Une certaine quantité de rêverie est bonne, comme un narcotique à dose discrète. Cela endort les fièvres, quelquefois dures, de l’intelligence en travail, et fait naître dans l’esprit une vapeur molle et fraîche qui corrige les contours trop âpres de de la pensée pure, comble ça et là des lacunes et des intervalles, lie les ensembles et estompe les angles des idées. Mais trop de rêverie submerge et noie. Malheur au travailleur par l’esprit qui se laisse tomber tout entier de la pensée dans la rêverie ! Il croit qu’il remontera aisément, et il se dit qu’après tout c’est la même chose. Erreur !
La pensée est le labeur de l’intelligence, la rêverie en est la volupté. Remplacer la pensée par la rêverie, c’est confondre un poison avec une nourriture.
Un petit jardin pour se promener, et l'immensité pour rêver. À ses pieds ce qu'on peut cultiver et cueillir; sur sa tête ce qu'on peut étudier et méditer; quelques fleurs sur la terre et toutes les étoiles dans le ciel.
Les contrefaçons du passé prennent de faux noms et s'appellent volontiers l'avenir. Ce revenant, le passé, est sujet à falsifier son passeport. Mettons-nous ai fait du piège. Défions-nous. Le passé a un visage, la superstition, et un masque, l'hypocrisie. Dénonçons le visage et arrachons le masque.
On dit que l'esclavage a disparu de la civilisation européenne. C'est une erreur. Il existe toujours mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s'appelle prostitution.
En avançant eux-mêmes; ils font progresser leurs satellites; c'est tout un système solaire en marche. Leur rayonnement empourpre leur suite. Leur prospérité s'émiette sur la cantonade en bonnes petites promotions.
Le propre de la pruderie, c'est de mettre d'autant plus de factionnaires que la forteresse est moins menacée.
Cette époque passera, elle passe déjà; on commence à comprendre que, s'il peut y avoir de la force dans une chaudière, il ne peut y avoir de puissance que dans un cerveau; en d'aitres termes, que ce qui mène et entraîne le monde, ce ne sont pas les locomotives, ce sont les idées. Attelez les locomotives aux idées, c'est bien; mais ne prenez pas le cheval pour le cavalier.
Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole.
L'avenir appartient encore bien plus aux coeurs qu'aux esprits. Aimer, voilà la seule chose qui puisse occuper et remplir l'éternité. A l'infini, il faut l'inépuisable.
Ne craignons jamais ni les voleurs ni les meurtriers. Ce sont là les dangers du dehors, les petits dangers. Craignons-nous nous-mêmes. Les préjugés, voilà les voleurs ; les vices, voilà les meurtriers. Les grands dangers sont au-dedans de nous . Qu'importe ce qui menace notre tête et notre bourse ! Ne songeons qu'à ce qui menace notre âme.