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Citations sur Happycratie (40)

Les individus satisfaits qui s’attribuent fièrement le « mérite » de mener une vie heureuse se sentent ainsi habilités à blâmer les autres , à leur imputer la responsabilité de leur état, sous le prétexte qu’ils n’auraient pas fait les « bons choix », qu’ils se montreraient incapables de s’adapter face à l’adversité, incapables de faire preuve de flexibilité – de cette flexibilité si nécessaire, prétend-on lorsqu’il s’agit d’envisager les échecs comme autant d’occasions de s’épanouir personnellement. Les personnes qui souffrent n’ont donc pas seulement à porter le fardeau de leurs affects : il leur faut aussi porter celui de la culpabilité – celle de ne pas être en mesure de surmonter les difficultés auxquelles elles ont à faire. La tyrannie de la positivité nous incite à envisager la tristesse, l’absence d’espoir ou le deuil comme autant d’états non seulement bénins mais aussi fugaces que nous ferons disparaitre à la condition de nous en donner la peine. Une telle vision des choses laisse accroire que la négativité peut et devrait disparaitre sans laisser la moindre trace dans la psyché. Cette manière de toujours envisager le seul versant positif conduit, en dépit des bonnes intentions qui y président, à une profonde incompréhension de ceux qui souffrent véritablement, à une profonde indifférence à leur égard, et conduit enfin à masquer cette incompréhension et cette indifférence.
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Réprimer les émotions et les pensées négatives ne contribuent pas seulement à justifier des hiérarchies sociales implicites et à consolider l’hégémonie de certaines idéologies. Ce type de répression délégitime et banalise également la souffrance. Cette volonté obsessionnelle de transformer une négativité jugée improductive en positivité considérée comme forcément productive ne rend pas seulement indésirables des émotions comme la colère, l’angoisse, le chagrin : elle en fait des affects stériles, inutiles, « pour rien », comme le disait Levinas .
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La tyrannie de la pensée positive nous incite à croire au meilleur des mondes possibles tout en nous décourageant de concevoir le meilleur des mondes imaginables.
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Les détenteurs du pouvoir, quels qu’ils soient, affirment toujours que la réalité est de leur côté, non en raison de l’exactitude de leurs affirmations mais parce qu’ils ont le pouvoir de donner une apparence de vérité à ces affirmations.
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Si le surmené, le dépressif, la marginal, le pauvre, le toxicomane, la malade, le solitaire, le chômeur, si celui qui a fait faillite, celui qui a échoué, celui qui est opprimé, celui qui est endeuillé, ne mènent pas des vies plus heureuses et épanouies, c’est tout simplement, nous disent les apologistes de la psychologie positive, qu’ils n’ont pas fait suffisamment d’efforts.
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Enfin, la notion de résilience soulève d’importantes questions quant à la compréhension sociale et au traitement de la souffrance. Qu’en est-il de tous ceux qui souffrent de ne pouvoir se montrer résilients ou de ne pouvoir conserver une attitude positive face à l’adversité ? Qu’en est-il de tous ceux qui nourrissent le pénible sentiment de ne pouvoir être heureux ou suffisamment heureux et qui en conçoivent de la culpabilité ? Cette rhétorique de la résilience ne promeut-elle pas en vérité le conformisme ? Et ne justifie-t-elle pas implicitement les hiérarchies et les idéologies dominantes ? Cette manière d’en appeler fermement à conserver une attitude positive en toutes circonstances ne prive-t-elle pas de toute légitimité les sentiments négatifs ? Et ne fait-elle pas de la souffrance quelque chose d’inutile et même de méprisable ?
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Le discours dominant aujourd’hui fétichise le bonheur, cantonne la notion de fonctionnalité dans le domaine du psychologique et associe la santé, la réussite et l’amélioration de soi à la positivité (à un niveau élevé de positivité). Loin de surmonter la prétendue négativité de la psychothérapie traditionnelle, l’opposition affirmée entre émotions positives (et donc fonctionnelles) et émotions négatives (et donc dysfonctionnelles) a produit un nouveau modèle de pathologisation, c’est-à-dire une nouvelle stratification émotionnelle d’après laquelle il pourra être déterminé qu’une personne jugée négative n’est donc pas apte à mener une vie saine et fonctionnelle.
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[…] des émotions dites négatives comme la haine sont intrinsèquement liées à toutes les logiques d’action et réaction politique, et concourent à façonner le sentiment que l’on se fait de sa propre valeur, l’identité personnelle. En voulant les gommer de la psyché ou en faire des émotions uniment positives au nom de l’adaptation sociale, les apôtres de la psychologie positive nient la nature politique et la fonction sociale de ces émotions dites négatives.
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Se montrer positif en toutes circonstances ne sera pas toujours une bonne chose : le risque de dépression en sera augmenté en cas de déconvenues graves ; par ailleurs, la personne hyperpositive montrera souvent une propension au désengagement émotionnel, se révélant dans certaines circonstances peu empathiques pour autrui […]. D’autres ont également démontré que le comportement émotionnel positif, s’il peut augmenter l’empathie subjective, est souvent associé non seulement à une certaine diminution de l’empathie objective mais aussi à une forte tendance à la stéréotypisation ainsi qu’à des erreurs de jugement lorsqu’il s’agit d’expliquer son propre comportement et celui d’autrui (les personnes constamment positives auraient en effet tendance à ignorer les facteurs circonstanciels et à céder bien plus que les autres aux préjugés ).
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Autant dire qu’il n’existe aucun état précis – et a fortiori universel – susceptible d’être nommé sans ambiguïté « bonheur », pas plus qu’il n’existe d’état qui ne soit pas dans le même temps bon et mauvais, positif et négatif, plaisant et déplaisant, fonctionnel et dysfonctionnel.
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