Les côtes Ouest de l'Irlande. Face à l'immensité de l'océan atlantique. Avec le regard qui revient toujours se poser sur les contours des îles Skellig, comme pour y chercher l'apaisement.
Un paysage sauvage, une nature encore, pour un temps, indomptée, un horizon toujours changeant, une lande battue par tous les vents. Des ciels tourmentés, tantôt d'un bleu limpide et transparent, tantôt chargés de nuages sombres qui filent, poussés par les bourrasques, prêts à laisser éclater leurs tumultes et métamorphoser le paysage en un contrefort de l'enfer.
C'est là, dans un cottage perdu au milieu de ces terres farouches que Martha vient, à la fois, trier les affaires de son défunt époux et à la fois trouver un peu d'éloignement après la mort brutale de celui-ci, face à ces îles chargées d'Histoire sur lesquelles des moines, vers l'an 500, sont venus vivre dans le dénuement, la pauvreté et le jeûne, espérant rencontrer un dieu réconfortant. Elle n'était pas revenue dans ces murs depuis de nombreuses années et au-delà des obligations, inconsciemment vient-elle chercher le retranchement de l'agitation quotidienne et le retour à l'essentiel pour essayer de se ré-apprivoiser dans ses larmes.
On comprend très vite qu'au delà de ce deuil récent qui la plonge dans un abîme, il existe une autre absence qui l'a fracassée, elle, mais aussi d'une certaine façon, le couple que Brendan et elle formaient.
Ce retour dans ce cadre rustique et tout en simplicité et la vie à laquelle il oblige de s'abandonner se fait refuge, Marthe se replie sur elle-même exhumant les souvenirs à mesure qu'elle trie les possessions de Brendan.
C'est un beau texte sur le deuil, les deuils, la solitude, les méditations afférentes, il retrace un cheminement de mémoire au long d'une vie dont Martha prend conscience qu'elle aurait pu être autre et que la solitude qu'elle a recherchée pour s'y protéger, l'a entraînée loin des siens et surtout au lieu de l'aider dans les moments difficiles, l'a anéantie encore bien davantage.
Ce sont des phrases qui disent les regrets, paroles d'une tristesse infinie, quand elles mettent en miroir ce qui a été échangé, partagé et ce qui a été caché, tu, remis, promis...
En oubliant que le temps est un des maîtres qui sculptent, en intransigeant, nos existences.
Toutes ces émotions, ces moments de doute, cette mélancolie trouvent leurs couleurs dans les paysages qui s'étalent au fil des pages. Un peu comme si, les sentiments se faisaient bruyère mouvante sur la lande et les reproches souffles d'un vent qui présage la tempête.
En parallèle de ce regard que le chagrin entrave, il y a celui de Paddy, qui vit seul également, fermier voisin du cottage que la vie n'a pas toujours entraîné sur des versants de quiétude. Il raconte quelques brins de l'Histoire de l'Irlande, sa pauvreté, sa misère, le poids des conventions, de la religion toujours répressive. Une très belle âme cultivant les souvenirs et l'appartenance, le respect et la filiation. Un homme droit et sincère.
J'avoue avoir été moins séduite par les pages sur l'appétit immobilier qu'ont certains de cette région, je ne les trouvais pas indispensables...
Mais peut-être sont-elles nécessaires pour faire avancer le roman et faire d'un texte qui serait contemplatif, un texte vivant. J'avoue que la contemplation me suffisait surtout quand l'écrivaine ajoute quelques lignes sur la poésie irlandaise, en expliquant rapidement ce qu'elle est aux tréfonds de ses origines.
Un texte qui, à travers les descriptions lumineuses de la nature, nous emmène au plus près de l'atmosphère d'un pays qui ne finit pas de panser ses plaies et de sécher ses larmes, se cherchant et fouillant sa mémoire pour avancer, en sérénité, et se détacher de ce passé glaise, un peu comme tente de le faire Martha.
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C'est une histoire de deuils : deuil d'un enfant, deuil d'un mari, deuil d'une existence. Martha retourne après la mort de son conjoint dans la maison que ce dernier possédait près des îles Skellig en Irlande, où il écrivait ses documentaires sur l'art. C'est le moment pour elle de faire le point sur sa vie et de lui donner un nouvel élan. Un très beau roman , une belle plume dont l'histoire entre bien en résonance avec les premiers vers du poème de Verlaine du même titre :
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur?
J'ai beaucoup aimé.
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Ce livre m'a été conseillée par ma librairie et c'est une bon choix. on s'embarque pour l'Irlande, le bout du monde, vers les îles Killig et on suit le retour de Martha qui a perdu son mari. Elle revient pour ranger, trier et se souvenir. C'est touchant, bien écrit. Pour une fois, l'Irlande n'est pas vue qu'à travers ces paysages mais les histoires des habitants sont décrites. On ressent leur solitude voir leur isolement et toutes les dérives associées.Vraiment bien
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Un livre d'une poésie douce et légère qui nous parle du deuil, mais surtout de la renaissance d'une femme qui, grâce à de belles rencontres et aux bienfaits de la nature belle et sauvage irlandaise reprend espoir en la vie.
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