Blair Mallory, tome 2 : Dent pour dent

— Je n’arrive pas à croire que tu es osé faire ça ! hurla Wyatt à mon oreille.

— Pardon ? demandai-je d’un air innocent.

Il devait être au travail, tout comme moi. J’eus un sourire béat. La vie conjugale, à quelques détails près, me convenait parfaitement.

— Tu m’as envoyé un huissier !

J’attendis un peu, mais en voyant qu’il n’ajoutait rien, j’insistai :

— Et alors ?

— Et alors un huissier est censé n’apporter que des documents officiels - importants. Pourquoi es-tu allée chez un avocat pour une simple liste ?

— Parce que tu n’y prêtais aucune attention.

La liste des (nombreuses) transgressions de Wyatt était restée des semaines posée sur le comptoir de la cuisine sans qu’il y jette un seul coup d’œil. Que pouvais-je faire d’autre que réagir pour attirer son attention ?

J’avais pris rendez-vous chez un avocat pour faire établir un acte authentique, qui avait été délivré en main propre – et par huissier – à Wyatt au poste de police.

Et voilà.

« Un moment » ne signifie pas la même chose pour un toubib que pour une personne normale, annonça ma mère, comme si le monde médical était une race à part. Ce n’est pas un médecin des urgences qui signera ton exeat, aussi j’imagine qu’un autre viendra vérifier les résultats de tes différents examens – et aussi t’examiner toi. Avec un peu de chance, tu rentreras à la maison en fin d’après-midi.

Étrange, la façon dont la ceinture d’un peignoir de bain se détache toujours… quasiment d’elle-même. Donc, ce n’est pas de ma faute si j’exhibai davantage qu’un simple décolleté.

Quand je serai vraiment très vieille, je changerai mon petit coupé Mercedes contre le véhicule le plus énorme qui soit sur le marché. Et je me ratatinerai derrière mon volant jusqu’à ce que seule en dépasse ma petite tête aux cheveux blanc-bleu. Et alors, je conduirai tout doucement, en faisant des doigts d’honneur à tous ceux qui klaxonneront derrière moi. Avec des plans comme ça, j’attends avec impatience le troisième âge.

En voiture, je ne faisais jamais un doigt d’honneur aux chauffards parce qu’on ne sait jamais sur qui on peut tomber. Les psychopathes avalaient-ils toujours leurs calmants avant de prendre le volant ? En plus d’avoir le cerveau dérangé, certains conduisaient-ils avec une arme chargée dans leur voiture ?

Non, je n’aime pas les insectes. Ce n’est pas que je les craigne, mais je les trouve dégoûtants, répugnants. Je préfère ne jamais les voir s’approcher de moi.

Mon but prioritaire était évident : trouver illico une robe de mariage, afin d’avoir le temps d’y apporter les modifications nécessaires. Je n’avais pas en tête une robe à froufrou digne d’un conte de fées. J’avais déjà porté une fois une robe de ce genre : au cours de mon premier mariage – qui s’était mal terminé. Le conte de fées avait tourné court. Cette fois, je voulais quelque chose de plus simple, classique, qui me mettrait à mon avantage, et rendrait Wyatt dingue de désir.

Un gâteau de mariage était une œuvre d’art. Cela prenait du temps. Et en général, les pâtissiers capables de réaliser un excellent gâteau étaient bourrés de commandes des mois à l’avance.

Peu importe le nombre d’enfants que j’aurai, je tenais à les faire naître avant d’atteindre l’âge ou un obstétricien sensé – c’est-à-dire animé d’un bon instinct de survie et d’une phobie compréhensible envers les poursuites légales – ne me toucherait pas ordonner automatiquement une amniocentèse. Je refusais qu’on me plante une longue aiguille dans le ventre. Et si mon bébé la prenait dans l’œil – ou ailleurs ? Et si le technicien me traversait de part en part, pour atteindre la moelle épinière ? Vous vous souvenez du film Peter Pan, là où un crocodile avale un réveil, et qu’on l’entend approcher parce que le « tic-tac » devient de plus en plus fort ? Et bien, pour moi, c’était pareil : mon horloge biologique était aussi bruyante que ce fichu crocodile. Ou peut-être était-ce un alligator… mais c’est sans importance.