ni l'existence ne seront jamais clos, définitivement appréhendés. Gary est devenu le fantôme, le dibbouk de la tradition juive, qui hante nos existences de sa présence tenace, qui leur impose une incertaine mais indéniable profondeur.

Alors nous voilà avec Abraham, dans une cave où se trouvent aussi Rosa, Jo Dassin, Stromae, d'autres personnages aussi. On y cherche nos « filiations fictives », celles qui nous ont constitué aussi sûrement que les gènes dont nous avons hérité. On n'y cherche surtout pas Dieu, celui dont on ne doit pas prononcer le nom et dont l'absence inonde toutes nos existences. En ne le cherchant absolument pas, il se pourrait bien qu'on l'ait déjà sous le nez. Dieu aurait le sens de l'humour.

Avec l'intelligence et la finesse qui caractérisent tous ses textes, Delphine Horvilleur propose une réflexion érudite et délirante sur la place de la fiction dans nos identités, sur la manière dont le « je suis ce que je suis », plénitude tautologique et mortifère dont se revendiquent les puristes de l'affiliation communautaire, promet un enfermement abominable.

Être l'autre, rentrer dans sa peau en tant que non lui, devenir Rosa sans souci d'authenticité et de la caution de légitimité que donnerait le fait de l'avoir vécu, c'est ce que fait Gary/ Ajar pour ne pas exister, pour ne pas être réduit aux limites d'un moi déterminé, fini.

Dans son monologue, Abraham Ajar proclame, à propos d'un homme de 69 ans qui a fait un procès à l'Etat pour discrimination à cause de son âge et exigé d'être rajeuni de 20 ans sur son passeport, « Je crois qu'au fond, aucun de nous n'est uniquement ce qu'on dit qu'il est. Qu'est-ce qui t'empêche, toi, par exemple, d'engager une transition de genre, de sexe, de couleur ou de religion ? On est tous en chemin vers ce qu'on peut encore être, et cela implique forcément de quitter ce qu'on était. » Et de nous révéler cette vérité linguistique aux conséquences métaphysiques abyssales : en hébreu, le verbe être n'existe pas au présent. « Bref, en hébreu, tu peux « avoir été » et tu peux être « en train de devenir », mais tu ne peux absolument pas « être »… ni binaire, ni non-binaire, ni homme ni femme. Tu as été et tu deviendras, mais tu es forcément en plein dans ta mutation. »

Nous y voilà. Ne jamais être assigné, ne jamais avoir un rapport avec ce qui se passe, ne jamais figer le mouvement, faire de l'entourloupe, de la feinte, de la prestidigitation le moteur d'une quête à ne pas être. « Chaque fois qu'un jour nouveau se pointe, j'ouvre la fenêtre et j'appelle au secours. Je saute sur le téléphone, j'appelle la Croix-Rouge, le Secours catholique, le Grand Rabbin de France, le petit, les Nations Unies, Ulla notre Mère à tous, mais comme ils sont parfaitement au courant, qu'ils voient de leurs propres yeux qu'un jour nouveau se lève et qu'ils prennent même leur petit déjeuner pour cette raison, je me heurte au quotidien familier, et c'est le bide. Alors je deviens un python, une souris blanche, un bon chien, n'importe quoi pour prouver que je n'ai aucun rapport » écrit Ajar dans Pseudo.

Au-delà de la mise en scène littéraire d'un délire réactionnel que des médecins expliqueraient très bien et qui a été, pour Romain Gary, à la fois une échappatoire et un échec, il y a dans cette proposition un appel à la fantaisie, un rappel à ne jamais clore l'interprétation, une ode à la fiction et à ses pouvoirs qui m'ont ravie.

Evidemment, il ne s'agit pas de renier d'où l'on vient, « et je ne vois pas quel problème il y aurait à ce que des gens veuillent conserver des éléments psychiatriques intacts de leur famille » (j'adore !) « Je dis simplement : oui à l'entre-soi, mais à condition qu'on sache toujours qu'on est plusieurs chez soi. »

C'est fin, subtil, déjanté jusque ce qu'il faut pour ne pas se prendre au sérieux. « L'humour est une affirmation de supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive. » Romain Gary, encore. En exergue du monologue. Et finalement, dans un vertige souriant, enivrés de mots et de possibles, on se plait à cet appel désespéré à n'être jamais tout à fait achevé.
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critiques presse (3)
SudOuestPresse
13 octobre 2022
Dans son nouveau livre « Il n’y a pas de Ajar », Delphine Horvilleur s’en prend à l’obsession identitaire de notre époque. Un monologue plein d’humour dans lequel elle s’éloigne un peu de son rôle de rabbin.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LaCroix
15 septembre 2022
Dans ce nouveau texte destiné à être lu sur scène, la rabbin Delphine Horvilleur tente par la voix d’un double littéraire inventé, Abraham Ajar - référence au pseudo de Romain Gary, à qui elle rend hommage -, pour tenter de défaire la « tenaille identitaire » qui menace la société française.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Culturebox
13 septembre 2022
Un monologue durant lequel ce personnage projette son lecteur dans l'univers de l'écrivain, questionne la Bible, la mystique ou l'humour juifs, et surtout, interpelle sur les débats d'aujourd'hui.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (146) Voir plus Ajouter une citation
Un petit garçon nommé Roman Kacew naît le 21 mai 1914 à Vilna, tandis que l'Europe plonge dans la guerre et la destruction. Il fera du texte et de l'écriture le refuge de sa vie, le lieu de son salut, comme une maison d'Elisha. Il grandira, s'exilera, deviendra français et amoureux de cette langue.

Plus tard, il choisira Gary comme nom d'emprunt, parmi tant d'autres noms de plume qu'il aurait pu adopter. L'écrivain, qui aimait tant les mots et les langues, ne savait sans doute pas qu'il venait de se trouver un nom à l’étrange signification hébraïque. Gary, écrit en hébreu, signifie quelque chose comme « mon étranger » ou « L’étranger en moi ».

Et ce jeu de mots, qu'il ne connaissait sans doute pas, pourrait résumer toute son entreprise littéraire : s'assurer de n'être jamais complètement soi-même, en rendant toute sa place à l’étranger en soi. Savoir ainsi, où que l’on se trouve, qu’on ne sera jamais complètement à la maison.
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On a prouvé que si tes parents ou tes grands-parents sont allés à Auschwitz, même si tu ne le sais pas, même s'ils ne t'ont rien raconté du tout, tu vas réagir différemment au stress.
C’est comme s'il y avait tout un tas d'impacts dans ta vie, des résidus d'histoires qui ne sont pas les tiennes et que tu n'as pas vécues mais dont tu gardes la trace quelque part. Ton ADN n'en sait rien mais ton corps s'en souvient quand même. […]
Et ça ne s'arrête pas là, et ce n'est pas qu'une histoire de biologie. C’est beaucoup plus indélébile que ça. Tu portes en toi la trace, non seulement l'histoire de tes géniteurs, mais aussi celle de tous ceux qui nous ont fabriqués par d'autres moyens.
C’est-à-dire, pas juste par relation sexuelle ou par éprouvette, mais parfois par leurs mains, leurs gros-câlins ou les gnons qu’il nous ont filés ; par les mots qu'ils nous ont dits ou pas, les livres qu'ils ont écrits ou nous ont donné envie de lire.
Tu le sais bien, toi aussi : parfois, on est les enfants de nos parents biologiques ou adoptifs… Mais on est toujours ceux de nos bibliothèques, les fils et les filles des histoires qu’on a lues ou entendues. On est tous conçus par procréation littérairement assistée. (p.79)
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Avant, on rencontrait des gens qui étaient pleins de choses à la fois, pied-noir, fils d'immigrés et homosexuel, communiste et gymnaste... ou alors juif-athée-joueur d'échecs et goyophile; eh ben là, c'est fini. Chacun n'est plus qu'un seul truc, catho, gay, vegan, qu'importe, mais exclusivement l'un ou l'autre. Les seuls "combo" qu'on t'autorise c'est quand tu es multi-défavorisé et que tu peux cumuler a priori les discriminations comme des bonus. Mais sinon, tu ne joues plus que dans une seule catégorie et tu es donc sans rapport avec qui que ce soit d'autre. Bien sûr, ça oblige un certain niveau d'entre-soi pour préserver la pureté de l'édifice. (p.68) […] Je dis simplement : oui à l'entre soi, mais à condition qu'on sache toujours qu'on est plusieurs chez soi. Ne jamais s'imaginer qu'on y parle une seule langue, ou qu'il y aurait chez nous de la pureté ou une autre saloperie dans ce genre… (p.69)
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Tu savais qu'en hébreu, le verbe être, ça n'existe pas au présent ? Tu ne peux pas dire : je suis ceci ou je ne suis pas cela. Parce que tu ne peux dire ni "je suis", ni "je ne suis pas". Tu peux conjuguer le verbe être au passé ou au futur. Mais au présent, ça disparaît comme le lapin dans le chapeau du magicien. Bref, en hébreu, tu peux "avoir été" et tu peux être "en train de devenir", mais tu ne peux absolument pas "être"... ni binaire, ni non-binaire, ni homme ni femme.
Tu as été et tu deviendras, mais tu es forcément en plein dans ta mutation.
En clair, l'hébreu c'est la langue des trans.
Je crois que c'est pour cela que Dieu l'a utilisé pour écrire son best-seller. C'était sensé dire que ça n'a jamais fini de dire ce que ça pourrait encore vouloir dire. Mais j'avoue : c'est beaucoup trop subtil pour le commun des lecteurs. Un peu comme La Marseillaise.
(p.74-75)
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Romain Gary ne connaissait sans doute pas cette histoire mais c'est ce nom qu'il a pourtant choisi quand il s'est agi de devenir un autre. Il a trouvé alors, et sans doute au hasard, un pseudo pour échapper à un nom déjà chargé d'histoire, et s'est choisi Ajar, c'est-à-dire Ah'ar... à une lettre près. Pure coincidence, évidemment. A moins que son inconscient, héritier de la sagesse talmudique, n'ait choisi de le mener là ?

Que savons-nous des textes dont nous ne savons rien ? De quelle manière sommes-nous les héritiers à la fois des histoires qu'on a lues et de celles qu’on ne nous a pas racontées ?
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Vidéo de Delphine Horvilleur
Augustin Trapenard organise une rencontre exceptionnelle entre Delphine Horvilleur et Dominique Eddé pour évoquer la situation au Proche-Orient. Toutes deux s'interrogent sur la possibilité de maintenir le dialogue au milieu du chaos depuis le 7 octobre 2023. Une question que s'est déjà posée Delphine Horvilleur dans son livre Comment ça va pas ? publié chez Grasset. Depuis le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, l'auteur, comme tant d'autres, a vu son monde s'effondrer. Elle, dont la mission consiste à porter sur ses épaules la souffrance d'autrui et à la soulager par ses mots, se trouve soudain en état de sidération. Dans la stupeur, elle écrit alors ce petit traité de survie qui interroge ses fondements existentiels. Le texte est composé de dix conversations, réelles ou imaginaires : avec sa douleur, avec ses grands-parents, avec la paranoïa juive, avec Claude François, avec les antiracistes, avec Rose, avec ses enfants, avec ceux qui lui font du bien, avec Israël, avec le Messie. Sa manière si particulière d'entrelacer l'intime et l'universel, l'exégèse des textes sacrés et l'analyse de la société, la gravité et l'humour, transforme progressivement le déchirement en réparation, la fièvre en force et le doute en espoir. Une lumière dans la nuit pour tous ceux qui refusent de se laisser déshumaniser par la haine.
Dominique Eddé, écrivaine, romancière et essayiste libanaise a également donné son point de vue, elle qui a fait du Moyen-Orient le sujet clef de ses ouvrages.
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