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Critique de Lamifranz


« Les Châtiments » (1853) et « Les Contemplations » (1856) sont les deux recueils les plus intimes de Victor Hugo : le premier parce qu'il marque son opposition foncière à Napoléon III, le second parce qu'il évoque la mort tragique de sa fille Léopoldine. Vous savez, Victor Hugo, dès qu'on le descend de son cadre au-dessus de la cheminée, est comme vous et moi, il a ses coups de coeur et ses coups de gueule : il adore Adèle et Juliette (les femmes de sa vie, pas les chanteuses) et il exècre Napoléon III, dit Badinguet, dit Napoléon le Petit.
Côté politique il n'a pas toujours été très clair, Victor Hugo. Jeune, il était monarchiste (il a même écrit des odes à l'intention de Louis XVIII et Charles X, puis, suivant sans doute l'exemple de son père, ex-général d'Empire, il se déclara bonapartiste. Sous la monarchie de Juillet il se rallia à Louis-Philippe sans renier ses convictions antérieures. Pendant la Révolution de 1848, il se rangea du côté des conservateurs, mais le coup d'état du 2 décembre 1851 qui fit de Louis-Napoléon Bonaparte, président depuis trois ans, le maître absolu de la France et bientôt l'Empereur des Français, lui fit réviser tous ses points de vue : il avait confisqué la République à son profit. Cet acte de bassesse fit de Victor Hugo un opposant à vie, et ancra en lui des convictions républicaines parfois même socialisantes, en tous cas hautement humanistes, qu'il garda jusqu'à sa mort.
« Les Châtiments » sont donc une réaction virulente et violente contre le coup d'état du 2 décembre 1851. Mais pas seulement. Victor Hugo règle aussi ses comptes (de façon un peu moins voyante, toutefois) avec le bonapartisme en général, avec en particulier un précédent notoire, le 18 brumaire 1799, où l'oncle (Bonaparte) s'emparait de la France comme le neveu (Louis-Napoléon) venait de le faire le 2 décembre 1851.
Le recueil lui-même s'intercale entre deux longs poèmes « Nox » et « Lux », (« Nuit » et « Lumière ») au symbolisme assez clair : Napoléon III a plongé la France dans la nuit, et Le France doit trouver en elle-même les forces pour retrouver la lumière. La principale originalité de ce recueil est de réunir, à l'intérieur d'une tonalité générale satirique, et même agressive, une diversité de tonalités secondaires qui, mises les unes avec les autres, donnent un ensemble à la fois cohérent, coloré et séduisant : La postérité à retenu les poèmes les plus épiques, comme « L'expiation » (avec ces deux chefs-oeuvre absolus que sont « Il neigeait » et »Waterloo »), mais Hugo use avec beaucoup de savoir-faire de la chanson (telle que l'a popularisée Béranger), l'invective satirique, le lyrisme populaire et pathétique, et même sur la fin et l'ouverture vers l'avenir, la vision prophétique.
Tous les talents poétiques (et pas seulement poétiques, d'ailleurs) de Hugo sont donc réunis dans ce recueil : Comme Beethoven, dans un autre art et cinquante ans plus tôt, on ne peut qu'admirer à la fois la puissance de l'idée et la maestria de la réalisation : Hugo est vraiment un surhomme, et il le sait, il le croit :
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !
Pas modeste, Victor, légèrement emphatique, mais il a sans doute le droit de le faire. D'autant qu'il n'est pas avare de pensées pour le Peuple : S'il fustige les Grands de ce monde, il a toujours un mot pour les petits, les pauvres, les enfants, les victimes.
Et c'est pourquoi s'il y aura toujours un « Victor Hugo hélas, ! », il y aura toujours un « Victor Hugo, tant mieux ! ».

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