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Critique de Arakasi


Il y a des dates qui font frémir d'excitation et d'effroi par leur seule puissance évocatrice, par la marque sanglante et brûlante qu'elles ont laissée sur l'Histoire. 1793 en fait partie. 1793, c'est la Révolution Française dans ce qu'elle a de plus violent et de plus passionné, c'est la Terreur, la mise à mort de la royauté, les massacres, la guerre partout – à l'extérieur des frontières, bien sûr, mais aussi en Vendée où paysans et autres petites gens mènent une guérilla impitoyable contre l'armée républicaine. Et c'est bien en Vendée, terre de religion, de tradition et de violence, que se déroule le magnifique roman « Quatrevingt-treize » de Victor Hugo.

C'est en Vendée que le marquis de Lantenac, brillant général et féroce royaliste, est envoyé pour organiser les petites bandes de paysans révoltés en une véritable armée organisée. Sur place, il a la désagréable surprise de trouver à la tête des forces républicaines son neveu Gauvain, jeune noble rallié par idéalisme aux valeurs de la Révolution. Autant dire que les retrouvailles ne seront pas des plus chaleureuses… A ce duo, s'ajoute le personnage de Cimourdain, le père adoptif de Gauvain et également ardent républicain, aussi fanatique dans sa haine de l'aristocratie que le vieux Lantenac dans sa dévotion aveugle à la cause de la monarchie. Trois personnages, trois conceptions inconciliables de la France, de l'honneur et du devoir qui vont s'affronter dans les forêts de Vendée où la Nature elle-même semble être entrée en guerre aux côtés des belligérants. Vous aussi, vous vous doutez que tout cela se terminera fort mal, hein ?

Premier roman lu de Victor Hugo : première claque ! Deux ans après, j'en suis encore toute étourdie et il m'arrive régulièrement de relire un passage par-ci, par-là et de retrouver à chaque fois la même émotion brute qu'à la première découverte. J'ai lu plusieurs autres livres du sieur Hugo depuis, mais aucun ne m'a marqué aussi profondément que « Quatrevingt-treize », dernier roman de l'auteur et peut-être le plus pur et le plus dénué d'artifices littéraires (à vérifier, ceci dit, il me faut encore lire un ou deux de ses ouvrages pour avoir une opinion définitive). Tout est parfait dans ce livre : le style superbe, le contexte historique restitué avec fougue et passion, les sentiments humains décortiqués avec une subtilité confondante… Je ne peux que m'insurger bruyamment contre les lecteurs qui osent prétendre les personnages trop stéréotypés ! Certes, ils ont chacun une grande portée symbolique – illustrations vivantes des conflits et de ambiguïtés de leur siècle – mais ils sont aussi terriblement humains, dans tout ce que l'humanité a de plus fragile, de plus faillible et de plus touchant. Et Hugo n'a pas son pareil pour faire percer cette humanité, non dans des grands discours, mais dans une phrase, un mot et – dans le cas du terrible marquis de Lancenac – un geste.

« Quatrevingt-treize », c'est également une vision terriblement noire de la Révolution Française (oh, ce magnifique passage rassemblant Robespierre, Marat et Danton – le loup, le serpent et l'ours – dans un huis-clos d'une virtuosité à couper le souffle ! Je ne m'en lasserai jamais…) Républicain convaincu, Victor Hugo ne condamne jamais les aspirations qui sont à l'origine de la Révolution, mais met en scène les contradictions d'un système qui, à force de vouloir défendre par l'acier et le feu ses nobles idéaux, a fini par les étouffer dans le sang. Cette contradiction est illustrée par la relation tendre et conflictuelle entre Gauvain et Cimourdain : l'un pense la Révolution avec son coeur, l'autre avec sa tête. C'est, hélas, cette deuxième vision qui prévaudra finalement et c'est sous le couperet de la guillotine que Hugo fera périr la dernière étincelle de pureté de la première République. Sans rire, si vous n'avez pas les larmes aux yeux aux dernières lignes, il faut sérieusement penser à consulter un psy…

Conclusion ? Il avait vraiment un gros gros égo, Hugo, mais qu'est-ce qu'il le valait bien, le bougre…
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