Fabrice Humbert avec
La Fortune de Sila offre un roman balzacien des Temps modernes. Comme avec la Comédie Humaine dans laquelle
Balzac s'attaquait aux prétentions de son temps et voyait dans le libéralisme bourgeois une hypocrisie des intérêts personnels, l'écrivain envisage le monde actuel de la Finance comme le règne de l'ambition, de l'énergie et de l'argent et dirigé par les pulsions individuelles.
Pour avoir assisté ou participé à un évènement violent, les personnages de ce roman ont leur destin lié et partagent une vie de points communs : la course au pouvoir et à l'enrichissement, nous sommes au début des années 90. En agissant ainsi, ils perdent l'humanité qu'ils possèdent pour accroître leur animalité. Tous sont impliqués dans un combat épuisant pour exister, être et survivre parmi d'autres requins. Engagés, ils manquent du courage pour s'arrêter et retrouver l'équilibre nécessaire.
Les femmes, personnages secondaires dans ce roman, n'en sont pas moins importantes. Canalisant l'agressivité qui mine leur compagnon, elles sont leur garde-fou. Annonçant la fin certaine d'une vie surfaite, illusoire et fragile, elles resteront des Cassandre, acceptant leur sort ou pas.
Autre personnage secondaire, Matthieu. Colocataire de Simon, un des personnages principaux, il se pense comme un Lucien de Rubempré des
Illusions Perdues. Il croit au pouvoir des réseaux pour effectuer son ascension et obtenir le confort matériel donné par l'argent, sans même travailler. Coachant Simon, le matheux, enfermé dans une timidité maladive et un manque de confiance, Matthieu vivra par procuration à travers Simon, dans un couple amical où l'un sera Abel et l'autre Caïn. Et que dire de Sila, dont la vraie fortune tiendra dans son coeur.
C'est donc un très bon roman.
Fabrice Humbert tisse son intrigue sans jamais perdre le fil directeur. Il lie tous les personnages pour en faire des révélateurs d'une période dorée qui n'en reste pas moins animale. le but étant de gagner, et par n'importe quel prix.
Son attache à
Balzac est très finement faite.
Fabrice Humbert écrit page 135 : « […] le plus grand écrivain du capitalisme, le premier à avoir saisi, dans une vision écrasante, la puissance de l'argent et de la société sur l'individu, réduit à s'adapter ou mourir [telles étaient] les oeuvres
De Balzac. » Finalement, dans
la Fortune de Sila, le courage et l'honnêteté résideront dans la défaite, pas dans la réussite.
Je vous recommande ce livre. Il m'a plu alors qu'en le commandant, je me demandais pourquoi je l'avais mis dans ma PAL, en 2010. Belle découverte.