Et pourtant, misérables lois et misérables hommes, je n’étais pas un méchant.
Tandis que je rêve, les souvenirs de mon enfance me reviennent un à un, doux, calmes, riants, comme des îles de fleurs sur ce gouffre de pensées noires et confuses qui tourbillonnent dans mon cerveau.
Les premiers jours on me traita avec une douceur qui m'était horrible. Les égards d'un guichetier sentent l'échafaud.
Je crois que la poche au fiel à crevé. La mort rend méchant.
Pauvre petite ! ton père, qui t’aimait tant, ton père qui baisait ton petit cou blanc et parfumé, qui passait la main sans cesse dans les boucles de tes cheveux comme sur de la soie, qui prenait ton joli visage rond dans sa main, qui te faisait sauter sur ses genoux, et le soir joignait tes deux petites mains pour prier Dieu ! Qui est-ce qui te fera tout cela maintenant ? Qui est-ce qui t’aimera ?
Chapitre XXVI
Je me sens le cœur plein de rage et d’amertume. Je crois que la poche au fiel a crevé. La mort rend méchant.
Chapitre XXIV
Mais si ces morts reviennent, sous quelle forme reviennent-ils ? Que gardent-ils de leur corps incomplet et mutilé ? Est-ce le tronc ou la tête qui est le spectre ?
Or, voilà cinq semaines au moins, six peut-être, je n'ose compter, que je suis dans ce cabanon de Bicêtre, et il me semble qu'il y a trois jours c'était jeudi.
Mes pas étaient mous et fléchissaient comme si j'avais deux genoux à chaque jambe.
Au moment où six heures et demie sonnaient, – non, c’était l’avant-quart – la porte de mon cachot s’est rouverte. Un vieillard à tête blanche, vêtu d’une redingote brune, est entré. Il a entr’ouvert sa redingote. J’ai vu une soutane, un rabat. C’était un prêtre. [ …]
– Mon fils, m’a-t-il dit, êtes-vous préparé ?
Je lui ai répondu d’une voix faible :
– Je ne suis pas préparé, mais je suis prêt.
Chapitre XXI