Les Cahiers Japonais : Un voyage dans l'empire des signes

Bien que Tokyo soit une mégapole de presque 9 millions d'habitants, la structure de la ville garde cette dimension d'agglomérat de villages.
J'habitais à Sendagi, dans un quartier à l'aspect très ancien, où avait vécu l'écrivain Natsume Soseki.
Cette ville avait le don de me calmer, de laisser déposer sur le fond le sable de mon existence.

Le mythe du guerrier a traversé des siècles de culture japonaise .Il a été représenté sur des millions d'images à la grâce infinie ,qui sont parvenues jusqu'à nous, avec ce mélange diabolique de charme et de mort. Je passais des heures à regarder ces images.

Selon un vieux dicton, la patience est le bijou du corps. Si tu sais être patient, tu ne seras jamais malheureux. Si tu ne sais pas être patient, tu seras malheureux. La patience st une question d'autocontrôle.

Grâce à mon éditeur, j'avais rencontré plusieurs auteurs de manga. Ça les faisait sourire, ça leur paraissait même excentrique, qu'un auteur occidental ait décidé de se mesurer à ce monde dur et tout japonais, fait de rythmes infernaux, de nuits blanches et de travail d'équipe.

— Konnichiwa Taniguchi San.

Presque tous les auteurs, pour faire face aux livraisons hebdomadaires, avaient plusieurs assistants.

— Moi, je fais une soixantaine de pages par mois, je suis très lent.
— C'est plus ou moins la production d'un auteur occidental à l'année.
— Hein ? Et comment font-ils pour vivre ?

Enivré par les anciennes estampes japonaises, je m'étais avancé dans ce monde de signes, simples en apparence, qui dissimulaient un savoir mystérieux.
Un dessin exécuté avec de rapides coups de pinceau, qui semblaient calquer des formes invisibles au commun des mortels.
Comment faisaient-ils ?
Les estampes du monde fluctuant, comme on les appelait alors, proposaient une façon de voir la nature qui, au fil du temps, est demeurée inégalée, contribuant à construire ce halo de légende qui est parvenu jusqu'à nous.

De la fenêtre, j'apercevais parfois le prunus fleurir en ce printemps japonais.
Bunkyo-ku était un quartier très ancien, fait de petites constructions et peuplé de temples et de sanctuaires. Ils protégeaient le palais impérial des esprits, qui, comme chacun sait, passent du nord-est au sud-ouest.
Le temple Tennoji et ses jardins allaient devenir mon chez-moi.

On sait s'adapter plus qu'on ne le pense.