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Critique de mumuboc


Lorsque j'écoute Siri Hustvedt dans ses interviews j'ai l'impression de ne rien comprendre car son discours est parfois assez hermétique et un peu pédant mais comment ne le serait-elle pas avec un parcours universitaire prestigieux car diplômée en littérature anglaise et neurosciences, elle dispense des cours de psychiatrie dans des universités américaines. Elle est la compagne de Paul Auster. Comme je suis curieuse et me méfie de mes impressions (qui se révèlent parfois justes malgré tout) et ayant trouvé ce roman dont j'aimais beaucoup la couverture et le titre je me suis lancée à la découverte de Siri Hustvedt.

Une femme, Mia, 55 ans, poétesse, (Siri ?) se retrouve seule après la séparation avec son mari, Boris, neuroscientifique, qui est parti  vivre avec celle qu'elle nomme La Pause, une femme beaucoup plus jeune. Après une période dépressive, elle rejoint sa mère, Laura, qui vit dans une maison de retraite, Rolling Meadows, dans le Minnesota, entourée de femmes d'un âge avancé et forme ce que l'auteure appelle Les cinq cygnes. Elle en profite pour animer un Club de poésie et d'écriture pour 7 jeunes adolescentes de 13 ans. C'est un été donc très féminin, de tous âges, sans compter Lola, sa voisine, dont le couple bat de l'aile et mère de deux enfants.

A travers les quatre tranches d'âge qui entourent la poétesse (adolescentes, jeune femme, elle-même et femmes âgées) l'auteure se lance dans une étude des comportements féminins, de leurs centres d'intérêt et préoccupations, qui ne sont évidemment pas les mêmes.

"Si, à la moitié de votre vie, vous aviez six ou sept ans, l'espace de ces années semblerait plus long que celui de cinquante années pour un centenaire, parce que dans l'expérience des jeunes le futur paraît sans fin et qu'ils considèrent normalement les adultes comme appartenant à une autre espèce. Seules les gens âgés ont accès à la brièveté de la vie. (p117)"

A travers le groupe formé par sa mère et ses amies, c'est un regard tendre sur l'époque où les souvenirs sont plus présents que les projets, des confidences et des révélations se font jour parfois avant le grand saut pour certaines. Quand il s'agit des sept adolescentes c'est l'âge des rivalités, des "embrouilles", des conflits que tentera de résoudre Mia à travers des jeux d'écriture et la poésie. Quand à Lola, la trentaine, c'est la recherche de sa place à côté d'un mari instable et de deux jeunes enfants qui l'accaparent dont la petite Flora, fillette imaginative de 4 ans, qui s'invente un ami et se balade avec une perruque à la Harpo Marx sur la tête.....

Siri Hustvedt projette dans Mia ses propres questionnements en tant que femme, écrivaine, poétesse, dépressive qui tente elle-même de trouver sa propre place après une rupture, à un carrefour de vie. Quel chemin prendre ?  Avec le temps, avec la complicité de sa fille Daisy, comédienne, lien entre elle et Boris, elle va s'apercevoir qu'il faut laisser du temps au temps et faire du lecteur (lectrice) le témoin de sa renaissance.

Je dois avouer que j'ai failli abandonner cette lecture à la moitié tellement la construction du livre me déroutait. Constitué d'un seul chapitre, c'est un long monologue, parfois presque professoral, limite psychanalytique, sur l'expérience vécue par Mia mais où l'auteure mêle régulièrement ses propres réflexions, études et analyses, cassant le rythme de la lecture bien sûr et me perdant régulièrement. J'ai trouvé cela assez perturbant mais au moment où j'allais le lâcher, c'est produit un petit miracle. Siri s'adressait à moi et avec une pointe d'humour car finalement elle sait parfaitement qu'elle risque d'avoir perdu son lecteur, j'ai lu :

"Bientôt dites-vous, nous allons atteindre un col ou un carrefour. Il y aura de l'ACTION. (...) Mais avant d'en arriver là, je veux veux vous dire, Gentil Lecteur, que si vous êtes ici avec moi maintenant, sur cette page, je veux dire : si vous avez atteint ce paragraphe, si vous n'avez pas renoncé, ne m'avez pas envoyée, moi, Mia, valdinguer à l'autre bout de la pièce ou même si vous l'avez faite, mais vous êtes demandé s'il ne se pourrait pas que quelque chose se passe bientôt et m'avez reprise et êtes encore en train de lire, je voudrais tendre les bras vers vous et prendre votre visage à deux mains et vous couvrir de baiser, des baisers sur vos joues et sur votre menton et partout sur votre font et un sur l'arête de votre nez (de forme variable), parce que je suis à vous, tout à vous. Je voulais juste que vous le sachiez. (p112)"

Et après cette prise de conscience de l'auteure, l'écriture s'est fluidifiée, uniformisée, se tournant plus sur les personnages, leurs passés, leurs secrets, devenant plus romancière qu'essayiste ou donnant une forme plus accessible à ses analyses, offrant plus de profondeur à ses héroïnes, j'ai même été surprise du contraste dans l'écriture, comme si celle-ci avait été passée du froid au chaud, de la distance à l'intimité. Après les circonvolutions de la première partie tout s'est éclairci, ayant abandonné réflexions philosophiques alambiquées, études sociétales, elle faisait le choix de n'être que romancière.

"Et je vais vous dire en toute confidence, vieil ami, car voilà bien ce que vous êtes maintenant, vaillante lectrice, vaillant lecteur, éprouvés et fidèles et si cher à mon coeur. Laissez-moi vous dire que si mon bonhomme avait franchi les étapes, comme on dit, et qu'il était parvenu de plus en plus près de ce qu'il y a là, au fond de moi, quoi que ce fut, c'était qu'il y avait eu du temps, tout simplement du temps.... (p215)"

Et comme telle elle évoque d'autres romancières célèbres, féministes, engagées ou critiqués dans leur travail et en particulier lorsqu'elle évoque Jane Austen 

"Aimée autant que détestée, elle a maintenu ses critiques en haleine. "Une bonne bibliothèque est une bibliothèque qui ne contient pas d'ouvrage de Jane Austen, a dit Mark Twin, enfant chéri de la littérature américaine, même si elle ne contient aucun livre." Carlyle qualifiait ses livres de "triste camelote". Aujourd'hui encore, on lui reproche d'être "étroite" et claustrophobe" et on la relègue au statut d'écrivain pour les femmes. La vie en province, indique d'observation ? Les douleurs des femmes, sans importance ? Ça peut aller quand c'est Flaubert, bien entendu. Pitié pour les idiots.(p177)"

Un avis assez mitigé donc pour cette première lecture mais je sais malgré tout qu'il y a derrière toute cette vitrine de son savoir une femme, certes très intelligente, drôle parfois, observatrice de la société. Ayant sur mes étagères depuis des années Tout ce que j'aimais je lui donnerai une autre chance et j'espère que cette fois-ci, même si ses origines nordiques lui font souffler parfois le froid et la distance sur ses mots, je préfère quant à moi quant elle laisse au vestiaire sa toge de professeur universitaire.

"Un livre est une collaboration entre celui ou celle qui lit et ce qui est lu et, dans le meilleur des cas, cette rencontre est une histoire d'amour comme une autre. (p179)"
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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