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Critique de Nastasia-B


Avec les relectures, parfois l'on gagne, parfois l'on perd… J'avais lu Bug-Jargal il y a bien longtemps, au tout début du lycée, et j'en avais gardé un très bon souvenir d'ensemble. Me sentant incapable pourtant de me le restituer de façon convaincante, j'ai entrepris de le relire avec mon regard actuel…

… ouais ! y a eu du chemin de fait ! Effectivement je ne positionnerais plus ce livre parmi les trésors littéraires qu'a su nous léguer notre vaillant Victor. Il s'agit d'un roman de toute prime jeunesse, écrit vite fait à l'âge de seize ans et remanié quelques années plus tard, à l'âge de vingt-quatre ans. Il s'agit d'un roman mi-aventure mi-historique ayant pour cadre géographique Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti et la République Dominicaine) et pour contexte socio-politique la révolte des esclaves de 1791.

Léopold d'Auverney, un militaire, neveu d'un planteur colonial de l'île en est le narrateur, plusieurs années après les faits, lors d'une bataille sur le continent européen. On ne peut pas dire que les ficelles de la narration soient inapparentes, bien au contraire, ce sont des câbles épais, qui cisaillent un peu le décor. On ne peut pas dire non plus que cette lecture soit désagréable, mais ce n'est pas encore du Hugo premier cru.

Déjà beaucoup de ses traits romanesques futurs sont présents. On y trouve, par exemple : le monstre difforme de type Quasimodo, ici incarné par le nain Habibrah ; le roman à message social humaniste : ici l'égalité noir-blanc ou le regard que l'on porte sur l'autre ; le renversement d'identité de certains personnages comme dans les Misérables (je ne vous dis rien ici sans quoi je risque de déflorer l'histoire) ; les valeurs ultra romantiques avec des accents de tragédie, qui pour le coup ne sont pas trop maîtrisées dans Bug-Jargal, alors qu'Hugo sait d'ordinaire se maintenir sur la difficile ligne de crête alliant pathos, grandiloquence et point trop n'en faut. Ici, dégainez vos violons, ça grince à qui mieux mieux.

Le roman, de taille assez modeste pour du Hugo, est composé de très brefs chapitres, ce qui en rend la lecture très aisée, notamment pour les plus jeunes lecteurs pas trop rompu à l'art de dévorer un gros roman et qui pourront donc y prendre, éventuellement, un certain plaisir.

L'histoire commence à décoller véritablement au chapitre 15 (sur 59). La petite amourette à deux balles de Léopold me semble franchement mauvaise, par contre, le roman fait une large place à un personnage secondaire intéressant, en la personne du chef noir rebelle Biassou. le personnage a réellement existé lors de la révolution haïtienne et Hugo prend également beaucoup d'inspiration pour son roman du personnage réel de Toussaint Louverture. Même si l'auteur romance largement la véritable histoire de l'insurrection haïtienne, il a eu le mérite de m'y intéresser, ce qui n'est déjà pas si mal.

J'ai trouvé particulièrement intéressantes les tractations politiques, les manipulations des foules et les incursions de la religion et du surnaturel que pratique Biassou pour asseoir son autorité de chef rebelle. En lisant les passages incriminés, je repensais fréquemment à l'aphorisme attribué à Napoléon (citation de mémoire donc probablement impropre) « Pour gouverner je n'ai pas besoin d'un dieu, mais de religion, si. »

Quant au personnage de Bug-Jargal à proprement parler, il est bien trop bon, trop fort, trop grand dans ses faits et son âme pour être un tant soit peu crédible. Mais les jeunes lectrices (j'en sais quelque chose) ne peuvent que tomber amoureuses de cet intrigant Apollon noir, preux chevalier du temps des colonies.

Si cette thématique de l'esclavage dans la littérature française vous intéresse, je vous conseille vivement, et une fois n'est pas coutume puisque cet auteur n'est ordinairement pas ma tasse de thé, la nouvelle de Prosper Mérimée intitulée Tamango. de ce que j'ai lu de Mérimée c'est ce qui m'a le mieux plu et le plus impressionné.

En somme, probablement beaucoup de maladresse dans ce petit roman, pas un grand Hugo, mais une lecture plaisante tout de même, finalement très appropriée pour le lycée, en tout cas, c'est mon avis actuel, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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