Citations sur Un jour de plus de ton absence (59)
Après tout, Louise adorait répéter que son cousin était le premier ami que la vie lui avait offert ! Et c’est ainsi qu’ils avaient fait connaissance. Le courant était tout de suite passé entre eux, mais Jade sortait d’une histoire douloureuse et ne se sentait pas prête à s’investir immédiatement dans une nouvelle relation. Ils s’étaient recroisés par hasard, quelques semaines plus tard, dans une librairie parisienne. Antoine lui avait proposé d’aller boire un verre, Jade avait hésité. Bien sûr, elle l’avait remarqué et avait déjà craqué sur ses beaux yeux verts. Mais c’était le cousin de Louise, elle ne pouvait quand même pas jouer avec un membre de la famille de sa meilleure amie… Jade avait finalement accepté, se disant qu’elle était une grande fille et que Louise ne lui en voudrait certainement pas. De fil en aiguille, les sentiments étaient venus. Et depuis, leur couple s’était imposé comme une évidence. Antoine, lui, avait tout de suite su.
Ils avaient toujours su se réserver des moments d’intimité parmi le tumulte de leur vie dans la capitale. Un parfait équilibre entre leur vie sociale et leur vie de couple. Ils savaient profiter du temps passé avec leurs amis pour mieux savourer leurs moments tous les deux.
Si seulement il lui avait suffi de si peu pour réussir à se réjouir… Ce soir-là, Jade était ailleurs, et Antoine le sentait. Elle posait des questions sans écouter ses réponses, elle rêvait, elle était plongée dans ses pensées. Antoine avait toujours admiré la vie intérieure profonde de sa fiancée et il savait qu’il ne servait à rien de la brusquer : si quelque chose la contrariait, elle lui en parlerait tôt ou tard.
Jade avait toujours voulu être mère avant ses 30 ans. Ses propres parents l’avaient eue jeune et elle adorait la proximité qui les liait. Elle avait toujours passé beaucoup de temps avec eux et leur complicité était très forte. Naturellement, elle voulait reproduire ce schéma à son tour. Son rêve se dessinait une seconde fois.
Parce qu’au fond de lui, Antoine avait toujours su que cette jeune femme était loin d’être comme les autres. Dès le début de leur relation, il avait eu cette intuition forte : Jade serait la personne avec qui il passerait le reste de son existence. Et peut-être pour la première fois de sa vie, il n’avait pas eu envie de tout gâcher.
Elle avait beau être une femme moderne, de celles que l’on qualifie de fortes, d’indépendantes, de féministes, de celles qui aiment se prendre en main et affirmer qu’elles n’ont pas nécessairement besoin d’un homme pour exister, en imaginant son avenir, Jade n’avait qu’une seule vision possible : elle se voyait mariée, avec deux enfants, une jolie maison, et un chien. Tellement ringard, tellement cliché… Cela paraissait incohérent aux yeux de ses proches, et même pour elle qui vantait l’émancipation des femmes et s’insurgeait contre les diktats de la société. Pourtant, au fond d’elle, elle n’avait jamais eu le moindre doute : elle était née pour être maman. Un paradoxe qu’elle acceptait, puisqu’elle avait conscience que cette volonté émanait d’elle seule. C’était cela, qu’elle promouvait, au fond : la liberté pour chacune d’orienter sa vie selon ses propres choix.
Elle attendait un bébé ! Depuis le temps qu’Antoine et elle le désiraient… Il allait falloir lui annoncer ! Peut-être pas tout de suite, cela pouvait encore attendre… Voilà un secret qu’elle préférait garder pour elle, rien que pour elle, pour le moment. Un moment à partager seule, avec ce petit être qui commençait déjà à grandir dans son corps. Un bébé…
Dire que cette nouvelle était un choc aurait été un euphémisme. C’était un véritable cataclysme. Jade était comme paralysée par l’écho de cette nouvelle qui se propageait lentement mais insidieusement jusqu’à son cerveau. C’était un séisme de magnitude 9 qui emportait tout sur son passage, balayait ses certitudes, réveillait ses plus grandes craintes. Dans sa tête, une alarme se déclencha.
Dix semaines. Soixante-dix jours. Le calcul était facile, Jade n’avait même pas besoin de trop réfléchir, la date de conception s’imposait brutalement à elle. Le 20 février. C’était un lundi, elle s’en souvenait encore.
Depuis qu'elle avait appris sa grossesse, Jade poursuivait sa vie comme si de rien n'était, refusant que tout ait à ce point changé. Elle continuait à boire du champagne, comme la veille au restaurant.