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Critique de gerardmuller


Anéantir /Michel Houellebecq
« Certains lundis de la toute fin novembre, ou au début de décembre, surtout lorsque l'on est célibataire, on a la sensation d'être dans le couloir de la mort. »
Dès cette première phrase du roman, on reconnaît le ton de Michel Houellebecq, la couleur qu'il veut donner à l'atmosphère. On va se régaler !
Un roman de MH ne laisse jamais indifférent, tout comme le personnage d'ailleurs. On l'adore ou on le déteste. Je me range dans la première catégorie, ayant lu les sept romans précédents ainsi que deux recueils de poésies, que j'ai tous aimés. Et j'aime le personnage étrange qu'est MH.
Ce huitième roman évolue durant 730 pages avec en toile de fond la mélancolie de notre condition humaine comme dans ses romans précédents. Une ambiance crépusculaire baigne ce roman évoquant les maux de notre société.
Nous sommes à Paris dans un futur proche, fin 2026 et dès l'entame, on baigne dans une atmosphère de mystère notamment informatique. Bastien informaticien à la DGSI s'intéresse depuis un certain temps à des graffitis étranges sur les murs de la ville et tente de les décrypter au sein d'un laboratoire d'analyse spécialisé. Ce qui étonne, c'est que des messages que personne ne parviendrait à lire serait évidemment une démarche absurde, et donc il y a forcément des destinataires, mais qui ?
Un homme politique ministre qui brigue la Présidence de la République pour 2027 est au coeur de l'intrigue. Il se prénomme Bruno et il est ministre de l'Économie et des Finances. Polytechnicien sorti major, il brille par ses qualités et ses compétences. Une vidéo montage sur Internet passe de façon récurrente le montrant subissant une décapitation par guillotine. Quelle est la motivation des inconnus qui mettent ces scènes en ligne ? Bruno est estimé par le peuple pour sa compétence mais pas franchement aimé.
Paul Raison est un énarque au service de Bruno pour organiser sa campagne présidentielle. Il lui faut parvenir à faire aimer Bruno dans le cadre de cette campagne. Il est marié sans enfant et les liens avec Prudence son épouse sont plus que distendus. L'amour a fait place au désamour et à la dégénérescence de leur couple.
le monde s'inquiète car une vague d'attentats sévit dans le monde, un monde qui est malade de la violence tous azimuts, un monde inexorablement en déclin, privé d'espérance et baignant dans un clair obscur de mélancolie et de blasement. Et si c'était l'amour qui sauve tout ?
En vérité peu à peu ce qui semblait être un thriller politique devient un roman de réflexion quasi métaphysique car les sujets principaux deviennent vite l'amour et la mort, et la vie de famille et le relationnel dans celle de Paul avec de très savoureux passages, la maladie en rapport avec l'AVC subi par son père Édouard Raison, lui-même un ancien de la DGSI . Mais pas seulement car MH sait aussi parler écologie et légumes verts, fin de vie et religion, sexualité, la santé , la maladie et les nouvelles technologies, la politique , les migrants et les huiles essentielles lors du sabbat de Yule, le chômage chronique comme un phénomène naturel, un état répandu installé depuis des générations, accepté comme un destin. Et les rêves qui viennent apporter un peu de légèreté mais aussi de réflexion au récit. Une vaste palette de sujets est ainsi offerte au lecteur tout en faisant une peinture de la société contemporaine comme le firent en leur temps Balzac et Zola, mais à sa manière très personnelle.
On retrouve dans ce roman la belle écriture fluide, sans affect et indolente de MH alliée à sa mélancolie habituelle teintée d'humour et de drôlerie, et un grand sens de l'observation. Son souci du détail qui frappe, étonne, dérange ou amuse est aussi à noter dans cette fiction qui fera parler d'elle dans les mois à venir, c'est indubitable.
À la fin, on en vient à se demander si malgré la déprime contemporaine on ne peut espérer trouver dans la vie quotidienne une source de bonheur.
Un roman à lire absolument.



Humour extrait : « Au bout de son troisième Talisker, Paul se dit qu'il allait être un peu saoul à la messe de minuit ; ce n'était pas forcément une mauvaise chose ! …L'alcool permet de supporter à peu près tout, c'est d'ailleurs un des principaux problèmes avec l'alcool ! »


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